De nombreuses personnes et familles se pensent victimes d’une maladie héréditaire, l'hypercholestérolémie familiale (HF), et restent terriblement affectées et dans l’angoisse de leur futur, le leur et celui de leur descendance. Pour Michel de Lorgeril, ces familles sont surtout victimes d’une désinformation massive. Il y a certes quelques rares cas d’HF malignes avec des manifestations cliniques dès l’enfance ; mais il est faux de prétendre que le cholestérol en est responsable. Ce sont les énormes accumulations de lipoprotéines dans le sang et les organes qui posent problème.
Car la désinformation commence avec l’appellation même d’Hypercholestérolémie familiale. Autrefois, les troubles des lipides sanguins étaient classés selon la classification dite de Fredrickson, qui est aujourd’hui plus ou moins abandonnée. À cette époque, le cholestérol n’était pas désigné dans cette classification et les HF étaient rangées principalement dans ce que l’on appelait à juste raison des Hyperlipoprotéinémies de type IIA.
Or une hyperlipoprotéinémie c’est différent d’une hypercholestérolémie qu’elle soit familiale (héréditaire) ou pas ! Le coupable, si coupable il y avait, ne serait pas le cholestérol mais certaines lipoprotéines – par exemple les fameuses LDL, qui signifie “Low-Density Lipoprotein” en anglais – et ça change totalement le raisonnement.
Quelle est la fonction de ces lipoprotéines circulant dans le sang ?
Les lipoprotéines sont des transporteurs : elles ont pour rôle d’approvisionner nos cellules en substances de type lipidique – donc insolubles dans le sang et intransportables comme telles – notamment le cholestérol, mais pas seulement. Il est abusif de les assimiler au cholestérol ! Les lipoprotéines sont d’énormes structures multimoléculaires complexes qui contiennent des associations de lipides et de protéines, comme leur nom l’indique, et bien d’autres choses. Parmi ces lipides, il y a du cholestérol, mais aussi :
- d’autres lipides : des triglycérides, des phospholipides, des acides gras (beaucoup),
- des substances liposolubles de toutes sortes comme les vitamines liposolubles : vitamines E et vitamine A (qui ont des propriétés antioxydantes), les vitamines D (désormais impliquées dans le risque cardiovasculaire) et surtout les vitamines K, impliquées dans la coagulation et donc un risque cardiovasculaire direct,
- et même des complexes systèmes enzymatiques, les fameuses paraoxonases, par exemple, qui sont des systèmes antioxydants.
Parmi les protéines, il y a des apoprotéines qui sont des protéines de structure qui donnent son architecture globale à la lipoprotéine. Certaines apoprotéines sont localisées plutôt sur la surface de la lipoprotéine et permettent à l’ensemble de s’arrimer en quelque sorte aux cellules pour leur livrer son chargement.
De son côté, la cellule dispose à sa surface de récepteurs spécifiques permettant l’arrimage des lipoprotéines à la cellule et ainsi leur déchargement.
Pourquoi y aurait-t-il trop de lipoprotéines dans le sang dans certaines familles ?
Du fait d’anomalies de structure soit des apoprotéines, soit des récepteurs des lipoprotéines. Ces anomalies du système d’accrochage empêchent les lipoprotéines de se fixer aux cellules. Ce faisant, les lipoprotéines circulantes voient leur métabolisme altéré et éventuellement (ce n’est pas systématique) leur concentration dans le sang augmenter de façon parfois extrême.
Quand les concentrations sanguines de lipoprotéines augmentent, on observe parfois des augmentations du cholestérol dans le sang – puisqu’il y a plus de transporteurs, il y a plus de marchandises transportées – mais là encore ça n’est pas systématique. Les experts de ces anomalies du métabolisme des lipoprotéines – qui sont aussi les experts des médicaments anticholestérol – ne s’intéressent en général qu’à ceux des patients qui ont un cholestérol élevé car une simple mesure du cholestérol permet de les identifier.
Comme expliqué, ces anomalies de structure sont génétiquement transmises, donc qualifiées d’héréditaires ou familiales. Nous sommes donc en présence de caractéristiques – voire de pathologies – métaboliques complexes où l’augmentation du cholestérol lui-même n’est qu’un aspect probablement mineur. Dire à des personnes (ou des patients) qu’ils appartiennent à des “familles qui font du cholestérol” et qu’ils en sont malades est une simplification abusive. Dans les HF, ou plutôt les hyperlipoprotéinémies familiales – c’est comme ça qu’il faudrait dire désormais –, ces anomalies sont des anomalies de protéines, et pas du cholestérol !
Est-il dangereux d’avoir trop de lipoprotéines dans le sang ?
Dans certains cas très exceptionnels, oui. Les concentrations sanguines de lipoprotéines peuvent devenir exceptionnellement élevées et il peut être utile – salvateur peut-être – de débarrasser ces patients de leurs lipoprotéines par des techniques de filtration du sang ; on dit plasmaphérèse.
Mais cela ne concerne que très peu de personnes puisque les HF vraiment dangereuses au plan cardiovasculaire – les HF homozygotes[1] – se comptent à environ une personne sur un million ! Dans ces cas extrêmes, les médicaments anticholestérol sont notoirement inefficaces. Seules les techniques de filtration du sang sont justifiées et présentent un intérêt.
Chez les autres – les HF hétérozygotes[2] –, aucune donnée scientifique sérieuse ne permet de dire que les filtrations du sang diminuent le risque de complication cardiovasculaire. Parmi eux, certains ont aussi des caractéristiques génétiques qui favorisent la coagulation et qui donc augmentent le risque de thrombose, donc d’infarctus et d’AVC. Ces malheureux (hétérozygotes) peuvent évidemment – surtout s’ils n’ont pas un mode de vie protecteur, ce qui aggrave les troubles de la coagulation –, faire des complications cardiovasculaires, conséquences de leurs anomalies de coagulation, et non pas de leur cholestérol si celui-ci est élevé.
[1] Chez un individu, chaque gène existe en deux exemplaires, l'un hérité du père, l'autre de la mère. Le terme d’hypercholestérolémie familiale homozygote signifie que les deux exemplaires du gène impliqué dans la fabrication des lipoprotéines sont défaillants.
[2] Un seul exemplaire du gène impliqué dans la fabrication des lipoprotéines est défaillant.
Cet article est extrait du dernier chapitre inédit de Cholestérol, mensonges et propagande disponible uniquement ici, sur notre site .