Comment avez-vous eu l’idée d’écrire Paléofit ?
Tout a commencé lorsque j’ai assisté à une conférence à l’INSEP sur la programmation de l’entraînement en endurance par des chercheurs venus du monde entier. Ils ont présenté des recherches qui m’étaient inconnues et m’ont séduit. Je suis allé puiser dans ces études et j’ai modifié complètement mon programme d’entraînement.
Et ce changement a été bénéfique ?
Le paléofit se révèle plus ludique, plus agréable, moins monotone que mon entraînement précédent. Il me permet aussi de mieux maîtriser les mauvaises conditions météorologiques. Côté performances, l’amélioration est nette, pour un volume d’entraînement égal. Par exemple, sur deux courses ironman effectuées à 1 an d’écart, mon temps est passé de 11h20 à 10h27.
Avec mes camarades d’entraînement on a aussi joué à se lancer des défis du type « 300 pompes sur la journée », la dimension ludique étant appréciée par tous.
Quelles sont les différences entre le crossfit et le paléofit ?
Le paléofit propose des activités plus précises et plus variées que le crossfit : des séances d’endurance seule, de force seule, et certaines mixtes. Dans le crossfit, tout est trop souvent réalisé à fond. Le crossfit utilise aussi beaucoup de matériel et des gestes d’haltérophilie qui demandent une technique loin d’être maîtrisée par tous ceux qui pratiquent. En outre, le paléofit peut permettre de mieux prendre en compte les interférences entre entraînement en force et entraînement en endurance.
Vous mettez l’accent sur l’endurance douce, pourquoi ?
En endurance, de nombreux coureurs vont souvent trop vite lorsqu’ils se sentent bien. Ils passent ainsi en zone 2 d’intensité de l’effort, située entre 85 et 90% de la fréquence cardiaque maximale (FCmax). Ils sont persuadés comme beaucoup que plus ils iront vite plus ils progresseront. Or des études récentes montrent que le temps passé à allure modérée (en zone 1, soit au-dessous de 85% de la FCmax) est fondamental pour la performance en endurance. Courir en zone 2 génère une fatigue peu rentable, qui pourrait empêcher en plus par la suite de réaliser correctement des séances de force ou de vitesse qui elles font vraiment progresser. Cette zone 2 est appelée « trou noir », en référence aux trous noirs astronomiques. La zone 3 (au-dessus de 90% de la FCmax) correspond à des efforts intenses et brefs de type sprint.
Cette allure de course est aussi celle de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs…
Oui les études montrent que les chasseurs-cueilleurs couraient le plus souvent en endurance douce (au point que l'endurance douce était leur activité physique prédominante) et sprintaient de temps en temps pour échapper à un prédateur ou conclure une chasse. Ils évitaient la zone 2, trop fatigante et trop contraignante. Depuis 50 000 ans, les mitochondries, les centrales énergétiques de nos cellules, n’ont pas évolué. On peut donc supposer que nous sommes toujours adaptés et aptes à fournir des efforts d’intensité semblable à ceux de nos ancêtres.
Vous soulignez que les chasseurs-cueilleurs étaient également dotés d’une puissance musculaire. Les séances de force que vous proposez servent aussi à s’en rapprocher ?
Oui, je propose une musculation fonctionnelle qui correspond à des gestes proches de ceux utiles pour le chasseur-cueilleur et non pas une musculation visant à développer uniquement certains muscles.
Le paléofit associe comme le cross training des séances de musculation et des séances d’endurance, cette combinaison permettant une action synergique sur l’endurance et la santé. D'ailleurs, la composition de nos muscles panachant fibres musculaires rapides dédiées à la vitesse et la force et fibres musculaires lentes dédiées à l'endurance suggère la même chose. Le paléofit ajoute à ce cross training classique des séances d’endurance en fractionné (HIT) et utilise en musculation des mouvements pluri-articulaires, plus complets. J’insiste aussi beaucoup sur le fait qu’il vaut mieux faire moins de mouvements de musculation mais les faire correctement qu’effectuer à la va-vite et mal un grand nombre de répétitions. 20 pompes « propres » valent mieux que 30 mal exécutées.
Vous insistez aussi dans votre livre sur le fait que, comme nos ancêtres, nous avons besoin de repos.
Le repos c’est important, oui. En tant que triathlète, je m’entraîne beaucoup car avec trois disciplines, je suis obligé de faire beaucoup de séances. Mais je me garde au moins une journée de repos par semaine tout de même. Avec Paléofit on s’entraîne à des intensités moins fatigantes mais le repos reste important. Courir une heure en zone 1 est moins fatigant que courir une heure en zone 2, pour un effet réel sur les performances. Les séances de force augmentent la rentabilité de l’entraînement aussi puisqu’elles permettent de progresser en endurance en s’entraînant moins longtemps que si on ne faisait que courir. Notez aussi que le bénéfice d’une séance sportive se fait grâce à la synergie entraînement-récupération.
Vous proposez des programmes pour les débutants mais pour un néophyte, ils semblent quand même difficiles de prime abord.
Si on n’a pas fait de sport depuis longtemps, oui ça peut paraître un peu effrayant. Mais ma sœur qui n’est pas sportive a testé le programme débutant sans rencontrer de problèmes. La clé est d’y aller doucement, progressivement et de privilégier la régularité. Pour les débutants je conseille de commencer par acquérir la technique de chaque mouvement avant de passer aux séances plus élaborées. Il ne faut pas se braquer si on n’arrive pas à faire certains mouvements. Il suffit d’en faire d’autres et de revenir par la suite sur le mouvement qui pose problème. Je n’impose rien dans ce livre, j’essaie plutôt de guider et de proposer des gestes que tout le monde connaît en priorité. Les débutants peuvent aussi se faire aider par des personnes de leur entourage plus expérimentées. L’idée maîtresse est vraiment de pratiquer : quand on pratique régulièrement on progresse.
Que gagne-t-on à pratiquer le Paléofit ?
Le paléofit permet d’utiliser au mieux les capacités musculaires de notre organisme et de répondre de manière adéquate à ses besoins d’activité physique. À la clé : une meilleure santé, un poids de forme et un moral d’acier. La combinaison force + endurance est meilleure pour la santé qu’un entraînement d’endurance seul ou de la musculation seule. Pour les personnes qui ne pratiquent que de l’endurance, remplacer certaines séances d’endurance par un travail musculaire polyarticulaire est vraiment bénéfique pour leur santé comme pour leurs performances.
Faut-il manger paléo pour maximiser encore ses performances ?
Non, ce n’est pas nécessaire. Une alimentation de qualité, raisonnée est compatible avec le paléofit. Dans mon alimentation, je me rapproche du paléo dans la mesure où j’ai réduit les laitages et les céréales. Je diminue aussi les sources de gluten à l’approche d’une compétition. En céréales, j’ai banni les pâtes et je mange essentiellement du riz ou du sarrasin.
Pour l’alimentation comme pour l’activité physique ou même le type de chaussure qu’on utilise, le plus important reste de pratiquer en écoutant son corps. Manger paléo ou courir pieds nus ou de manière minimaliste présente des avantages mais courir avec des chaussures de running classiques et manger correctement, par exemple selon les règles de La Meilleure Façon de Manger ou de Nutrition de l'endurance, c’est très bien aussi.
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