Avant d’être perçue comme une maladie du génome, le cancer a été considéré comme une maladie du métabolisme. Dès 1924, Otto Warburg – lauréat du Prix Nobel de physiologie et de médecine - a émis l’idée que les cellules cancéreuses tirent leur énergie de la fermentation du sucre. C’est cette piste méconnue et oubliée que Laurent Schwartz et d’autres scientifiques explorent actuellement.
Pour ces nouveaux acteurs de la cancérologie, physiciens, mathématiciens, biologistes, médecins, le métabolisme des cellules cancéreuses est perturbé. Les traitements devraient donc chercher à restaurer le métabolisme normal de la cellule, par exemple en activant le fonctionnement de la mitochondrie et la respiration cellulaire, en lieu et place de la fermentation. Plusieurs substances seraient en capacité de le faire, sans effet secondaire majeur. C’est une percée historique dans la compréhension du cancer et des moyens de le traiter.
Formé à l’université de Harvard et longtemps chercheur à l’École Polytechnique, Laurent Schwartz est cancérologue de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP).
Quel est le message principal de votre nouveau livre ?
C’est un vrai coup de théâtre parce que de nouveaux acteurs arrivent : les physiciens et les mathématiciens. Ils viennent d’un monde totalement différent de celui des biologistes et des médecins : le monde de la médecine a son langage et sa spécialité, celui de la physique parle avec des équations et propose une autre façon de comprendre les choses. Nous n’avons plus de séparation avec d’un côté les bonnes cellules et de l’autre côté les mauvaises cellules. Mais la physique nous parle d’énergie, d’électrons, de protons et de neutrons. Avec cette grille de lecture totalement physique, le cancer devient une conséquence d’un excès d’électrons dans la cellule. Cela implique des conséquences révolutionnaires : les traitements sont possiblement là, et bon marché, avec un autre modèle économique. Nous sommes à un moment où nous avons l’impression d’avoir compris le cancer et nous avons des pistes solides pour essayer de trouver un traitement adequat.
Vous affirmez que le cancer est une maladie métabolique. Qu'entendez-vous par là ?
Une cellule qui brûle des nutriments, grâce à sa centrale énergétique (la mitochondrie), ne grossit pas. Quand sa mitochondrie est lésée, qu’elle ne peut pas tout brûler, la cellule se met à fermenter, donc à grossir et à proliférer. C’est l’explication de base du cancer. Traiter un cancer revient à limiter la fermentation cancéreuse en limitant l’apport de nutriments à la cellule et les faisant brûler dans la mitochondrie.
Comment êtes-vous arrivé à penser que la mitochondrie était le siège du mécanisme du cancer ?
Warburg, prix Nobel de médecine en 1931, avait déjà pensé à cette hypothèse. D’autres chercheurs ont voulu la tester : ils ont injecté à des cellules cancéreuses des mitochondries de cellules normales. Le caractère cancéreux a disparu ! La cellule s’est mise à respirer à nouveau et a cessé de se multiplier. On nous rabâche pourtant toujours que le cancer est une maladie du génome mais quand on injecte le noyau d’une cellule cancéreuse dans une cellule saine, elle reste saine, et lorsqu’on remplace le noyau d’une cellule cancéreuse par un noyau d’une cellule saine, la cellule reste cancéreuse !
Que dire aux personnes qui souffrent d’un cancer aujourd’hui ?
J’ai tendance à diviser les cancéreux en plusieurs groupes :
- les patients que nous pouvons guérir par des thérapies classiques : pour ceux-ci, il ne faut surtout rien changer ;
- les patients pour qui le pronostic est mauvais : pour ceux-ci, nous ne savons pas quoi faire et nous n’avons que des pistes. Ces pistes consistent à améliorer la combustion du sucre par de l’acide lipoïque, par de l’hydroxycitrate, par du bleu de méthylène...
Quels sont vos projets de recherche avec la fondation « Guérir du cancer » ?
La fondation avec laquelle je collabore finance des thésards, toujours dans une optique de publications et de travaux normés. L’objectif des projets de recherche est d’essayer de lever la fermentation cancéreuse avec des médicaments, en diminuant la pression électronique, pour traiter le cancer.
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