Le régime cétogène (aussi appelé Low Carb High Fat ou LCHF en anglais), dont nous avons publié les premiers livres en langue française, est un régime thérapeutique qui consiste à consommer très peu de glucides (sucres, fruits, pommes de terre, pâtes, riz…) et beaucoup de graisses. Ce régime initialement prescrit dans l’épilepsie (depuis les années 1920) est aujourd'hui proposé dans le diabète de type-2 et le surpoids. Il est aussi utilisé à titre encore expérimental dans Alzheimer, Parkinson et certains cancers.
Voici son histoire et ses origines.
Jeûner contre le diabète
A la fin du dix-neuvième siècle, un médecin français, le Dr Guillaume Guelpa se lance dans une série d’expériences pour traiter diverses maladies par restriction alimentaire, c’est-à-dire jeûne, d’abord sur lui-même, puis sur ses patients. L’idée lui en a été donnée par les travaux d’un autre médecin français, Georges Saintfort Dujardin-Beaumetz, qui a constaté que dans la fièvre typhoïde, ce sont les malades qui perdent du poids le plus rapidement qui se rétablissent le plus vite.
Guelpa met au point un régime alimentaire qu’il va proposer à ses patients diabétiques. Le voici :
- Boire chaque jour une eau minérale dite purgative, l’eau de Janos qu’on faisait venir de Hongrie
- S'abstenir totalement de tout aliment pendant 3 à 4 jours ;
- Boire à volonté tisane de queues de cerises, de tilleul, infusion de thé, eau d'Évian.
Ce jeûne, qui a inspiré le protocole de l’université de Newcastle pour traiter le diabète, donne des résultats spectaculaires, puisque la plupart des patients du Dr Guelpa sont améliorés dès le soir du deuxième jour. Le médecin prescrivait aussi des « purges », c’est-à-dire que le patient avalait 40 grammes de sulfate de soude par jour (avec de l’eau). Le Dr Guelpa publie en 1910 un livre, "La guérison du diabète," qui détaille le régime et ses effets bénéfiques.
Ce régime va évoluer au début du vingtième siècle. Il prend la forme de quatre jours de jeûne avec purgatif, suivi de quatre jours d’un régime végétarien avec une ration calorique diminuée de moitié par rapport à la normale.
Il attire l'attention d'un autre médecin, lui aussi hygiéniste et philanthrope, le psychiatre Auguste Marie, qui traite de nombreux épileptiques à Villejuif. Voilà donc le régime du Dr Guelpa essayé pour la première fois dans l'épilepsie. Les résultats sont moins spectaculaires que pour le diabète, mais extrêmement encourageants car bien meilleurs qu'avec les traitements médicamenteux de l'époque (bromures potassiques), tant que ce régime est poursuivi (mais Guelpa assure que le régime végétarien « seul, sans restriction alimentaire ne donne pas de résultats encourageants »).
Du jeûne au régime cétogène
Entre 1910 et 1921, le jeûne thérapeutique des Drs Guelpa et Marie va s'exporter dans de très nombreux hôpitaux où l’on traite l’épilepsie, aux Etats-Unis notamment. Le jeûne est efficace chez les malades, mais dès qu'ils retrouvent leur alimentation habituelle, les crises reviennent. Or il n’est pas possible de maintenir les patients dans un jeûne permanent.
Entre-temps, la science de la nutrition a évolué : on a constaté que le jeûne place le corps dans un état de cétose, c’est-à-dire qu’apparaissent en quantité dans les tissus des composés appelés corps cétoniques. Or les mêmes corps cétoniques, découvre-t-on, apparaissent lorsqu’on se nourrit essentiellement de graisses.
L’Américain Russell Wilder, un médecin de la Mayo Clinic (Rochester, Minnesota) est le premier à formuler, en 1921, l’hypothèse qu’un régime gras, favorisant la « cétonémie » pourrait mimer les effets bénéfiques du régime des Dr Guelpa et Marie dans l’épilepsie.
Ce sont deux autres médecins de la Mayo Clinic, Henry Helmholz et Haddow Keith, qui vont l'expérimenter. Entre 1921 et 1930, ils administrent ce nouveau régime cétogène à des dizaines d’enfants épileptiques. En septembre 1930 ils rapportent leurs résultats : 141 enfants ont suivi le régime cétogène, 43 n’ont plus connu de crise pendant un à sept ans et sont considérés guéris ; 32 ont été grandement améliorés (mais ne sont pas, pour les médecins, guéris).
Très populaire jusqu’à la seconde guerre mondiale, le régime cétogène va tomber dans l’oubli à la fin du conflit, avec l’apparition de traitements médicamenteux efficaces et moins contraignants. Il connaît cependant un regain d’intérêt depuis une dizaine d’années et ses applications s'étendent maintenant au... diabète, mais aussi (encore de manière expérimentale) à certains cancers et aux maladies neurodégénératives.
Né en 1850, le Dr Guillaume Guelpa est décédé en 1930. Le Dr Auguste Marie, né en 1865, est mort en 1934. Tous deux auront pu assister à l'émergence du régime cétogène dont ils ont été les initiateurs.
En 1911, Guillaume Guelpa écrivait ceci : « Les médicaments qu’on utilise habituellement contre l’épilepsie (...), sont des modificateurs des crises par le fait qu’ils obscurcissent la sensibilité du système nerveux à l’action des intoxications, par conséquent ils diminuent la faculté de réaction utile. (…) Ils sont donc trompeurs et nuisibles parce qu’ils ne font que favoriser l’évolution de la maladie en la cachant par la diminution de ses symptômes révélateurs. » Il ajoutait : « La cure de l’épilepsie n’est pas un problème de médicamentation, mais une question de préservation héréditaire et surtout d’éducation alimentaire. »
Pour en savoir plus : Le grand livre de l'alimentation cétogène, Le régime cétogène contre le cancer, Céto cuisine, Le guide de l'huile de coco