Le régime paléo est-il bon pour la santé?

Le régime paléo est-il bon pour la santé?

L'un des arguments des détracteurs de ce régime est le suivant : "Si nos ancêtres ne connaissaient pas de maladies dégénératives, c'est parce qu’ils mouraient avant de les avoir." (sic).

Dans un billet précédent, j'ai présenté les preuves qui montrent que c'est faux : non seulement les données actuelles laissent penser qu'une proportion significative de nos ancêtres préhistoriques atteignaient un âge avancé, mais les peuples de chasseurs-cueilleurs "des temps modernes" ne connaissent pas (ou peu) les maladies chroniques non transmissibles qui sont courantes dans nos sociétés.

Voyons maintenant ce qu'il se passe quand on demande à des populations souffrant de maladies dites de "civilisation" de suivre un mode de vie ou un régime de type paléo.

Des dizaines d'essais cliniques depuis 30 ans

Il faut savoir que des études de ce type sont menées depuis plus de 30 ans. Elles sont certes encore peu nombreuses, portent sur un nombre limité de volontaires, mais donnent des résultats convergents.

La première étude ayant expérimenté un régime paléo sans sucre, sel, céréales, farineux et produits laitiers, a été conduite en Australie par le Pr Kerin O’Dea (université de Melbourne). Elle a été publiée dans le journal Diabetes en 1984. Dans cette étude, 10 Aborigènes en surpoids et diabétiques, vivant dans la communauté rurale de Mowwanjum (Australie occidentale) ont accepté d’être replacés dans le territoire isolé du groupe de chasseurs-cueilleurs dont ils étaient originaires. Ils ne se sont nourris pendant 7 semaines que d’aliments disponibles sur place : tubercules, légumes, baies, produits de la chasse, poissons, coquillages, miel sauvage. A l’issue de l’expérience, ils avaient perdu 7,5 kilos en moyenne ; tous les marqueurs cardiovasculaires s’étaient améliorés. Plus aucun n’était diabétique. 

Quelques années ont passé, et avec l’intérêt croissant pour le paléo, de nouvelles études ont été menées. En voici une liste non exhaustive.

En 2007, le Dr Staffan Lindeberg et son équipe de l’université de Lund en Suède ont comparé les effets d’un régime paléo à ceux d’un régime méditerranéen chez 29 patients souffrant de maladie cardiovasculaire, ayant de surcroît une intolérance au glucose ou un diabète de type-2. Quatorze d’entre eux ont suivi le régime de type paléo à base de viande maigre, poisson, fruits, légumes, tubercules, œufs et noix ; les autres ont suivi un régime de type méditerranéen que les cardiologues considèrent comme une référence dans ce type de maladies : ils ont consommé des céréales complètes, des laitages maigres, des légumes, des fruits, du poisson, des huiles et de la margarine. Résultats : chez les personnes qui avaient un diabète débutant, tout comme chez les pré-diabétiques, le régime paléo s’est révélé bien supérieur au régime méditerranéen. La tolérance au glucose s’est fortement améliorée dès la sixième semaine, et plus nettement à la douzième semaine. Il n’y a pas eu de différence significative de perte de poids entre les deux groupes, en revanche le groupe qui suivait le régime paléo a vu son tour de taille diminuer par rapport au groupe qui suivait le régime méditerranéen. [1] En 2010, une publication portant sur la même expérience a conclu que le régime paléo est plus rassasiant, calorie pour calorie, que le régime méditerranéen car il influence de manière plus marquée la leptine, une hormone impliquée dans la satiété et le poids.

Dans une étude de 2008, 14 personnes en bonne santé ont suivi un régime paléo. Après seulement 3 semaines, toutes ont perdu du poids, réduit leur tour de taille et connu une réduction significative de la pression artérielle et de l’inhibiteur des activateurs du plasminogène (une substance qui favorise les caillots). Aucun groupe de contrôle n’ayant été utilisé dans cette étude, on pourrait dire que les changements bénéfiques constatés ne sont pas nécessairement dus au régime paléo. Cependant, des expériences plus récentes, contrôlées cette fois, ont montré des résultats similaires.

