Le JT de TF1 du 15 mai 2015 a diffusé un sujet sur la « folie du sans gluten », avec trois messages principaux : un carrément faux, un passablement brouillé mais finalement faux, et un vrai.
- Le faux : seul 1% de la population a un problème avec le gluten.
- Le message brouillé a été délivré par le nutritionniste de service, Boris Hansel. Selon lui, si les gens sont en meilleure santé lorsqu’ils mangent sans gluten, ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de gluten dans leur alimentation, mais parce que, je cite in extenso : « ces personnes mangeaient trop de gluten et trop de produits industriels enrichis en gluten ; c’est donc ce retour à la normale qui va améliorer la santé et pas l’effet magique d’avoir retiré le gluten de l’alimentation. » Bon, pas très clair, tout ça. Mais on croit comprendre que le gluten est selon lui sans conséquence, ce qui est faux.
- Enfin, dans la bouche d’une consommatrice de sans gluten : beaucoup de produits industriels sans gluten sont mauvais pour la santé. Et ça c’est ben vrai ! comme disait la mère Denis (qui mangeait sûrement des crêpes au sarrasin entre deux lessives).
Pour démêler le vrai du faux, voici un point volontairement synthétique sur les connaissances actuelles.
20 à 30% de la population, pas 1%, aurait un problème avec le gluten
Tout un quarteron de nutritionnistes, plus ou moins inféodés à l’industrie céréalière et agro-alimentaire sont venus nous expliquer doctement pendant des mois que le sans gluten était une « mode », et que seules les personnes souffrant de maladie céliaque pouvaient bénéficier d’une exclusion du gluten. La presse s’y est mise avec la même inspiration, comme là, Science et Vie.
Vous ne les avez pas crus ? Moi non plus. Et nous avions raison.
- En plus des personnes souffrant d'allergie au blé et de maladie céliaque, soit 1% de la population, on estime que 5 à 10% des personnes ont une sensibilité au gluten ou aux aliments à gluten (non celiac gluten sensitivity ou NCGS), un trouble qui associe symptômes intestinaux (douleurs, diarrhée…) et extra-intestinaux très variés (fatigue, maux de tête, douleurs articulaires et musculaires, brouillard mental, problèmes de peau, dépression, anxiété, anémie…). Ces symptômes disparaissent lorsqu’on arrête de manger des aliments à gluten et réapparaissent lorsqu'on réintroduit le gluten. Il n'y a pas de test diagnostique pour la NCGS, donc l'éviction-réintroduction est le seul moyen de savoir si on est sensible.
- Une très grande partie des personnes souffrant de côlon irritable (15% de la population, parmi lesquelles des NCGS) pourraient elles aussi bénéficier d’un régime sans gluten selon des travaux récents.
- Enfin, une grande partie des personnes souffrant de maladies auto-immunes autres que la maladie céliaque (thyroïdite de Hashimoto, polyarthrite rhumatoïde, sclérose en plaques) et de maladies proches (comme le psoriasis), soit 10 à 15% de la population pourraient bénéficier d’une éviction du gluten (et des produits laitiers) comme l’a montré le Dr Seignalet.
Au total, dans nos pays, une personne sur cinq, voire une personne sur trois, est susceptible d'être améliorée par un régime sans gluten, ce qui est considérable (cela signifie aussi à l'inverse qu'une grande partie de la population peut consommer des céréales à gluten sans éprouver de symptômes).
Pour en savoir plus sur les maladies qui relèvent du régime Seignalet, vous pouvez lire le livre du biologiste Jean-Marie Magnien et sur le régime lui-même, Comment j'ai vaincu la douleur et l'inflammation chronique par l'alimentation.
Le régime « sans gluten » préparé à La Maison est équilibré
Les mêmes nutritionnistes désintéressés tentent de décourager les candidats au sans gluten en assurant qu’un tel régime est déséquilibré, qu’il entraîne des carences, etc.
