Qu’est-ce qui vous a conduit à proposer à vos patients de maigrir avec les thérapies cognitives et comportementales (TCC) ?
Au départ, il y a le constat partagé par les médecins comme les patients que la méthode classique, diététique, n’est pas très efficace pour perdre du poids à long terme.
J’ai été formé aux thérapies cognitives et comportementales (TCC) il y a une quinzaine d’années par un médecin canadien. Et j’ai trouvé que la prise en charge psycho-comportementale était indispensable chez les patients. J’ai aussi lu les livres du Dr Apfeldorfer et du Dr Zermati qui ont développé le concept de la restriction cognitive, concept qui explique pourquoi les régimes font grossir.
Qu’est-ce que la restriction cognitive exactement ?
Quand on fait un régime, classiquement on arrête de manger certains aliments et/ou on restreint les calories, et c’est la restriction qui entraîne dans un premier temps une perte de poids. Mais cette restriction est également ce qui va provoquer la reprise du poids perdu. En effet, les régimes, notamment lorsqu’ils sont répétés, conduisent à la perte des signaux naturels de faim et de satiété car ils sont remplacés par des sortes de « calculs mentaux » de type « cet aliment vaut tant de calories », « cet aliment est trop gras ». La restriction cognitive c’est ça : manger en fonction de son mental plutôt que de ses sensations.
À qui s’adresse votre méthode ?
À toutes les personnes en surpoids ou qui ont déjà fait un régime et présentent une mauvaise régulation de leurs poids. Je considère que les gens qui ont du mal à réguler leur poids ont un trouble du comportement alimentaire que l’on peut traiter avec les TCC.
Quelle perte de poids peut-on attendre ?
L’idée de ma méthode est d’atteindre son poids d’équilibre, qui est un poids que l’on ne connaît pas, surtout après des régimes successifs. Donc le poids perdu dépend des personnes, c’est imprévisible : de quelques kilos à plusieurs dizaines. Il ne faut pas se leurrer : à 40 ans on ne retrouvera pas le poids de ses 18 ans, d’autant que la multiplication des régimes suivis de la reprise du poids va entraîner souvent une augmentation de ce poids d’équilibre. En effet, lors des prises de poids, dans un premier temps les cellules graisseuses, les adipocytes, augmentent de volume. Mais, dans un second temps, si les prises de poids se multiplient, leur nombre va aussi augmenter et cette multiplication devient irréversible. Ceci explique qu’on ne pourra pas revenir au poids d’équilibre initial.
Comment fonctionne votre approche ?
Dans un premier temps j’amène mon patient à savoir reconnaître sa faim et ses émotions. À faire attention aussi aux moments où il peut avoir envie de manger alors qu’il n’a pas faim et quelles émotions l’agitent en ces moments, quelles sont les circonstances. Puis on travaille les émotions avec les TCC. Selon les TCC, tout se passe ainsi : un événement déclenche une pensée, qui déclenche une émotion qui déclenche à son tour un comportement automatique.
On ne peut pas influer sur les événements ou les émotions mais on peut changer ses pensées. Par exemple penser «Je suis toujours nul» est plus fort que «Je rate de temps en temps». Et quand on pense « Je suis nul », est-ce vraiment réaliste ? Bien sûr que non.
Il s’agit donc dans un premier temps de prendre conscience des mécanismes qui conduisent à la prise de nourriture émotionnelle puis dans un deuxième temps d’essayer de les modifier.
Il n’y a donc pas de consigne diététique ?
Si elles ne sont pas nécessaires dans l’absolu, il m’arrive de donner des règles diététiques pour augmenter l’efficacité ou la rapidité de la perte de poids. Je peux aussi conseiller à mes patients de faire un jeûne aménagé sur quelques jours pour les mêmes raisons Contrairement aux régimes diététiques classiques, le jeûne court permet de conserver le bénéfice du travail effectué sur les signaux de faim et de satiété, et favorise la perte de poids.
La méditation de pleine conscience ou la pratique de la cohérence cardiaque sont-elles compatibles avec votre approche ?
Bien sûr, je le conseille même vivement. Je suis convaincu de l’intérêt de ces deux méthodes, en particulier pour les cas difficiles (boulimie, hyperphagie, etc.). J’anime même dans mon cabinet des groupes de pleine conscience, pour certains de mes patients.