À 17 ans, Jennifer n’avait pas d’antécédents médicaux notables lorsqu’elle est partie travailler pour la première fois comme monitrice. Trois jours après son départ, ses parents m’ont appelé, paniqués. Jennifer se plaignait de symptômes grippaux, d’un mal de tête atroce avec des douleurs musculaires intenses dans tout le corps, une fatigue écrasante et une fièvre de 38,8 °C. Elle n’avait pas remarqué de morsure de tique et n’avait pas songé à rechercher une éruption cutanée, mais elle travaillait dans une zone boisée.
Je leur ai conseillé d’amener Jennifer aux urgences locales et de leur demander de pratiquer une numération plaquettaire et une NFS pour voir si son taux de globules blancs était bas. Un bilan hépatique permettrait aussi de savoir si ses enzymes hépatiques étaient élevées. Je leur ai recommandé de demander également le dépistage de maladies transmises par les tiques : maladie de Lyme et babésioses, tout en les avertissant que ces examens pourraient s’avérer négatifs car elle n’en était qu’au tout début de sa maladie et n’avait pas eu le temps de fabriquer des anticorps. En effet, l’organisme a besoin d’un peu de temps pour fabriquer ses anticorps. Les symptômes de Jennifer étaient apparus trois jours seulement après son arrivée dans une zone boisée, ce qui est insuffisant pour développer des anticorps.
Étant donné son séjour en zone boisée, ses sévères maux de tête, ses douleurs importantes aux muscles et aux articulations et sa fièvre élevée (symptômes grippaux rares en été), je soupçonnais fortement une maladie transmise par les tiques, de type ehrlichiose. Je leur ai conseillé de lui donner de la doxycycline si l’un des résultats de laboratoire était évocateur, même si aucune autre cause immédiate n’était décelée. Comme la fièvre pourprée des montagnes Rocheuses, l’ehrlichiose peut être dangereuse chez certaines personnes si elle n’est pas traitée de bonne heure.
Ses parents m’ont téléphoné le lendemain. Ils étaient très étonnés car les examens de laboratoire avaient révélé tout ce que j’avais annoncé. Le médecin des urgences a été impressionné par le faible taux de globules blancs (2900/µL, alors que la norme se situe entre 4000 et 10 000/µL), de plaquettes (113 000, N = 145 000 au moins), et par les résultats du bilan hépatique (ASAT = 62, ALAT = 76, N<40). Jennifer avait bel et bien une ehrlichiose. Conformément à ma suggestion, le médecin des urgences l’a mise sous doxycycline. En l’espace de 24 heures, sa fièvre était tombée et elle se sentait beaucoup mieux.
Jennifer est restée en bonne santé, sans trace d’autre maladie chronique transmise par les tiques. Lorsqu’elles sont traitées de bonne heure, l’ehrlichiose et la maladie de Lyme se guérissent.