Les promoteurs du Nutri-Score présentent leur étiquetage par lettre et feu tricolore comme un moyen d’orienter le consommateur vers de meilleurs produits et dans le même temps, de contraindre les industriels à formuler des produits plus sains.
Mais à y regarder de près, on peut craindre qu’aucun de ces objectifs ne soit atteint.
Comme le dit le chercheur Anthony Fardet, les critères sur lesquels se base le Nutri-Score appartiennent au « monde ancien » : l’aliment est réduit à une somme de nutriments – teneur en calories, graisses saturées, sucre, sel…−, qui à eux seuls décideraient de son intérêt ou pas pour la santé. Cette approche en apparence rationnelle, a pourtant échoué partout où elle a été mise en œuvre.
La transposer sous forme de pastilles colorées vertes, orange, rouges sur les aliments est vouée au même échec.
Effet d'aubaine
Quant aux industriels, s’ils font en apparence grise mine, ils savent en réalité que le Nutri-Score est un laisser-passer pour continuer à utiliser encore longtemps les mêmes vieilles recettes. Il leur suffira de baisser un peu la teneur en sucre, en sel ou en graisses saturées de leurs aliments sans y changer quoi que ce soit d’autre pour obtenir le bon score A ou B qui rassure le consommateur et le fait acheter.
Nestlé (qui utilise un autre type d’affichage que le Nutri-Score, mais basé sur des critères identiques) l’a bien compris. Au prix d’une évolution technologique, il a fait baisser sensiblement la teneur en sucre de ses barres chocolatées et de ses céréales et compte bien en faire un argument de vente sur les emballages. Kellogg’s a lui aussi réduit de 15% la teneur en sucres des céréales Miel Pops, Miel Pops Cracks et Chocos dans le cadre « d’une charte d’engagement volontaire de progrès nutritionnel avec le Programme national nutrition santé (PNNS). »
Ultra-transformés
Pourquoi ces évolutions ont-elles peu de chances de faire reculer obésité, diabète et maladies cardiovasculaires ? Parce qu’elles n’affectent pas la structure des aliments concernés. Sucrés ou moins sucrés, ils restent ultra-transformés et c’est cette ultra-transformation qui pose problème, c’est elle qui, étude après étude, est associée aux problèmes de santé. Soit l’industriel remplace le sucre éliminé par un autre ingrédient mais le process de fabrication n’est pas modifié ; soit il le ne le remplace pas et cela ne change pratiquement pas l’influence néfaste de ces aliments sur la santé.
Lire : l'ultra-transformation, première cause de mortalité en ville
Pour comprendre, prenons l’exemple de nos céréales avec 15, voire 30% de sucre en moins. Ces produits sont raffinés, cuits à la vapeur et selon le cas étuvés, écrasés, soufflés, extrudés. Dans tous les cas, et quelle que soit leur teneur en sucre, leur index glycémique est supérieur à 70, ce qui les classe dans la catégorie des IG élevés. Même avec des « céréales complètes », ce sont des aliments peu rassasiants comme nous le démontrons dans notre guide « Le Bon Choix pour vos enfants ».
Bien sûr, on ne peut pas exclure que le Nutri-Score conduise à des bénéfices marginaux en termes de santé publique. Mais faute d’utiliser les bons outils, il ne permettra pas d’enrayer une situation qui n’a cessé de se dégrader, y compris après l’introduction du Programme national nutrition santé en 2000. Ainsi, entre 1999 et 2015, le nombre de diabétiques a presque doublé en France, passant de 1,8 à 3,3 millions.
Il eût fallu que la mise au point de cet étiquetage associe l'ensemble des chercheurs qui traitent de ces questions, mais apparemment ce n'a pas été le cas.
Seuls les changements de consommation pourront contraindre les industriels à modifier la composition de leurs produits en allant vers moins de transformation. Lecteurs-consommateurs, à vous de jouer.
Pour aller plus loin :
"Halte aux aliments ultra-transformés ! Mangeons Vrai", par Anthony Fardet