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Les bisphosphonates, qu'est-ce que c'est ?

Les bisphosphonates, qu'est-ce que c'est ?

En 2011, 336 millions d’euros de médicaments contre l’ostéoporose ont été vendus en pharmacie, en comptant aussi le Forsteo, le Protelos, l’Osigraft et l’Inductos. Ce chiffre est en baisse par rapport aux années précédentes, non pas parce qu’on prescrit moins de ces médicaments, mais parce que des génériques, moins chers, sont arrivés sur le marché (dès 2008 pour le Fosamax). D'où viennent ces médicaments ?

L'histoire des bisphosphonates

Les bisphosphonates étaient étudiés depuis les années 1960 par les fabricants de détergents comme l’allemand Henkel, parce qu’ils formaient des complexes avec le calcium et le magnésium et les empêchaient de se redéposer sur le linge.
Au même moment, les chercheurs américains de Procter & Gamble étaient occupés à formuler des dentifrices anti-caries au fluor. Ils avaient montré qu’une pâte à base de fluor prévient bien les caries. Mais ce même fluor avait un petit inconvénient : il s’attaquait à l’émail dentaire et se déposait sur les dents sous la forme de cristaux de fluorure de calcium. Chez Procter & Gamble, on testait donc des composés que l’on associerait au fluor et qui éviteraient ces désagréments en empêchant le calcium et le phosphore de quitter l’émail. L’idée était d’obtenir une très fine couche de fluorure de calcium amorphe qui en se déposant sur l’émail préviendrait les caries.
Une autre solution explorée par Procter & Gamble consistait à utiliser des chélateurs du calcium pour éliminer les cristaux formés sur la dent. Plusieurs molécules faisaient cela très bien. Mais toutes abîmaient l’émail. Procter & Gamble tournait en rond.
En 1964, les chimistes de Procter & Gamble entendent parler des bisphosphonates étudiés par leurs confrères de Henkel pour rendre le linge plus souple et plus blanc. Intrigués, ils demandent des échantillons aux Allemands pour les tester sur des cristaux de fluorure de calcium. À leur grande surprise, les bisphosphonates empêchent les cristaux de se former sur les dents des animaux !

Comment agissent les bisphosphonates

Au cours des années qui suivirent, Procter & Gamble continua d’explorer les propriétés des bisphosphonates et en 1969 un article fut publié dans le journal Science qui montrait que ces composés bloquent la formation de cristaux d’hydroxyapatite, le constituant minéral principal de la dent et de l’os. Traduction : les bisphosphonates ralentissent la résorption osseuse, c’est-à-dire le processus de destruction auquel l’os est soumis en permanence.
Ce processus de destruction est directement relié à un processus de reconstruction qui lui fait suite. L’ensemble s’appelle le remodelage osseux. Ce remodelage osseux ne doit être ni trop rapide, ni trop lent. On pense qu’un remodelage osseux accéléré augmente le risque de fractures. Donc une substance qui ralentit la résorption osseuse ralentit aussi le remodelage osseux.

Le Protelos, la mauvaise réponse française aux bisphosphonates
Le ranélate de strontium du laboratoire français Servier a été autorisé au niveau européen en 2004 sous le nom de Protelos pour le traitement de l’ostéoporose et la prévention des fractures.
Cinq ans plus tard, en octobre 2011, c’est l’humiliation.
L’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (l’Afssaps, devenue ANSM) qui a placé le médicament sous surveillance, recommande aux médecins de le réserver aux patientes à risque élevé de fractures, ayant une contre-indication ou une intolérance aux bisphosphonates. La recommandation est assortie d’une troisième condition : les patientes ne doivent pas avoir de risque thromboembolique.
Comme la plupart des patientes peuvent précisément présenter ce risque, c’est à une lente mise à mort du médicament que veulent procéder les autorités sanitaires françaises. Entre-temps, il aura été prescrit (et remboursé) à 400 000 femmes, dont beaucoup n’avaient même pas d’ostéoporose mais une « ostéopénie ».
En janvier 2014, c'est le coup de grâce : l'Agence européenne du médicament (EMA) recommande la suspension du marché du Protelos des laboratoires Servier car sa balance bénéfices-risques est clairement défavorable. Barré en France et en Grande-Bretagne (et aux États-Unis) dans les prescriptions d’ostéoporose, le Protelos tente aujourd’hui de rebondir dans le traitement de l’arthrose. Comme ce fut le cas pour l’ostéoporose, de grands noms de la médecine disent tout haut leur enthousiasme dans les congrès et les publications scientifiques. La presse médicale est à l’unisson.

Au début des années 1970 des bisphosphonates furent utilisés pour traiter des maladies osseuses au cours desquelles le remodelage osseux est excessif, comme la maladie de Paget.
À la fin des années 1970 et au cours des années 1980, alors que grâce à la conférence des NIH s’ouvrait véritablement un marché pour les médicaments qui augmentent la densité osseuse, Procter & Gamble se lança dans une série d’études pour évaluer sur des patientes la sécurité et l’efficacité de ses bisphosphonates : l’étidronate et surtout le risédronate monosodique (Actonel). Ces études en situation réelle devaient confirmer que le risédronate ralentit le remodelage osseux et qu’il augmente aussi la densité osseuse ! En plus, il semblait réduire le taux de fractures des vertèbres chez des patients à risque.
Alors que les autorisations de mise sur le marché étaient délivrées les unes après les autres, le marché s’ouvrait, dopé par le remboursement de l’ostéodensitométrie. Cet examen se trouvait désormais justifié par le fait que l’on disposait de molécules efficaces pour prévenir les fractures chez les femmes à risque. C’est en tous cas ce qu’on croyait, et ce qu’on croit encore aujourd’hui.
La réalité est un peu différente.

Pour en savoir plus : lire Le mythe de l'ostéoporose.

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