Des chiffres toujours plus alarmants ont été publiés cette année par l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques comptant 25 Etats Membres dans le monde, dont la France) : 54% des adultes de ces pays sont en surcharge pondérale (IMC > 25), dont 19% en obésité (IMC > 30). Les chiffres record sont toujours détenus par les Etats-Unis et le Mexique (respectivement 38 et 32% de personnes obèses). Et les projections à 2030 ne sont pas plus optimistes. Cela représente actuellement environ 4 millions de décès par an liés à un IMC trop élevé. Concernant la France, 49% des adultes sont en surpoids dont 17% de personnes obèses. Certes, nous nous situons bien en-dessous de la moyenne en nous classant au 10 ème rang sur les 25 pays. Mais cela reste toujours trop !
Les différents Plans (PNNS, dont on attend la 3 ème version, Plan Obésité,...) qui auraient dû permettre d’enrayer cette progression ne semblent pas convaincants. Et même si le contrôle du poids et une bonne hygiène de vie restent une préoccupation majeure des Français (réponse oui à cette question pour 52% des adultes, fin 2016, sondage BVA), il n’empêche que cette problématique galopante paraît impossible à freiner durablement et efficacement.
La prise en charge de la personne obèse est pourtant bien encadrée dans notre pays et la chirurgie de l’obésité correspond à une des solutions possibles, lorsque les autres ont déjà été tentées. Et je me répète une fois encore : ce n’est pas l’opération miracle, ni un remède radical à la mode! Ce parcours long de 6 à 12 mois (parfois plus selon le cas) nécessite un engagement total dans l’accompagnement pluridisciplinaire et une prise de conscience avérée de sa problématique. Nul n’y est obligé légalement, mais cela reste vivement recommandé afin de garantir son succès. Parce que ceux qui se lancent et qui acceptent le suivi à vie réussissent remarquablement bien.
Dans ce contexte, je suis toujours à la recherche de pistes, de solutions, pour aider les patients à mieux vivre cette chirurgie bariatrique. Et les circonstances m’ont amenées à me pencher sur l’accompagnement ostéopathique en rencontrant Youri Bertucchi, ostéopathe DO sur la région toulousaine, qui a notamment accompagné des patients dans ce cas :
- Afin que tout le monde puisse avoir une idée précise de votre métier, rappelez-nous ce qu’est l’ostéopathie et comment se déroule ce type de soin.
L’ostéopathie est une médecine dite naturelle, alternative, douce ou complémentaire. Il s’agit d’une médecine, qui présente à mon sens, 3 axes majeurs :
- Nous n’utilisons que nos mains pour travailler, c’est pour cela que l’on peut aussi parler de médecine manuelle. Nous ne prescrivons pas de médicaments.
- Nous avons une approche du patient qui est globale, c’est-à-dire que nous ne traitons pas un symptôme mais ce qui cause ce symptôme. Prenons un exemple : le mal de dos. Un ostéopathe va agir sur votre mal de dos (symptôme) en traitant directement sa cause, qui peut être multiple (un problème de cheville, des règles douloureuses, un choc émotionnel, des tendinites à répétition, etc.).
- La philosophie même de l’ostéopathie en fait une médecine de prévention par excellence. C’est souvent quelque chose d’abstrait en tant que patient car nous vivons dans une société qui soigne, plutôt qu’elle ne prévient. L’ostéopathie permet de maintenir notre corps dans un certain équilibre qui lui est propre, et donc de prévenir l’apparition de troubles, ou douleurs futures. -
- Comment avez-vous été amené à prendre en charge des patients intégrés dans ce parcours bariatrique ?
Ma formation en ostéopathie m’a conduit à apprécier l’humain dans sa globalité, et donc à m’intéresser à la nutrition et la micro-nutrition, par le biais d’une spécialité. Notre rapport à l’alimentation a un lien direct sur notre santé, ce champs d’étude me semblait important. J’ai aussi suivi une spécialisation en posturologie, qui permet une approche complémentaire à l’ostéopathie par le biais de l’analyse de notre posture.
C’est donc de manière naturelle que des patients ayant suivi une chirurgie bariatrique sont venus me consulter. D’une part car l’ostéopathie présente de nombreux bénéfices avant et après une chirurgie, de quelque ordre qu’elle soit. Mais aussi car lors d’une perte de poids rapide notre corps peut avoir du mal à s’adapter. Notre posture est modifiée, notre centre de gravité se réajuste à notre nouveau corps. Face à tous ces changements un accompagnement peut être bénéfique.
En parallèle de ma pratique quotidienne au cabinet, j’ai effectué des recherches, lu des ouvrages et rencontré d’autres professionnels de santé de manière à appréhender au mieux le parcours du patient, avant, pendant et après sa chirurgie bariatrique. Maintenant je suis aussi en relation un collectif de patients d’une clinique en région toulousaine qui organise des conférences sur le sujet. Ensuite le bouche-à-oreille à fait son chemin et j’ai reçu de plus en plus de patients pour ce motif de consultation. Avec un changement notable, maintenant les patients viennent avant même l’opération, ce qui est très positif et permet de préparer le corps à tous ces changements.
- Quels bénéfices peut-on attendre de l’ostéopathie par rapport à ce type de chirurgie (en préopératoire, en postopératoire immédiat et à plus long terme) ?
