Les ennemis de la décision : les biais cognitifs

Les ennemis de la décision : les biais cognitifs

Biais de simple exposition

Mis en évidence dans des conditions expérimentales par Robert Zajonc, en 1968, son principe est simple : Le simple fait d’être exposé de manière répétée à une personne, un produit, une idée, une image, un objet, augmente la probabilité d’entretenir un sentiment positif à son égard. C’est l’essence même de la publicité et du marketing de masse ! Pensez, par exemple, à la manière dont certains morceaux de musique deviennent des tubes à force d’être matraqués à la radio… Ou encore comment certains termes, certaines idées, se banalisent et contaminent la conscience collective par simple effet de répétition.

Biais de primauté

Le biais de primauté est un effet du fonctionnement de notre mémoire. Il joue un rôle important dans la manière dont nous généralisons et construisons des stéréotypes à partir d’une première expérience : lorsque nous vivons le début d’une expérience avec une certaine charge émotionnelle, nous avons tendance à nous référer inconsciemment à cette impression encore fraîche dans notre mémoire pour évaluer la suite de l’expérience. C’est ce qui nous fait dire que « la première impression est toujours la bonne ».
Ce trait particulier permet une multitude de procédés de manipulation, d’autant plus efficaces que les déclencheurs de la première impression n’ont pas été enregistrés consciemment. Si, par exemple, lorsque l’on aborde la question du chômage, on emploie des mots comme « paresseux », « profiteur », « valeur travail », quelles sont les autres notions qui viennent à notre esprit pour penser aux chômeurs ?
À l’inverse, si un orateur prononce un discours dans lequel il doit aborder des sujets sur lesquels il n’est pas crédité d’une opinion favorable par les sondages, il a tout intérêt à commencer par rappeler les sujets pour lesquels il est perçu comme ayant des qualités indéniables. Pensez à la manière dont les premiers jours d’un mandat influencent notre perception de la suite de celui-ci. D’où l’utilité, pour un nouvel élu, de commencer par tenir un maximum de promesses électorales dès les premiers  jours afin de profiter d’un a priori positif, d’un « état de grâce ».

Biais de disponibilité

Aux États-Unis, il a été mesuré que la majeure partie des gens considèrent le risque de mort par homicide comme plus important que celui de mort par cancer de l’estomac, bien que cette dernière soit cinq fois plus fréquente en réalité. C’est une belle illustration du fonctionnement de ce biais cognitif : La facilité avec laquelle des exemples sont disponibles à notre esprit affecte notre représentation de la réalité.
En fait, nous attribuons automatiquement une fréquence supérieure à la réalité aux événements spectaculaires, pour la simple raison que, repris par les médias, leur représentation est plus disponible à notre esprit. Est-il rationnel de penser que l’insécurité soit un problème de société ? Qu’il y a trop d’immigrés en France ? Qu’il faut une nouvelle loi après chaque grand fait divers ?
En nous amenant à rechercher dans notre mémoire la plus accessible les éléments d’information dont nous avons besoin, ce biais cognitif nous permet d’économiser le temps que nous consacrons à nous informer…
Lorsque nous nous contentons des informations sommaires ou spectaculaires délivrées par le journal télévisé et des conversations avec nos proches sur des sujets comme l’économie internationale, la délinquance, la régulation des migrations ou la sécurité, on comprend qu’il puisse être facile d’aboutir à des jugements erronés sur les besoins réels du pays et les politiques à mener.

Biais de confirmation

Qui ne reconnaîtra pas s’être – au moins une fois dans sa vie – leurré en préférant continuer à croire à un point de vue plutôt que d’observer les informations le contredisant ? C’est ce que nous pensons déjà connaître qui nous empêche souvent d’apprendre écrivait déjà au XIXe siècle le fondateur de la médecine expérimentale, Claude Bernard. Ce biais influence aussi bien notre manière de rechercher de l’information que l’interprétation que nous en tirons, ou la mémoire sélective que nous avons des faits.
Il est plus facile de confirmer un point de vue actuel que d’adopter un point de vue différent.
C’est ainsi que nous remarquons bien mieux les incohérences des candidats auxquels nous sommes opposés que celles des candidats auxquels nous sommes favorables. C’est également ce qui nous conduit à privilégier les sources d’informations, les analyses et finalement les hommes et femmes politiques dont le discours est conforme à notre point de vue (biais d’exposition sélective).

Effet de halo et biais d’association

L’effet de halo, mis en évidence dès le début du XXe siècle par Edward Thorndike, nous conduit à étendre à l’ensemble d’une personne et de son comportement les qualités positives ou négatives que nous pouvons percevoir chez elle. Tous les escrocs le savent : une présentation soignée, un beau visage, une voix posée, la possession d’objets de valeur, tout cela nous conduit à attribuer automatiquement à une personne d’autres qualités, pourtant nullement démontrées par ces seuls signes, telles qu’intelligence, crédibilité, compétence, etc. On a ainsi beaucoup glosé sur le fait que sa barbe dure et ses traits fatigués, lors d’un débat télévisé en 1960, auraient contribué à faire perdre Nixon face à Kennedy.
Par le biais d’associations, nous pouvons même étendre à une personne les qualités ou défauts perçus chez les personnes qu’il fréquente ou les groupes auxquels il appartient. C’est ce qui amène les candidats politiques à se faire filmer ou photographier en compagnie de personnalités populaires telles qu’artistes, sportifs, leaders associatifs ou dirigeants charismatiques d’autres pays.

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