Les statines : bénéfices exagérés, effets indésirables minimisés

Les statines : bénéfices exagérés, effets indésirables minimisés

Voici le troisième et dernier volet de la série d'articles que j'ai consacrés au colestérol. Vous pouvez lire ici Cholestérol-LDL : le dosage qui ne sert à rien, et là le premier article sur le cholestérol sanguin et la mortalité. Aujourd'hui, je vais vous parler des statines.

Les statines figurent parmi les médicaments les plus prescrits au monde, et les plus profitables aussi. La plupart des médecins et les agences sanitaires sont persuadés que ces anticholestérol sauvent des vies, pour des effets secondaires minimes. Or, aussi incroyable que cela paraisse, pratiquement tout ce que l'on sait, ou que l'on croit savoir sur l'efficacité et la sécurité des statines provient d'études payées et contrôlées par l'industrie pharmaceutique. Il est impossible aux chercheurs indépendants, comme aux agences sanitaires de refaire les calculs statistiques qui ont abouti à des résultats souvent miraculeux, tout simplement parce que les données brutes de chaque patient appartiennent à l’industriel, qui se garde bien de les rendre accessibles, sauf aux médecins qu'il rémunère. Vous avez bien lu : rien n’oblige un industriel à laisser voir l’intégralité du contenu de ses bases de données, pas même à la FDA ou à l'Agence européenne du médicament !

Pourtant, il existe des indices graves qui permettent de penser que la réputation des statines est largement usurpée.

Les bénéfices MIRACULEUX des statines ont ÉTÉ PROBABLEMENT exagérés

Tous les essais cliniques sur les statines, sauf un, ont été payés par l’industrie. La plupart ont rapporté des résultats miraculeux. Or les études payées par l’industrie produisent systématiquement des résultats plus favorables que ceux qu’elle ne finance pas. De forts soupçons pèsent sur l’étude la plus miraculeuse, 4S, dont les résultats n’ont pu être confirmés dans les essais IDEAL et TNT. A partir de 2006, de nouvelles règles de conduite, plus rigoureuses, ont été imposées aux essais cliniques.

Les Drs Michel de Lorgeril et Mikael Rabaeus ont voulu savoir quels étaient les bénéfices des statines à partir de 2006. Publiant dans le Journal of Controversies in Medical Research, ils ont identifié 4 essais cliniques, tous portant sur la rosuvastatine (contre placebo) dans la prévention des complications cardiovasculaires. Conclusion : la rosuvastatine n’a aucun intérêt chez les patients ayant déjà eu un infarctus ou un autre trouble cardiovasculaire et son efficacité chez les patients en bonne santé est impossible à établir. De plus, les statines sont inefficaces chez les diabétiques, les insuffisants cardiaques et les insuffisants rénaux. 

Cette analyse laisse craindre qu'un tripatouillage à grande échelle ait entâché les résultats publiés avant 2006.

C'est d'autant plus probable que le seul essai indépendant sur les statines (en l'occurence la pravastatine) n’a, lui, rien trouvé de miraculeux, au contraire. Il s'agit de l'étude ALLHAT-LLJe cite la conclusion des auteurs : « Bien que de multiples essais cliniques sur la pravastatine ont trouvé qu’elle réduit la morbidité et la mortalité, aucun bénéfice n’a été démontré dans ALLHAT-LLT, le plus grand essai clinique avec pravastatine publié à ce jour. » 

Les effets INDESIRABLES des statines ont été grossièrement minimisés 

Comme l’a relevé le Pr Richard Thompson, ancien Président du Collège royal des médecins britanniques, le niveau des effets secondaires rapportés par les essais cliniques payés par l’industrie pharmaceutique nous fait littéralement pénétrer dans la quatrième dimension.

Par exemple dans l’étude WOSCOPS (pravastatine), premier essai clinique de prévention primaire, le taux de douleurs musculaires est de 0,06% dans le groupe traité et de 0,06% dans le groupe placebo. Mais dans l’étude METEOR (rosuvastatine), il y a 12,7% de cas de myalgie dans le groupe qui prenait la rosuvastatine et 12,1% dans le groupe placebo. Admettons que les deux statines n’aient pas les mêmes conséquences musculaires. Mais comment expliquer que le placebo entraîne 0,06% de cas de myalgie dans une étude et 12,1% dans une autre, soit 200 fois plus ?

Ls sorcellerie ne s’arrête pas là. Dans tous les essais - quelle coïncidence ! - le taux d’effets indésirables du groupe qui prenait les médicaments est quasiment identique à celui du groupe qui prenait le placebo !  Par exemple :

  • AFCAPS/TEXCAPS : effets secondaires losartan : 13,6% - placebo : 13,8% 
  • 4S: simvastatine 6% - placebo 6%
  • CARDS: effets indésirables atorvastatine 25% - placebo 24%
  • HPS: arrêt du traitement par la simvastatine 4,5% - arrêt du placebo 5,1%
  • METEOR: effets indésirables rosuvastatins 83,3%: Placebo 80,4%
  • LIPID: effets indésirables pravastatine 3,2% - placebo 2,7%
  • JUPITER: arrêt du traitement par la rosuvastatine 25% - arrêt du placebo 25%. Effets secondaires sérieux avec rosuvastatine 15% - avec placebo 15,5%
  • WOSCOPS: effets secondaires avec la pravastatine 7,8% - placebo 7% 

En réalité, les statines entraînent des effets indésirables bien plus sérieux qu'un placebo. Des études ont mis en évidence un risque accru de myopathies et de diabète et de bien d'autres troubles, recensés par Michel de Lorgeril dans "L'horrible vérité sur les médicaments anticholestérol." Une bonne raison, en prévention des maladies cardiovasculaires, de miser, en accord avec le médecin traitant, sur les changements de mode de vie dont nous faisons depuis près de 30 ans la promotion, plutôt que sur ces médicaments.

Auteur

Thierry Souccar

Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr

Thierry Souccar est journaliste scientifique, rédacteur en chef de LaNutrition.fr et du e-magazine Le Monde de la Nutrition. Il a écrit 20 livres de vulgarisation sur la nutrition et la santé publique dont plusieurs best-sellers.

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