Biologiquement parlant, le stress est un mécanisme complexe nous rendant capables de réagir à une situation nouvelle par le combat ou la fuite. Sans lui, la race humaine aurait probablement disparu. Le stress est la forme qu'utilise l'organisme pour mobiliser l'énergie emmagasinée et la rendre immédiatement disponible, qu'il s'agisse de dévaler les escaliers du métro avant que la rame ne s'ébranle, ou de prendre la parole en public. Le stress nous permet tout simplement de faire face ou de nous adapter aux innombrables demandes de l'existence.
Les connaissances actuelles sur le stress sont très largement nourries des travaux et des recherches du docteur Hans Selye, qui se passionna pour ce phénomène dès les années 1920 et publia en 1956 le célèbre livre The Stress of Life. Pour Selye, le stress agit en trois phases, selon un modèle qu'il baptisa Syndrome général d'adaptation (SGA). Les trois phases du SGA sont successivement :
- 1. l'alarme,
- 2. la résistance,
- 3. la récupération.
Panique à bord
Chacun d'entre nous connaît bien les symptômes de la phase 1, dite d'alarme : respiration et pouls accélérés, transpiration abondante (paumes moites en particulier). Le facteur de stress peut être psychologique tout autant que physique (chute, virus, intoxication alimentaire, coup de froid...).
Pourquoi ces symptômes ? Le responsable s'appelle hypothalamus, une glande de petite taille qui se trouve à la base du cerveau. Là se trouve le centre de contrôle d'un grand nombre de mécanismes inconscients : température corporelle, rythme cardiaque, respiration, tension artérielle. Par exemple, l'hypothalamus maintient la température dans une fourchette constante en déclenchant la sudation lorsque la chaleur est excessive et les frissons (chair de poule) dans le cas contraire. L'hypothalamus est une sorte de chef d'orchestre, chargé de préserver l'intégrité de l'organisme qui l'abrite.
Lorsque vous percevez un facteur de stress, des impulsions nerveuses stimulent l'hypothalamus. Cette glande adresse à son tour des messages tant à l'hypophyse qu'aux glandes surrénales. Selye a montré que divers types de stress (exposition au froid, blessure) provoquaient chez les animaux une série de réponses stéréotypées : augmentation du volume des glandes surrénales, diminution du volume du foie et de la rate, perte de graisses, baisse de la température corporelle, apparition d'ulcères.
Ces manifestations sont dues à un afflux d'hormones dans le sang et dans les terminaisons nerveuses : adrénaline dans un premier temps, puis cortisol. Les effets de l'adrénaline sont les plus perceptibles : augmentation du rythme cardiaque, augmentation de la pression sanguine, relaxation des muscles digestifs et ralentissement de la digestion, relaxation des muscles respiratoires, contraction du muscle radial de l'iris (d'où dilatation de la pupille, et meilleure accommodation de la vision éloignée). Toutes ces manifestations sont bien caractéristiques d'un état d'alerte, au cours duquel les sens sont en éveil maximal et l'organisme prêt à l'action.
Quand le corps se met dans le « rouge »
La phase 2, ou phase de résistance/vigilance, est censée permettre au corps de s'adapter à la situation à laquelle il vient d'être confronté. L'organisme agit comme si sa survie même était menacée. Cette phase se prolonge aussi longtemps qu'une action ou une réaction sont jugées nécessaires (une appréciation qui dépend largement de facteurs psychologiques).
Au cours de la phase 2, l'organisme se met «dans le rouge». La sécrétion de corticotrophine (ACTH) par la glande pituitaire augmente, ce qui déclenche la sécrétion par les glandes surrénales de corticostéroïdes comme le cortisol. D'autres hormones, telles l'hormone de croissance (hGH) ou les hormones thyroïdiennes voient aussi leur production s'élever.
Il s'ensuit une cascade de réactions physiologiques. Le système cardiovasculaire est sévèrement mis à contribution : la tension artérielle grimpe, le sang quitte les régions périphériques pour affluer vers les organes essentiels, cœur, poumons et foie (c'est la raison pour laquelle la peau devient pâle après un choc physique ou émotionnel). Le sang quitte aussi certaines régions du cerveau, ce qui affecte la capacité de jugement et de concentration. Le foie maintient un niveau élevé de sucre sanguin en pompant littéralement sur les protéines des tissus musculaires et osseux. La production d'hormones sexuelles comme la testostérone est réprimée. Le système immunitaire est déprimé par la sécrétion de cortisol, ce qui rend l'organisme moins résistant aux infections.
Pour cette raison, c'est bien au cours de la phase 2 que nous sommes les plus vulnérables. Malheureusement, nombreux sont ceux qui restent dans cette phase de résistance bien après que le challenge auquel ils étaient confrontés fut passé. Les chefs d'entreprise, les policiers, les pilotes de ligne sont coutumiers des séjours prolongés en phase 2. Incapables de se relaxer, certains sont en permanence sur la brèche, qu'ils le veulent ou non.
Relâchement en phase 3
La phase 3 commence au moment où vous avez le sentiment que la situation stressante a disparu. Le corps saisit cette opportunité pour se détendre et récupérer. Les sécrétions hormonales diminuent, le sang reflue vers la périphérie, le système digestif et le cerveau. C'est typiquement le relâchement que l'on ressent après avoir fait l'amour, l'acte sexuel étant lui aussi stressant. De longs séjours en phase 2 nécessitent de longues périodes de récupération.