Les patients diagnostiqués avec un cancer demandent souvent à leur oncologue s’ils doivent suivre un régime particulier. Dans de nombreux cas, la réponse reste évasive, d’une part parce que les médecins sont très peu formés à la nutrition, et surtout parce que la science n’est pas encore capable de proposer avec certitude un type d’alimentation capable de renforcer l’efficacité des traitements sans faire courir de risque au patient.
Malgré ces incertitudes, de très nombreux patients
se tournent de leur propre initiative vers le régime cétogène, riche en graisses et pauvre en glucides, dont les bases théoriques sont séduisantes, qui a donné de bons résultats dans les modèles animaux, mais pour lequel les études chez l’homme restent rares et parcellaires, donc difficiles à interpréter.
C’est ce contexte qui a conduit la diététicienne Magali Walkowicz, spécialiste française de ce régime, à
rassembler son expérience de 5 ans avec plus de 1000 malades dans un livre que les patients tentés par cette approche (et leur médecin) devraient lire. Magali y explique ce qu’est le régime cétogène, comment le mettre en place sans risque, ce que l’on peut et ne peut pas en attendre.
Limiter l'accès des tumeurs au glucose
Le régime cétogène n'est pas nouveau. Il a été mis au point dans les années 1920 pour soigner l’épilepsie. Dans un régime cétogène strict, environ 90 % des calories proviennent des lipides, 8 % des protéines et seulement 2 % des glucides. Comparez au régime occidental standard : 35 % de graisses, 15 % de protéines et 50 % de glucides.
Le régime cétogène
restreint le glucose qui est une source d’énergie pour beaucoup de cellules cancéreuses. Dans des conditions où l’organisme a peu de glucides à disposition, le foie produit des corps cétoniques à partir de graisses, qui serviront de carburant aux cellules. Les cétones sont utilisées par les cellules en bonne santé mais pas par la plupart des cellules cancéreuses (certaines cellules cancéreuses peuvent toutefois s'en servir).
Le principe du régime cétogène est donc de limiter l’accès des tumeurs au glucose, et diminuer aussi l’insuline qui favorise la croissance tumorale.
Les études chez l’animal montrent, globalement, que par rapport à un régime classique glucidique, un régime cétogène diminue la croissance des tumeurs et prolonge la survie, mais toutes les études n’ont pas trouvé de bénéfice. Les données disponibles chez l’homme font, elles, état de résultats mitigés, même si elles suggèrent un bénéfice potentiel. Il n’y a pour l’instant pas d’information robuste sur la survie. (1) Ce qui est rassurant, c'est que les patients qui suivent un régime cétogène ne mettent pas leur vie en danger, selon une analyse récente. (2)
Des effets potentiels sur les cancers solides, notamment du cerveau
Dans l’expérience de Magali Walkowicz, le régime cétogène ne doit jamais être employé seul, en lieu et place des traitements, comme certains s’y essaient. En revanche, quand il accompagne les traitements de chimiothérapie et radiothérapie, dit-elle, le régime cétogène peut soutenir leur efficacité, réduire leurs effets indésirables, soutenir l’humeur et l’énergie des malades. Dans ce cadre, le régime agirait sur les tumeurs comme un stress permanent, mais seulement en association avec les traitements classiques, qui leur portent des coups rudes et ponctuels, selon l’expression du Dr Thomas Seyfried (Boston College).
On ne sait pas encore sur quels cancers le régime cétogène est le plus susceptible d’agir. Les travaux conduits à ce jour chez l’animal montrent des effets positifs sur les cancers solides, en particulier côlon et glioblastome - un cancer du cerveau ; mais, toujours selon ces études chez l'animal, le régime pourrait être néfaste dans le cancer du rein. Les effets sur le mélanome métastatique sont débattus. Chez l'homme, les meilleurs résultats ont été enregistrés sur des tumeurs du cerveau (2) (3). Ces résultats contrastés s’expliquent probablement par le fait que toutes les tumeurs n'utilisent pas les corps cétoniques de la même façon. De même, le régime semble plus efficace lorsqu’il est initié à un stade précoce qu’à un stade avancé. Magali donne des conseils pour adapter le régime au cas par cas, selon le type de cancer. Les patients peuvent avoir besoin de compléter leur alimentation par des vitamines, minéraux (notamment potassium) et autres suppléments, et
le livre donne des informations précieuses à ce sujet.
Magali Walkowicz souligne qu'aussi bien les études menées à ce jour que sa propre pratique montrent que
ce régime est sans danger, avec peu d'effets indésirables, souvent transitoires comme la constipation. Elle explique comment les minimiser et les éviter.
Le livre répond aussi à de nombreuses questions qui lui ont été posées par les patients.
Le régime cétogène n’est pas un mode d’alimentation « miraculeux », prévient Magali Walkowicz. Mais il est prometteur pour ce qui est de la réponse tumorale, permet au patient d’être acteur de sa santé, et se traduit souvent par une amélioration de la composition corporelle.
Les patients qui seraient tentés par ce type d'alimentation doivent s'en entretenir avec l'équipe soignante. Un suivi médical et nutritionnel est recommandé.
Références
(1) Klement RJ. The emerging role of ketogenic diets in cancer treatment. Curr Opin Clin Nutr Metab Care. 2019 Mar;22(2):129-134.
(2) Sremanokova J. A systematic review of the use of ketogenic diets in adult atients with cancer. J Hum Nutr Diet. 2018 Dec;31 (6) : 793-802.
(3) Abdelwahab MG, Fenton KE, Preul MC, et al. The ketogenic diet is an effective adjuvant to radiation therapy for the treatment of malignant glioma. PLoS One. 2012;7:e36197