Allons-nous tous nous mettre au jeûne intermittent ?

Allons-nous tous nous mettre au jeûne intermittent ?

Alors que nous avons l’habitude de faire trois repas par jour, l'idée d’en sauter un, voire deux, peut sembler incongrue, mais elle séduit un public de plus en plus large. Les célébrités ne sont pas en reste : Beyoncé, les acteurs Hugh Jackman, Ben Affleck, Liv Tyler ou le présentateur de TV Jimmy Kimmel sont des adeptes du jeûne intermittent. L’engouement actuel pour cette pratique se lit dans le succès rencontré par les deux livres que nous avons publiés : Le Fasting, de JB Rives, et Le guide complet du jeûne, du Dr Jason Fung et Jimmy Moore.

Le jeûne n’est pourtant pas une pratique récente. Il était involontairement pratiqué par nos ancêtres préhistoriques, qui, sans souffrir de famine ne mangeaient pas tous les jours, pas plus qu’ils ne faisaient 3 repas quotidiens, si l’on en croit les observations faites auprès des chasseurs-cueilleurs des temps modernes. En conséquence, nous avons évolué avec un foie et des muscles capables de stocker les glucides rapidement accessibles sous la forme de glycogène, et un tissu adipeux conçu pour garder des réserves d'énergie prêtes à prendre le relais quand la nourriture n'est pas disponible.

16-8, 18-6 ou 5-2 ?

Il existe plusieurs types de jeûne intermittent. Le plus répandu est le 16-8 : seize heures sans s’alimenter, et une fenêtre de huit heures pour le faire. Mais il y a des variantes comme le 18-6. C’est le rythme suivi par le Dr Mark Mattson (Instituts nationaux du vieillissement ou NIA, Baltimore).

J’ai rendu visite à plusieurs reprises à Mark Mattson entre 1995 et 2005, et il m’avait détaillé sa pratique, très minoritaire à l’époque : pas de petit déjeuner, et souvent même pas de déjeuner, de l’exercice quand il le peut dans l’après-midi (ce qui revient à la forme d’entraînement à glycogène bas décrite par Fabrice Kuhn dans Ultra-performance), puis le repas. Mark Mattson prend ses 2000 calories quotidiennes dans une fenêtre de six heures qui commence en milieu ou fin d’après-midi et se termine en soirée.

Une autre forme de jeûne intermittent est le 5-2 : 5 jours d’alimentation normale à 3 repas par jour, et 2 jours de jeûne, ou plutôt d’alimentation hypocalorique, puisqu’on peut consommer 500 calories (kcal) par jour.

Insuline, facteurs de croissance et cétones

Ces dernières années la science a mis en évidence les bénéfices potentiels du jeûne intermittent. Valter Longo (Université de Californie du Sud) a mené de nombreuses études chez l’animal et chez l’homme. Le jeûne réduit les facteurs de risque de diabète, maladies cardiovasculaires dont l’accident vasculaire cérébral, maladies neurodégénératives, cancer et maladies cardiaques. Dans sa clinique de Toronto (Canada), le Dr Jason Fung obtient des résultats remarquables chez ses patients diabétiques et en surpoids.

Le jeûne abaisse le niveau d’insuline et des facteurs de croissance qui lui sont liés comme l’IGF-1 et mTORC-1 ; or tout ce qui freine les voies de l’insuline ralentit le vieillissement. Le jeûne génère aussi des corps cétoniques, comme le fait le régime cétogène. On explore actuellement les effets potentiels des cétones sur le cerveau et les maladies métaboliques.

Des études ont montré que le jeûne a des résultats prometteurs sur le poids, la glycémie, le niveau des triglycérides, l’inflammation, la pression artérielle, le diabète de type-2. Par rapport à un régime hypocalorique, le jeûne intermittent peut conduire à une perte de poids plus marquée, sans que la masse musculaire soit affectée.

Malheureusement, les données scientifiques sont encore trop peu nombreuses pour pouvoir affirmer que le jeûne intermittent est la solution aux maladies de civilisation. Mais des études sont en cours et nous devrions savoir bientôt.

Contre-indications

Si vous souhaitez tester le jeûne intermittent, sachez qu’il y a des contre-indications : enfants, personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire, les femmes enceintes et allaitantes, diabétiques de type-1. Dans le diabète de type-2, un suivi médical est recommandé. Certans patients atteintes de cancer choisissent de jeûner : la pratique doit être discutée avec l’équipe médicale, car l’un des principaux inconvénients est une baisse transitoire de l’immunité dans les premiers stades du jeûne.

On peut jeûner régulièrement, voire quotidiennement, comme le fait Mark Mattson, ou épisodiquement comme le fait Jason Fung (après un écart, dit-il). De mon côté, j’ai opté en 2017 pour un jeûne hebdomadaire 18-6.

Me vient, au moment où j’écris ces lignes sur le jeûne, le souvenir d’une après-midi de 1998 dans le bureau de Mark Mattson à Johns Hopkins avec Donald Ingram, George Roth et un de leurs doctorants des NIA. La discussion portait naturellement sur… le vieillissement et les moyens de le prévenir. Le Dr Mattson défendait le jeûne intermittent, le Dr Ingram, qui suivait à Baltimore une grande étude de restriction calorique sur les singes rhésus fondait, avec George Roth des espoirs dans des molécules mimétiques de la restriction calorique comme le déoxyglucose (qui s’est révélé impropre à la consommation). Quant à moi qui venais de publier au Seuil une somme sur les vitamines, j’espérais que les antioxydants que je prenais (et que m’avait conseillés un soir à San Antonio au Texas le Dr Denham Harman, le père de la théorie radicalaire du vieillissement) feraient le job.

Nous sommes alors passés aux travaux pratiques : un simple test d’élasticité de la peau du dessus de la main, qui consiste à la pincer 5 secondes et compter le temps qu’elle met pour revenir à son état de repos. Le temps que j’ai réalisé ce jour-là n’était pas mauvais, celui de Donald Ingram et de George Roth non plus, mais un peu moins bons que celui de leur doctorant, plus jeune. Mais ce jour-là, Mark Mattson nous a tous battus.

Et je suis presque sûr du résultat si, 20 ans après, nous faisions à nouveau le test.

 

Auteur

Thierry Souccar

Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr

Thierry Souccar est journaliste scientifique, rédacteur en chef de LaNutrition.fr et du e-magazine Le Monde de la Nutrition. Il a écrit 20 livres de vulgarisation sur la nutrition et la santé publique dont plusieurs best-sellers.

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