Avant l’opération
Consulter avant l'opération renvoie à la notion de prévention que je détaillais plus haut. Mes patients consultent afin d’atténuer au maximum les douleurs post-op, qui sont souvent sources d’angoisse avant ce genre d’opération. Problèmes digestifs, vomissements, douleurs, etc. peuvent se présenter après une l’opération. Un travail , notamment au niveau viscéral permet de préparer le terrain et d’éliminer les tensions qui pourraient gêner après l’intervention. Le stress est aussi un facteur à prendre en compte. Il est tout à fait normal, avant une chirurgie, d’avoir des inquiétudes, qui pour certains deviennent de véritables angoisses, ou qui peuvent créer un état général de tension et de stress. Une séance préparatoire avec un ostéopathe permet de travailler sur cet axe aussi, afin que le patient soit davantage détendu et moins en état de crispation pour et après l’intervention.
Post-opératoire
Les quelques jours suivant l’opération peuvent être particulièrement difficiles. Fatigue, évacuation du gaz en cas de coelioscopie, douleurs cicatricielles, etc. Pour ma part, je recommande à mes patients de venir dans la 1ère semaine suivant l’opération. Un travail juste après l’opération permet une récupération plus rapide. Cela permet aussi un travail très doux sur la cicatrisation, ce qui favorise une meilleure circulation sanguine et donc une meilleure cicatrisation. C’est un travail différent de celui d’un kinésithérapeute qui va travailler sur les adhérences une fois qu’elles sont formées. Le but est de prévenir leur apparition au maximum.
Suivi à long terme
Après une séance juste après l’opération, un suivi régulier reste nécessaire. La morphologie change de manière extrêmement rapide, plus vite que notre corps est prêt à s’adapter. Un suivi régulier permet justement d’aider le corps à s’adapter plus facilement et plus rapidement à ces changements.
- Quelle fréquence de suivi peut être recommandée ?
Pour ma part, je recommande à mes patients un schéma de travail de ce type :
- Séance pré-opératoire : 1 à 2 semaines avant l’opération
- Séance post-opératoire : 1 semaine après l’opération
- Suivi : la fréquence des suivis dépend de chaque patient, et notamment de sa perte de poids. La fréquence des 1ers suivis doit être assez régulière, je dirai tous les 2 à 4 mois jusqu’à ce que le poids se stabilise (généralement un an), ensuite un suivi tous les 3 à 6 mois permettra de consolider le travail effectué.
Mais en réalité il n’y a pas de formule toute faite. Chaque patient est différent et mon travail, en tant qu’ostéopathe est justement de tenir compte de cette unicité.
- Quelle approche ou technique vous a semblé utile ?
L’ostéopathie propose un éventail de techniques très large. Il m’est très difficile d’en citer quelques unes ici. Les techniques, le soin en général va fortement varier d’un patient à l’autre, et même si ceux-ci présentent des symptômes similaires. Comme je vous l’expliquais plus tôt, nous travaillons sur la ou les causes, et non pas sur les symptômes. Deux patients qui ont de forts troubles digestifs après leur opérations peuvent les avoir pour des raisons totalement différentes. L’important est donc de déterminer au travers de l’écoute de votre corps par le biais de nos mains, pourquoi un patient présente tel ou tel symptôme et d’agir dessus. Des techniques viscérales seront souvent utilisées, mais pas de manière unique.
- Quels résultats avez-vous obtenus ?
Les résultats sont flagrants sur la récupération. En post-op, peu de patients qui ont réalisé une séance préparatoire ont des douleurs pourtant habituelles suite à ce type de chirurgie. Sur la sphère digestive aussi, les résultats sont très bons. Diarrhées, vomissements, etc. sont plus rares. Pour tout ce qui a trait à l’apparition de douleurs liées à un changement rapide de morphologie, les résultats sont à nouveau très positifs. Les douleurs de dos, d’articulations sont elles aussi diminuées voire inexistantes. Le travail sur les cicatrices permet d’éviter la formation d’adhérences qui peuvent être douloureuses et entraîner des douleurs à distance à la fois anatomiquement et dans le temps.
Sur un plan moins physique disons, je dirai aussi que les soins permettent à mes patients de mieux appréhender leur nouveau corps. S’impliquer dans ce suivi les pousse aussi à s’écouter davantage à interpréter les signaux que leur corps leur envoi. Cela crée un meilleur sentiment de connaissance de soi. Le rapport au corps est souvent compliqué, l’ostéopathie permet de réapprendre à se connaître et s’écouter.
Il ne s’agit bien sûr que de résultats empiriques, basés sur les retours de mes patients et de mes échanges avec le monde médical sur le sujet.
- Le mot de la fin ?
Pour conclure je dirai que lorsque l’on fait le choix d’un parcours bariatrique il est important d’être à l’écoute de soi tout au long de ce process. Si bien sûr je recommande fortement l’ostéopathie en accompagnement, je tiens à préciser qu’il est primordial de trouver un ostéopathe, ou un thérapeute au sens plus large avec lequel vous êtes à l’aise.
Merci infiniment à Youri Bertucchi pour son retour riche et sincère sur sa pratique.
Vous l’aurez compris, toute approche en médecine complémentaire peut s’avérer réellement bénéfique en chirurgie de l’obésité et peut permettre d’atteindre les résultats escomptés, en termes de perte de poids, de qualité de vie et de santé retrouvée. A bon entendeur…
Pour en savoir plus : https://toulouseosteopathe.com/