En 2009, le Dr Lynn Frassetto et ses collaborateurs de l’université de Californie ont pendant 10 jours placé 9 volontaires sédentaires sous régime palé. Dans cette expérience, le régime paléo a été adapté du point de vue des calories au régime alimentaire habituel des participants. Donc les résultats ne pouvaient pas être imputés à la diminution des calories ingérées. Dans cette étude, tous les participants ont connu en quelques jours à peine des améliorations de leur pression artérielle, leur fonction artérielle, l'insuline, le cholestérol total, le cholestérol LDL et le triglycérides.

En 2009, le Dr Lindeberg et ses collaborateurs ont comparé les effets d'un régime paléo à un régime généralement recommandé pour les patients atteints de diabète de type 2. Ce dernier est destiné à réduire la quantité de graisses alimentaires en augmentant les produits céréaliers entiers, les produits laitiers pauvres en matières grasses, les fruits et légumes, et en limitant les aliments d'origine animale. En revanche, le régime paléo était pauvre en céréales, produits laitiers, pommes de terre, légumes secs, mais plus riche en fruits, légumes, viande et œufs. Au cours de l’étude, 13 patients atteints de diabète ont suivi un des régimes pendant 3 mois, avant de changer et suivre l’autre régime pendant 3 mois également. Par rapport au régime classique conseillé pour le diabète, le régime paléo a permis d'améliorer la perte de poids, le tour de taille, la pression sanguine, le cholestérol HDL, les triglycérides, la glycémie et l'hémoglobine glyquée (un marqueur du contrôle à long terme de la glycémie).

Des bénéfices confirmés

En 2013, des chercheurs suédois ont testé les effets d’un régime de type paléo, sans restriction de calories, sur 10 femmes ménopausées en bonne santé avec un indice de masse corporelle supérieur à 27. Ce régime, moins strict que le modèle paléo de référence, apportait environ 30% des calories sous la forme de protéines, 40% sous la forme de graisses (surtout monoinsaturées comme on en trouve dans l’huile d’olive) et 30% sous la forme de glucides. Résultats : alors que ces femmes pouvaient manger à volonté, elles ont en réalité diminué leur consommation de calories de 25%. La perte de poids moyenne a été de 4,5 kilos. L’indice de masse corporelle, le tour de taille, le tour de hanche, le ratio taille/hanche, le diamètre abdominal saggital (entre colonne vertébrale et pointe du ventre) ont significativement diminué. Il en allait de même de la pression artérielle, du cholestérol total, des triglycérides, du ratio LDL-cholestérol/HDL-cholestérol, de l’apolipoprotéine B (ApoB) et l’apolipoprotéine A1 (ApoA1), du peptide-C urinaire (un marqueur de la sécrétion d'insuline), et des indices HOMA (marqueurs de la résistance périphérique à l’insuline). La sensibilité à l’insuline du corps entier (qui combine sensibilité hépatique et périphérique) n’a pas changé. La teneur en graisses du foie a baissé de près de moitié (49%). La teneur en graisses des cellules musculaires n’a pas changé significativement. [2]

En 2015, des chercheurs de l’université de Californie ont publié une étude sur le diabète de type-2. Quatorze patients atteints de cette maladie ont suivi pendant 2 semaines un régime de type paléo composé de légumes, fruits, noix, viande, sans sel ni sucre ni produits laitiers, ni produits céréaliers. Ils ont été comparés à 10 participants suivant les recommandations nutritionnelles de l’Association américaine du diabète (ADA), une société savante composé de médecins spécialistes du diabète. L’ADA conseille de manger entre autres des céréales complètes, des légumes secs, des produits laitiers maigres, peu de sel. Les chercheurs ont mesuré l’évolution de plusieurs marqueurs dont la pression artérielle, les électrolytes urinaires, l’hémoglobine glyquée, la fructosamine, la résistance à l’insuline et les lipides sanguins. Résultats : des améliorations ont été relevées dans les deux groupes, mais c’est dans le groupe paléo que les améliorations ont été les plus marquées pour ce qui est du contrôle du glucose et des profils lipidiques. En plus, dans le groupe paléo, les participants qui avaient le niveau de résistance à l’insuline le plus élevé ont connu une amélioration importante, alors que rien de cela n’a été observé dans le groupe qui suivait les conseils de l’ADA. Les auteurs de l’étude concluent qu’un régime paléo, même suivi sur une courte durée améliore plus les patients que le régime conseillé par les diabétologues. [3]

