Pourquoi est-ce un avantage d’augmenter sa capacité à brûler les graisses ?
Notre corps est comme une voiture hybride, capable d’utiliser deux carburants : les glucides et les lipides. Si nous sommes capables de stocker énormément de lipides, de quoi courir, pédaler ou skier théoriquement durant des heures sans s’alimenter, nos capacités de stockage des glucides en revanche atteignent péniblement 600 g pour les mieux dotés d’entre nous, à savoir les sportifs d’endurance très entraînés. Ces faibles capacités sont un frein à la performance sportive en endurance.
Une fois les stocks de glycogène épuisés, il est impossible de maintenir l’intensité d’effort. C’est une des causes du fameux « mur » du marathon, qui « coupe » les jambes parce que les muscles sont en panne de leur carburant privilégié. Pour parer à cela, le sportif est obligé d’ingérer et d’assimiler des glucides régulièrement tout au long de sa course. Malheureusement, l’organisme ne parvient jamais totalement à compenser la dépense glucidique. Durant l’effort, l’intestin n’est pas capable d’assimiler plus de 60 g de glucose par heure, c’est-à-dire 240 kcal, même si on lui en apporte plus. Or, en courant, on dépense environ 1 kcal/kg/km soit, pour un homme de 70 kg, 700 kcal pour 10 km parcourus en une heure par exemple. C’est bien plus que les 240 kcal de glucides que l’on est capable d’assimiler. Si l’effort est maintenu à une intensité élevée, les muscles risquent de se retrouver très vite à court de glycogène.
La seule solution est donc de ralentir le rythme pour modifier le mélange de carburant de façon à consommer moins de glucides et plus de lipides. Une autre solution, beaucoup plus avantageuse pour la performance serait de modifier son métabolisme et passer d’un moteur hybride privilégiant les glucides à un moteur hybride privilégiant les lipides. C’est ce qu’ambitionne de faire le régime cétogène et c’est ce qui se vérifie dans les études scientifiques.
Un athlète céto-adapté a une capacité à oxyder les graisses, nettement supérieure à celle d’un athlète ayant une alimentation riche en glucides. L’organisme, en choisissant préférentiellement les lipides comme carburant, dispose alors en théorie de ressources énergétiques « quasi infinies » (sa graisse corporelle). À titre d’exemple, un athlète de 70 kg ayant 8 % de masse grasse aura 5,6 kg de graisse en réserve. Ces 5,6 kg représentent 50 000 kcal contre 2 400 kcal pour ses 600 g de glycogène. Même si ces chiffres doivent être nuancés (une part de la graisse corporelle est incorporée dans les membranes des cellules et le cerveau, et ne peut servir d’énergie), cela fait tout de même un rapport de 20 pour 1.
Cette autonomie énergétique fait que le sportif n’a plus forcément besoin de s’alimenter en course. Cela présente un triple avantage :
- en compétition, il diminue son risque de « panne de carburant »,
- il limite le risque de troubles digestifs,
- il peut s’entraîner des heures sans avoir besoin de manger et goûte ainsi au sentiment de liberté totale que décrivent la plupart des athlètes « céto ».
Le revers de la médaille
Mais ce que l’on gagne d’un côté, on pourrait le perdre en partie de l’autre. Je m’explique. L’avantage métabolique que représente une meilleure oxydation des graisses pourrait avoir des revers.
Le premier revers, selon une étude publiée dans The Journal of physiology, c’est que le sportif céto-adapté pourrait voir ses capacités d’oxydation des glucides baisser, ce qui pourrait altérer ses performances lors des sprints ou des accélérations. Cet effet serait dû aux cétones qui tendent à bloquer la glycolyse.
L’autre revers, c’est une potentielle altération de l’économie d’effort. L’économie d’effort, c’est un peu comme l’économie d’essence sur une voiture, c’est le coût en énergie pour parcourir une distance donnée. Elle s’obtient en mesurant la consommation d’oxygène à une vitesse donnée. On dira qu’un coureur A a une moins bonne économie d’effort s’il utilise plus d’oxygène que le coureur B pour une même vitesse.
Une meilleure récupération ?
Le deuxième avantage majeur du régime cétogène pour la performance pourrait être une meilleure récupération musculaire. Mieux récupérer, cela offre la possibilité d’enchaîner des entraînements de qualité et donc de progresser. Mieux récupérer, ce n’est pas uniquement reconstituer les stocks énergétiques (ce que les cétones favorisent), se réhydrater et éliminer la fatigue générale. C’est aussi laisser le temps aux fibres musculaires de se réparer, de s’adapter aux efforts et de se renouveler. Chaque séance d’entraînement fragilise les fibres musculaires, surtout lors des efforts excentriques comme la course à pied. Lors des efforts intenses, de nombreuses fibres musculaires sont détruites, c’est ce qui explique les courbatures.
Chaque séance d’entraînement stresse les fibres musculaires. C’est cela qui permet aux muscles de se renforcer, même chez le sportif d’endurance qui ne pratique pas la musculation. Ne pas laisser le temps aux fibres musculaires de se « ressourcer », c’est les affaiblir, risquer de stopper sa progression et risquer de se blesser. Certaines études suggèrent que les dommages musculaires après un effort sont moindres lorsqu’on suit un régime cétogène. Quel ultratrailer ou marathonien ne serait pas ravi d’avoir un peu moins de courbatures et d’avoir moins de mal à marcher après un tel effort ! À tous ces athlètes, nous conseillons aussi la musculation et notamment la plyométrie qui sont particulièrement efficaces en prévention.