Ces questions se posent de manière aigüe alors qu’une grande étude est parue dans JAMA Pediatrics, qui vient une nouvelle fois mettre à mal le mythe selon lequel il faudrait boire plus de lait dans les premières décennies de la vie pour prévenir les fractures à un âge avancé.
Que dit cette étude ? Elle a suivi pendant 22 ans plus de 96 000 hommes et femmes âgés de 50 ans issus de l’Etude des Infirmières et de l’Etude de suivi des professionnels de santé. Les chercheurs de l’Ecole de santé publique de Harvard, qui pilotent ces deux grandes cohortes, ont cherché à établir une association entre la consommation de lait dans l’adolescence et le risque de fractures plus tard dans la vie.
Résultats : après contrôle des facteurs de risque connus, chaque verre supplémentaire quotidien de lait au cours de l'adolescence était associé à un risque significativement plus élevé de fracture du col du fémur chez les hommes. Chez les femmes, la consommation de lait n’était associée ni à une augmentation du risque de fracture, ni à une diminution de ce risque.
Conclusion : consommer plus de lait à l'adolescence ne s'accompagne pas d'un risque plus faible de fractures, et pourrait même être lié à un risque de fractures plus élevé chez les hommes.
Cette information est parfaitement conforme aux données accumulées depuis des décennies, qui sont rassemblées dans Lait, mensonges et propagande et plus récemment Le mythe de l’ostéoporose.
Il y a cinq ans, à la suite d’un article spécieux en faveur des laitages signé par des pédiatres de la Société française de pédiatrie, la plupart liés à l’industrie laitière, j’avais déjà appelé les autorités sanitaires à reconnaître au contraire que les données scientifiques imposent une révision rapide des recommandations actuelles.
Pas de réponse.
Depuis, nous avons appris que les hommes qui, dans l'adolescence ont bu le plus de laitages ont un risque significativement augmenté de développer un cancer de la prostate.
L'étude de JAMA Pediatrics est donc le dernier clou planté dans le couvercle du cercueil où gisent désormais les conseils en faveur des laitages. On ne les regrettera pas.
Mes amis, reste à comprendre comment une telle situation a pu perdurer. Comment on a pu nous faire croire si longtemps que le calcium décidait quasiment seul de la santé osseuse. Que la population en manquait cruellement. Et, comble de l'absurde (ou du cynisme) : qu'une famille d'aliments - les laitages - allait nous protéger d'une calamité - les fractures liées au vieillissement osseux - qui épargne largement les populations qui n'en consomment pas, et frappe surtout celles qui les surconsomment !
Mark Barnes et Patrick Florencio, deux juristes américains, ont une explication à ce mystère de la biologie et de la sociologie réunies. Ils ont montré que les situations de conflits d'intérêt ont plus de chances de contaminer un domaine particulier si le domaine en question fait appel à un jugement professionnel spécialisé, échappant à la supervision des pairs ou du public, si la prise de décision est opaque, et s'il existe une relation ancienne et suivie entre les participants (le chercheur ou le médecin, et l'industriel).
Tous ces ingrédients sont réunis dans la fameuse recommandation des "3 à 4 laitages par jour".
La plupart des (ir)responsables de santé publique qui ont fait depuis 30 ans des recommandations officielles en faveur des laitages étaient ou sont en situation de conflit d'intérêt.
La plupart des médecins leaders d'opinion qui dans les médias font la promotion des laitages sont en situation de conflits d'intérêt.
Ces conflits d'intérêt ne sont jamais portés à la connaissance du public, ou seulement de manière exceptionnelle.
Si la santé publique a encore du sens face au poids des lobbies, il est urgent que les autorités sanitaires (en France : ANSES, INPES, PNNS) s’abstiennent dorénavant de promouvoir la surconsommation de laitages, et qu’elles tiennent enfin un discours de bon sens : les laitages ne sont pas indispensables à la santé, il n'y a donc aucune obligation de les consommer (même s’il n'y a pas de risque à en consommer modérément lorsqu'on les tolère).
Portez-vous bien !