En 2015, une étude a enrôlé 20 volontaires (10 hommes et 10 femmes) âgés de 40 à 62 ans avec un cholestérol élevé. Ils ont suivi pendant 4 mois le régime conseillé par l’Association américaine de cardiologie (AHA) pour faire baisser le cholestérol, puis pendant 4 mois un régime paléo. Les chercheurs ont constaté que le régime paléo s’était révélé bien supérieur au régime de l’AHA : baisse du cholestérol total, du cholestérol-LDL, des triglycérides, augmentation du cholestérol-HDL.[4]

En 2016, une équipe de chercheurs australiens a comparé les effets du régime paléo à ceux d’un régime conforme aux recommandations nutritionnelles australiennes. Trente-neuf femmes en bonne santé ont été sélectionnées et réparties aléatoirement en 2 groupes : un groupe "paléo" et un groupe "régime sain". L’expérience a duré 4 semaines. Ici, le régime paléo était composé de viandes maigres, poissons, oeufs, noix, fruits et légumes (hors pommes de terre), de petites portions d’huile d’olive et de coco. Les céréales et les produits laitiers étaient exclus. Le régime sain australien, officiellement recommandé, s'inspire du régime méditerranéen. Il met l'accent sur la consommation de fruits, légumes, céréales complètes, les produits laitiers maigres, et une réduction de la consommation de graisses saturées, sucres ajoutés, gâteaux, biscuits, boissons sucrées, bonbons. Les deux régimes diffèrent donc surtout par la place des produits céréaliers et laitiers, qui sont exclus dans le paléo. Résultats : les marqueurs métaboliques (cholestérol, pression artérielle, glycémie, triglycérides) étaient identiques dans les deux groupes, mais les femmes ayant suivi le régime paléo avaient perdu 2 kg de plus que dans le régime classique. [5]

Conclusion : les études conduites à ce jour montrent qu'un régime de type paléo apporte des bénéfices significatifs dans le surpoids, le syndrome métabolique, le diabète, parfois même supérieurs à ceux du régime de référence, le régime méditerranéen, ou des recommandations officielles.

D'autres régimes alimentaires, comme le régime végétarien, ou le régime d'Okinawa, ou le Nouveau régime IG sont protecteurs. Contrairement à ce qu'on lit ici et là, le paléo l'est probablement aussi. Cela sgnifie que l'éventail des comportements alimentaires qui garantissent une bonne santé est large, à partir du moment où on mange beaucoup de végétaux et peu d'aliments ultratransformés.  A chacun de se déterminer selon ses goûts et ses convictions. 

 



[1] Lindeberg S, Jönsson T, Granfeldt Y, Borgstrand E, Soffman J, Sjöström K, Ahrén B. A Palaeolithic diet improves glucose tolerance more than a Mediterranean-like diet in individuals with ischaemic heart disease. Diabetologia. 2007 Sep;50(9):1795-807.

 

Auteur

Thierry Souccar

Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr

Thierry Souccar est journaliste scientifique, éditeur, auteur de nombreux best-sellers dontLait, mensonges et propagande. En charge des questions de santé à Sciences et Avenir pendant 15 ans, il a créé LaNutrition.fr, premier site d’information francophone indépendant sur l’alimentation et la santé. Il est membre de l'American College of Nutrition depuis 2000.

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