Grégory Resch : « L’avenir de la phagothérapie, c’est une médecine personnalisée »

Grégory Resch : « L’avenir de la phagothérapie, c’est une médecine personnalisée »

Comment avez-vous été amené à travailler sur la phagothérapie ?

J’ai vu le reportage La guerre des phages alors que j’étais étudiant et j’ai voulu orienter ma thèse vers les bactériophages, à Bâle. J’ai séquencé un bactériophage, qui a été le 101e génome de phage publié. Mon stage post-doctoral a porté sur les enzymes de restriction. J’ai obtenu une bourse Marie Curie pour partir deux ans à New York et revenir un an en Suisse. J’ai travaillé sur les thérapies avec les lysines, avec Vincent Fischetti. Pendant ce stage post-doctoral, j’ai développé une nouvelle lysine sur le pneumocoque. Je suis revenu dans l’équipe de Philippe Moreillon à l’UNIL et nous avons développé des projets sur les phages et les lysines. 
 

Quels sont vos projets de recherche actuels ?

Nous voulons récolter un maximum de phages contre des pathogènes importants pour l’être humain. Nous nous focalisons sur la bactérie Pseudomonas aeruginosa. La mucoviscidose est une cible prioritaire : les patients sont très demandeurs, ils connaissent bien cette thérapie, certains patients occidentaux vont se faire traiter en Géorgie... Nous avons d’autres projets de recherche. Un étudiant en thèse travaille sur les infections à Staphylococcus aureus et Staphylococcus epidermidis. Avec la Haute École d'ingénierie et de gestion du canton de Vaud, nous développons un outil bioinformatique, le projet INPHINITY, pour savoir quel phage fonctionnerait pour une infection donnée. Nous travaillons aussi sur les problématiques de purification.
 

Et à l’international ?

Aux Etats-Unis il y a des initiatives qui prennent beaucoup d’ampleur. Un meeting, Phage Futures, aura lieu à Washington en janvier 2019. Je suis en contact avec le laboratoire Adaptive Phage Therarapeutics qui nous a confié une vingtaine de phages anti-Pseudomonas, que nous avons testés. Les phages américains marchent très peu sur les souches de mucoviscidose des patients suisses : ils fonctionnent beaucoup moins bien que les phages que nous avons trouvés dans la station d’épuration de Vidy, à Lausanne ! Il y a un aspect géographique à prendre en compte : un phage doit rencontrer sa bactérie, donc nous trouverons des phages très actifs contre les souches des patients suisses en Suisse ! Nous sommes aussi en contact avec une chercheuse française à la retraite, Christine Pourcel, qui a beaucoup travaillé sur les phages de Pseudomonas. Elle nous a envoyé des phages français qui marchent très bien. 
 

Comment voyez-vous l'avenir de la phagothérapie ?

De plus en plus d’initiatives nationales se mettent en place. Nous avons beaucoup appris avec l’essai clinique Phagoburn : nous avons montré qu’un cocktail « tout en un » n’est pas la solution à poursuivre. Les phages purifiés sont stables dans des tubes séparés mais, quand nous avons mélangé 12 phages, il y a eu un problème de stabilité. Les patients ont eu des doses très faibles de phages dans l’essai clinique. Ils ont quand même été exposés aux protéines de phages et il n’y a pas eu d’effet secondaire. Chez les patients chez qui la phagothérapie a fonctionné, les phages ont été amplifiés et leurs bactéries étaient très sensibles aux phages. Chez ceux chez qui cela n’a pas marché, les souches étaient plutôt résistantes... Pour moi, l’avenir de la phagothérapie, c’est plutôt une médecine personnalisée, où on va prendre la souche du patient et tester des phages en banque pour assembler un cocktail qui marche !
 
Propos recueillis par Marie-Céline Ray, l'auteure de Infections, le traitement de la dernière chance qui explique tout ce qu'il y a à savoir sur la phagothérapie.

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