Au départ ce sont les plantes (celles de la famille de la tomate) qui ont inventé la nicotine pour se défendre contre les herbivores et les insectes. La nicotine est un neurotoxique puissant, qui est apaisant à très faible dose, stimulant à dose modérée et mortel à dose élevée.
L’imposture biochimique
La caractéristique d’un imposteur c’est de prendre la place de quelqu’un, de faire croire qu’on en a les caractéristiques ou les capacités sans vraiment les avoir. La nicotine est un imposteur, en faisant croire qu’elle a les caractéristiques de l’acétylcholine, un messager chimique du cerveau (ou neurotransmetteur). Elle en déclenche ainsi certains effets parasympathiques à faible dose (relaxation) et certains effets sympathiques (stimulants) à forte dose.
Premier problème : c’est que cet imposteur n’est pas sous le contrôle du système nerveux autonome ; la nicotine n’est pas auto-régulée comme l’est l’acétylcholine. La régulation dépend donc de l’apport en nicotine fumée. Sans cette régulation, il y a saturation en pseudo-acétylcholine, le corps se défend et compense le déséquilibre en augmentant sa production d’hormones sympathiques. D’où le déséquilibre et les effets sympathiques à forte dose. Lorsque le fumeur fume, il sature tous ses récepteurs en quelques secondes : effet stimulant sympathique. Peu à peu le niveau de nicotine baisse et les effets de relaxation s’installent : effet parasympathique. C’est un mensonge ! Toute la régulation du système nerveux autonome n’est plus automatique mais sous la seule influence des cigarettes successives qui stimulent puis relaxent. Des montagnes russes émotionnelles et physiques, c’est ça le montage rusé de la nicotine.
Deuxième problème : l’acétylcholine, la vraie, est éliminée très rapidement. Les récepteurs sont libérés instantanément pour permettre une adaptation efficace, en temps réel. La nicotine prend la place de l’acétylcholine et la garde beaucoup plus longtemps. Ce n’est plus une simple prise de pouvoir transitoire, c’est une dictature chimique inamovible. Seule une révolution peut en venir à bout : cesser de fumer.
Troisième problème : tout ne serait pas si grave s’il n’y avait pas la dépendance. Elle est aussi, malheureusement pour les fumeurs, totalement sous le contrôle de l’acétylcholine et donc de son imposteur.
Les effets au niveau des organes
La nicotine a les mêmes effets que l’adrénaline et le cortisol, effet rapide sur la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, la tension artérielle. C’est un rush de vie, une impression de présence vitale éphémère, une bouffée stimulante, mode shoot, mode scout : toujours prêt et alerte.
Comment cela s’explique au niveau physiologique ? La glande surrénale est très sensible au niveau d’acétylcholine car elle est chargée de la compenser en permanence : lorsque l’acétylcholine augmente, cette glande docile réagit directement et fabrique l’adrénaline pour compenser.
La partie périphérique, corticale, de cette glande, l’écorce (la corticosurrénale) est le fournisseur en cortisol pour tout le corps. Il est sous la dépendance de neurotransmetteurs, appelés catécholamines, qui sont stimulés par l’acétylcholine au niveau du cerveau.
C’est ainsi que l’acétylcholine et son imposteur influent directement sur le système nerveux sympathique, brièvement pour la première, durablement pour le second.
La nicotine est un stresseur chimique. Elle induit les mêmes effets et les mêmes conséquences que le stress chronique : maladies cardiovasculaires, vieillissement prématuré, hypertension artérielle, détérioration de la peau, épaississement du sang, problèmes de coagulation, troubles digestifs avec diarrhée et/ou constipation, maladies rénales, diabète et autres maladies métaboliques, troubles du système immunitaire, baisse de la libido et des hormones sexuelles, hypercholestérolémie, réduction des facultés mentales, troubles de la mémoire et de l’attention, difficultés à prendre des décisions, insomnie, migraines et la liste peut s’allonger.
Les effets au niveau du cerveau
En bloquant les récepteurs d’acétylcholine, la nicotine augmente, en réaction, la sécrétion d’autres neurotransmetteurs ou hormones dont la dopamine, la noradrénaline et la sérotonine. Cet effet est très rapide, inférieur à sept secondes, soit la première bouffée d’une cigarette. La stimulation est intense, elle augmente l’impression d’alerte et de présence (noradrénaline), donne une impression de plaisir et de bonne humeur relative (sérotonine) et stimule le centre de la récompense (dopamine). L’impression d’euphorie est immédiatement suivie par une impression de relaxation en raison de l’effet mimétique de l’acétylcholine.