Régimes sans gluten/sans lactose, paléo, cétogène : qui peut en bénéficier?

Régimes sans gluten/sans lactose, paléo, cétogène : qui peut en bénéficier?

Pluriel Nature : La maison d’édition que vous dirigez est en pointe sur le sujet des nouveaux modes d’alimentation. Pourquoi cet intérêt ?

Thierry Souccar : Nous savons que l’alimentation est un levier puissant de bonne santé. Mais en même temps, la manière dont les pouvoirs publics nous disent de manger, c’est-à-dire entre autres éviter les graisses, manger des patates, des produits céréaliers et des produits laitiers n’a pas vraiment amélioré la santé des Français. Il n’y a jamais eu autant de personnes en surpoids, de diabétiques et de patients atteints de cancer ou de maladies auto-immunes. Donc à un moment, il faut nuancer ou préciser ces messages officiels souvent influencés par les lobbies de l’agro-alimentaire et faire parler la science. C’est ce que nous avons fait notamment avec La Meilleure Façon de Manger. C’est ce que nous faisons avec nos auteurs.

Parlons du régime sans gluten et sans produits laitiers par exemple. Vous pensez que tout le monde devrait le suivre ?

Non, pas tout le monde, mais peut-être une partie non négligeable de la population. Le gluten, qui est un ensemble de protéines du blé, du seigle, de l’orge, pose un problème sérieux aux allergiques au blé, et aux malades céliaques, soit 1% de la population : ils doivent impérativement manger sans gluten. Ensuite les personnes ayant une autre maladie auto-immune ou inflammatoire avérée ou suspectée (polyarthrite rhumatoïde, psoriasis, thyroïdite de Hashimoto, spondylarthrite, sclérose en plaques…) soit 10 à 15% de la population, devraient éviter gluten et produits laitiers – c’est le principe du régime Seignalet dont l’efficacité peut être spectaculaire. Il y a aussi les personnes sensibles au gluten dont on ignore le nombre, peut-être 10% de la population, et qui lorsqu’elles arrêtent de manger des aliments à gluten voient leurs troubles disparaître : maux de tête, douleurs articulaires, paresthésies, troubles digestifs, troubles de la concentration. Une très grande partie des personnes souffrant de côlon irritable (15%) de la population (parmi lesquelles des personnes sensibles au gluten) pourraient elles aussi bénéficier d’un régime sans gluten. Enfin, les intolérants au lactose, environ 40% de la population française, surtout d’ascendance méridionale, africaine, asiatique devraient arrêter ou limiter les produits contenant du lactose (lait liquide, certains yaourts, mais il y a aussi du lactose dans les aliments transformés, les charcuteries, certains médicaments) pour retrouver forme et santé.

Vous avez le premier popularisé le régime paléo en France dans les années 1990. Comment expliquez-vous l’engouement pour ce type d’alimentation ?

Le régime paléo consiste à renouer avec l’alimentation de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, c’est-à-dire éviter les aliments transformés, le sel, le sucre, les produits céréaliers et laitiers, les huiles raffinées. J’ai présenté le régime paléo pour la première fois dans Sciences et Avenir il y a 20 ans et j’ai continué de le promouvoir depuis en publiant plusieurs livres en tant qu’auteur, puis éditeur parce que c’est un régime sain, avec énormément de fruits et légumes, des tubercules, des noix et selon le goût (ce n'est pas obligatoire), viande, poisson, coquillages. Contrairement à ce que l'on lit et entend ici et là, le régime paléo n'est pas un régime de "viandard". On peut donc suivre un paléo végétarien ou semi-végétarien. Il y a aujourd’hui de nombreuses études montrant qu’il peut être une solution à plusieurs maladies dites de civilisation, à commencer par le diabète et les maladies cardiovasculaires. Ceux qui se mettent au paléo en retirent souvent des bénéfices immédiats en termes d’énergie retrouvée, de meilleur sommeil, de digestion améliorée, de ligne, mais ce n’est pas toujours facile à suivre à long terme. On peut donc opter pour un paléo strict ou aménagé. Il faut faire l’essai.

On commence à entendre parler du régime cétogène. A qui s’adresse-t-il ?

Le régime cétogène est un régime alimentaire riche en graisses et pauvre en glucides (sucre, pain, féculents…). Il a été mis au point au début du siècle dernier pour traiter les enfants épileptiques, et il est d’ailleurs de plus en plus proposé dans cette maladie, y compris à l’hôpital, car il est très efficace. Depuis, on s’est aperçu que c’est un régime alimentaire très intéressant dans la maladie d’Alzheimer : de nombreux malades, pas tous hélas, sont stabilisés et certains améliorés. Et depuis quelques années, les chercheurs expérimentent le régime cétogène dans le cancer, parce que c’est une alimentation qui décourage la croissance des tumeurs. Des études sont en cours, mais d’ores et déjà des chercheurs allemands ont écrit « Le régime cétogène contre le cancer » dans lequel ils préconisent aux patients d’adopter cette alimentation pour mettre le plus de chances de leur côté, et améliorer l’efficacité des traitements. Il n’y a rien à perdre et tout à gagner.

Vous vous êtes fait connaître comme auteur il y a près de vingt ans en publiant avec Jean-Paul Curtay « Le nouveau guide des vitamines », préfacé par le prix Nobel de médecine Jean Dausset. Quel regard portez-vous sur les compléments alimentaires aujourd’hui ?

Il y a eu cet espoir à un moment que des compléments alimentaires pourraient à eux seuls réparer les dégâts d’un mode de vie peu sain : tabagisme, malbouffe, sédentarité, stress. On sait aujourd’hui que ce n’est pas possible. Ce qui prime, c'est l'équilibre général : alimentation, exercice, évitement des toxiques, santé psychique, et il y faut un peu de chance aussi - ce que nous ont transmis nos parents, génétique et épigénétique. En revanche, les compléments alimentaires sont utiles pour prévenir les déficits en vitamines et minéraux qui sont répandus, je pense notamment à la vitamine D en hiver, à la vitamine B9 avant et pendant la grossesse, au potassium. Et on dispose aujourd’hui de bonnes études montrant qu’ils aident à contrôler ou soigner plusieurs troubles et maladies, surtout de pair avec une bonne alimentation, en réduisant en plus le recours aux médicaments. C’est vrai pour le diabète, Parkinson, la dépression, l’anxiété, la dégénérescence maculaire liée à l’âge… Nous avons publié un guide de référence à ce sujet, avec le concours de 7 médecins et pharmaciens. Les compléments alimentaires ne sont pas des pilules magiques mais ils peuvent aider dans certains cas.

Si vous aviez un conseil alimentaire à donner à nos lecteurs, quel serait-il ?

Mangez seulement quand vous avez faim, surtout des végétaux et peu d’aliments transformés, optez pour le bio, préparez vous-même vos repas, prenez-les en famille ou en communauté, télévision éteinte, buvez un verre de  vin rouge chaque jour. Pour des conseils plus précis sur les portions et les aliments à choisir et ceux à éviter, il faut se reporter à notre "bible", « La meilleure façon de manger ».
 

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