C’est un dossier qui prend de la consistance. Celui de la vitamine D anti-grippe. En février 2008, cinq chercheurs épidémiologistes et spécialistes de la vitamine D ont rassemblé des preuves convaincantes de l’implication de la vitamine D dans le caractère saisonnier de la grippe, virulente en hiver, absente en été (1). Des études sont bien sûr nécessaires pour confirmer cette hypothèse, mais ces nouveaux éléments renforcent les arguments de ceux qui plaident pour une supplémentation systématique en vitamine D à partir du mois d’octobre dans l’hémisphère nord, tant chez l’adulte que chez l’enfant.
La vitamine D module la défense immunitaire
Edgar Hope-Simpson, un épidémiologiste britannique qui a passé une grande partie de sa carrière à travailler sur les épidémies de grippe a le premier avancé qu’ « un stimulus saisonnier non identifié » explique pourquoi la grippe frappe à la saison froide dans les deux hémisphères (2). Ce « stimulus » apparaît fortement lié au rayonnement solaire et cinq chercheurs américains estiment aujourd’hui qu’il s’agit de la vitamine D. En effet le niveau de vitamine D fluctue fortement selon les saisons : élevé en été, au plus bas en hiver et au début du printemps.
Les suppléments de vitamine D et la grippe
Il existe déjà des preuves que la vitamine D peut prévenir la grippe. On sait que les infections respiratoires basses sont bien plus fréquentes chez les personnes qui manquent de vitamine D (3). Dans une étude contrôlée, on a comparé les effets d’un placebo à celui d’un supplément de vitamine D sur la maladie. Par rapport aux 104 femmes qui avaient reçu un placebo, celles (104 aussi) qui avaient pris un supplément ont été moins nombreuses à rapporter un épisode de rhume ou de grippe. La dose modérée de 800 UI de vitamine D par jour s’est traduite par une diminution de l’incidence et elle a supprimé la saisonnalité de la maladie (4). Une dose plus élevée (2000 UI/jour), pendant la première année de l’étude, a pratiquement éradiqué toute manifestation de rhume ou de grippe.
Comment la vitamine D nous protège
La vitamine D active l’immunité innée, qui nous permet de répondre rapidement aux agresseurs que sont les bactéries, les champignons et les virus. Lors d’une attaque virale, nos cellules transforment la vitamine D circulante en vitamine D active. Celle-ci déclenche la production d’une famille d’antibiotiques naturels appelés AMP (peptides anti-microbiens). Encore faut-il qu’il y ait assez de vitamine D dans le corps, ce qui est rarement le cas en hiver (sauf si l’on prend un supplément de vitamine D).
Les apports conseillés ne protègent pas suffisamment
Dans une étude qui portait sur 334 écoliers japonais, la moitié a reçu 200 UI de vitamine D par jour, soit le niveau exact des apports conseillés en France, alors que l’autre moitié en recevait 6 fois plus : 1200 UI de vitamine D par jour. Résultat : par rapport aux écoliers qui ont reçu les apports conseillés, ceux qui ont reçu la dose la plus élevée ont vu leur risque d’être grippé réduit de 64%. (5) C’est la preuve que les apports conseillés sont probablement trop bas pour nous protéger contre le virus de la grippe.
S’il existe de nombreuses preuves que la vitamine D peut vous aider à vous défendre contre les virus de la grippe, toutes les études ne disent pas cela. Par exemple, une étude norvégienne qui utilisait des suppléments de vitamine D (1111 à 6800 UI par jour) n’a pas trouvé que la vitamine D avait réduit le risque de syndrome grippal. (6) Cependant, dans cette étude, on ne disposait pas d’information précise sur le niveau de vitamine D dans le plasma des participants.
Comme les besoins diffèrent d’une personne à l’autre, la même dose de vitamine D n’aura pas le même impact sur le niveau sanguin chez l’un ou chez l’autre. D’où l’importance de mesurer régulièrement son taux de vitamine D dans le sang en visant un minimum de 30, voire 40 ng/mL en hiver. Une étude britannique publiée en novembre 2011 et conduite auprès de 6789 personnes nées en 1958 a établi que chaque augmentation de la vitamine D plasmatique de 4 ng/mL était associée à une diminution de 7 % du risque d’infection respiratoire. (7)
Quelle dose prendre ?
John Cannell et Bruce Hollis, deux chercheurs spécialistes de la vitamine D, estiment qu’il faudrait avoir en permanence des taux supérieurs à 100 nmol/L ou 40 ng/mL, et plus vraisemblablement compris entre 55 et 70 ng/mL.(8) Tous les spécialistes ne s'accordent pas sur ce niveau de vitamine D.
La prise de 1000 à 3000 UI de vitamine D par jour en hiver permettrait de se situer autour de 35 ng/mL pour la majorité de la population. Avec 2000 à 4000 UI de vitamine D on peut espérer un taux moyen de 25(OH)D de 44 ng/mL. Finalement certains chercheurs considèrent qu’en l’absence d’exposition au soleil, un adulte en bonne santé pourrait se procurer jusqu'à 1000 UI de vitamine D pour 15 kg de poids corporel, soit pour un adulte de 75 kg, environ 5000 UI par jour. La dose adéquate doit être dictée par les résultats biologiques, et ajustée en conséquence, car chaque personne est différente.
Pour beaucoup de personnes, un apport de 1500 UI/j de vitamine D3 en hiver est suffisant car im permet de se situer au-dessus de 30 ng/mL. Cet apport peut être augmenté en période d'infections.
La forme de vitamine D privilégiée est la D3. On peut la prendre en monodoses espacées par exemple 100 000 UI pour deux mois, ou en comprimés ou gouttes quotidiennes.
(1) Cannell JJ et al. On the epidemiology of influenza. Virology Journal 2008, 5:29.
(2) Hope-Simpson RE, Golubev DB: A new concept of the epidemic process of influenza A virus. Epidemiol Infect 1987, 99:5-54.
(3) Laaksi I, Ruohola JP, Tuohimaa P, Auvinen A, Haataja R, Pihlajamäki H, Ylikomi T: An association of serum vitamin D concentrations < 40 nmol/L with acute respiratory tract infection in young Finnish men. Am J Clin Nutr 2007, 86:714-7.
(4) Aloia J, Li-Ng M: Re: epidemic influenza and vitamin D. Epidemiol Infect 2007, 135(7):1095-1096.
(5) Urashima M, Segawa T, Okazaki M, Kurihara M, Wada Y, Ida H.Randomized trial of vitamin D supplementation to prevent seasonal influenza A in schoolchildren. Am J Clin Nutr 2010;91:1255–60
(6) Jorde R, Witham M, Janssens W, Rolighed L, Borchhardt K, Boer IH, Grimnes G, Hutchinson MS. Vitamin D supplementation did not prevent influenza-like illness as diagnosed retrospectively by questionnaires in subjects participating in randomized clinical trials. Scand J Infect Dis. 2011 Oct 25. [Epub ahead of print] PubMed PMID: 22026455.
(7) Berry DJ, Hesketh K, Power C, Hyppönen E. Vitamin D status has a linear association with seasonal infections and lung function in British adults. Br J Nutr. 2011 Nov;106(9):1433-40. Epub 2011 Jun 6. PubMed PMID: 21736791.
(8) Canell JJ, Hollis B : Use of vitamin D in clinical practice. Alt Med Rev 2008, 13(1): 7-20.