Ceci est le deuxième volet de la série que je consacre au cholestérol. Vous pouvez lire la première partie ici.
La version française des recommandations sur le niveau optimal de cholestérol pour soi-disant prévenir une maladie cardiovasculaire se focalise sur le cholestérol-LDL, le fameux « mauvais cholestérol ». C’est le critère qui déclenche le traitement hypocholestérolémiant.
Les objectifs thérapeutiques sont les suivants :
- en l’absence de facteur de risque, les concentrations de LDL doivent être inférieures à 2,20 g/l (5,7 mmol/l) ;
- en présence d’un facteur de risque, les concentrations de LDL doivent être inférieures à 1,90 g/l (4,9 mmol/l) ;
- en présence de deux facteurs de risque, les concentrations de LDL doivent être inférieures à 1,60 g/l (4,1 mmol/l) ;
- en présence de plus de deux facteurs de risque, les concentrations de LDL doivent être inférieures à 1,30 g/l (3,4 mmol/l) ;
- en présence d’antécédents de maladie cardiovasculaire avérée ou de risques équivalents, les concentrations de LDL doivent être inférieures à 1 g/l (2,6 mmol/l).
Pas de lien avec le risque d'infarctus
Premier problème : comme l'a fait remarquer un cardiologue de renom, le Dr Harlan Krumholtz, aucun essai clinique contrôlé majeur n'a testé les bénéfices pour les patients d'un traitement basé sur les valeurs de LDL. En d'autres termes, ce n'est pas parce qu'un médicament fait baisser le cholestérol-LDL qu'il réduit le risque cardiovasculaire. Il ajoute que les niveaux de LDL sont peu liés au risque cardiovasculaire. Donc le taux de cholestérol-LDL ne permet de déterminer de manière fiable ni le risque d'infarctus ni le risque d'AVC que court un patient, pas plus qu'il ne permet de dire si ces risques ont été réduits une fois que le médicament a fait baisser le fameux "mauvais" cholestérol. On se demande pourquoi on continue de l'utiliser.
Mais il y a un autre problème, et il est encore plus embarrassant pour ceux qui ont édicté des valeurs cibles de cholestérol-LDL. Les tests sanguins dosent classiquement le cholestérol total et le « cholestérol HDL », mais pas le LDL. Alors comment fait votre laboratoire d’analyses pour vous annoncer votre taux de « mauvais cholestérol » à la virgule près, ce fameux taux qui selon son niveau va déclencher ou pas le traitement ?
UN DOSAGE AU DOIGT MOUILLE
Eh bien, votre laboratoire fait un petit calcul dont vous allez pouvoir apprécier la fiabilité.
Ce calcul fait appel à l’équation dite de Friedewald, du nom du chercheur qui l’a proposée. Cette équation est basée sur l’analyse, en 1972, des valeurs relevées sur 448 patients. Elle stipule que le LDL (en g/L) est égal au cholestérol total moins le « cholestérol-HDL », moins les triglycérides divisés par 5. Friedeland partait en effet de l’hypothèse que les triglycérides sont pratiquement tous transportés par une autre classe de lipoprotéines, les VLDL, et qu’il y en cinq fois moins que le cholestérol acheminé par les VLDL. Pratique, n’est-ce pas ?
Pratique, mais pas très sérieux.
Friedewald lui-même a reconnu qu’en divisant simplement les triglycérides par 5 comme il le préconise, on n’obtient pas une mesure précise du cholestérol-LDL. Car cette valeur de 5 est arbitraire. Par exemple, dans l’étude Lipid Research Clinics Prevalence, le ratio varie de 5,2 à 8,9.
Quelle est donc la vraie valeur de votre « mauvais cholestérol » LDL ? En fait, personne n’en sait rien, ni le laboratoire, ni votre médecin, ni vous bien sûr. C’est pourtant le critère principal suivi par votre praticien pour vous prescrire un traitement. Pas mal, n’est-ce pas ?