Il faut pas mal d’aplomb, assurément, pour prétendre que le sans gluten est une forme de malnutrition, alors qu’un tel régime, s'il est préparé traditionnellement, à partir d'ingrédients frais, s’accompagne d’une diminution de la porosité intestinale, de l’inflammation chronique, et qu’il améliore la biodisponibilité des vitamines et des minéraux ! Sans parler bien sûr de la diminution ou de la disparition des symptômes.
Mais qu'est-ce qu'un régime sans gluten ?
Le régime pré-agricole, celui des chasseurs-cueilleurs (dit "Paléo"), est un régime sans gluten. Il a été celui de l’espèce humaine pendant 7 millions d’années (lire encadré), et de leurs ancêtres pendant près de 50 millions d’années. Il ne nous a pas trop mal réussi…
Le régime d’Okinawa est aussi un régime sans gluten. Il est à l’origine (avec la frugalité) de la plus forte concentration de centenaires en bonne santé que l’espèce humaine ait jamais connue.
Nous sommes donc en tant qu'espèce, parfaitement adaptés à un régime sans gluten, qui n'est ni carencé, ni déséquilibré.
« Nutritionnellement parlant, le gluten n’a aucun intérêt. Pendant 99,9% de son histoire, l’humanité a suivi un régime sans gluten. La protéine est entrée dans notre alimentation il y a seulement 10000 ans, lorsque nos ancêtres ont commencé de domestiquer les céréales. Le résultat, c’est que l’homme ne dispose pas des enzymes pour digérer le gluten. Quand vous mangez beaucoup de gluten, c’est comme si vous assigniez à votre système digestif une mission impossible : digérer quelque chose qui ne peut absolument pas l’être. Malgré tout, beaucoup de personnes s'en accommodent. C’est un peu comme si elles ingéraient accidentellement des bactéries ou de la terre en mangeant un fruit mal lavé : leur système immunitaire « nettoie » les fragments de gluten. » Alessio Fasano (Massachusetts General Hospital for Children).
La plupart des aliments industriels « sans gluten » sont des horreurs
Mais si une alimentation sans gluten est tout à fait fréquentable lorsqu'on fait ses courses et qu'on cuisine, on ne peut pas en dire autant des aliments "sans gluten" que nous propose l'industrie.
Mon équipe de LaNutrition.fr a analysé la composition de dizaines d’aliments « sans gluten « vendus en supermarchés et en magasins bio. Verdict : la plupart sont absolument à fuir (ou au mieux à consommer occasionnellement). A la place de la farine de blé, on y emploie souvent de la farine de riz, hyperglycémiante, de la fécule et des amidons, transformés ou pas, bref des indésirables. Beaucoup de ces aliments sont bourrés de sucre ou de sirop d'agave. On trouve aussi toute une panoplie d’additifs appétissants comme les phosphates. Plusieurs de ces brouets industriels peuvent conduire au surpoids, via une résistance à l’insuline et à la leptine, d’autant que du fait de l’absence de gluten dans l’intestin, ce dernier assimile mieux glucides, graisses, protéines et leur énergie. Quitter le gluten pour tomber dans le diabète, quelle (mauvaise) surprise !
En guise de conclusion : 1. Le pourcentage de personnes pouvant être améliorées par un régime sans gluten est fortement sous-estimé du fait d'un rideau de fumée médiatico-économique. 2. Cependant, une grande partie de la population peut consommer du gluten sans avoir de manifestations cliniques (à noter malgré tout que le gluten augmente la porosité intestinale). 3. Un régime sans blé et autres céréales à gluten est tout à fait compatible avec la physiologie humaine, à condition de ne pas le baser sur les aliments industriels. Important : il est recommandé d'écarter un diagnostic de maladie céliaque avant d'adopter un régime sans gluten (consultez votre médecin).
Pour aller plus loin : Gluten, comment le blé moderne nous intoxique, par Julien Venesson