Le pH de notre organisme est régulé très précisément afin de favoriser un fonctionnement optimal. Vous savez d’ailleurs que l'acidité engendrée par les efforts musculaires va impacter négativement l'effort. Quelques études suggèrent aussi un effet ergogénique du bicarbonate de sodium (qui tamponne l'acidité), principalement sur les efforts intenses et brefs. Cependant, le bicarbonate de sodium a l'inconvénient d'apporter beaucoup de sodium et de favoriser les troubles digestifs.
Les aliments que vous mangez peuvent modifier le pH de votre organisme. Leur teneur en protéines, phosphore, calcium, magnésium et potassium détermine leur pouvoir acidifiant ou alcalinisant que l'on peut quantifier grâce à un indice, le PRAL (potential renal acid load). Un PRAL négatif signe un effet alcalinisant. À l'opposé, un PRAL positif signe un effet acidifiant. Viandes, poissons, œufs, fromages et céréales sont acidifiants alors que les légumes, les fruits, les patates douces, les pommes de terre, les haricots secs et les épices sont alcalinisants.
Le PRAL de votre alimentation pourrait-il impacter vos performances ?
En d'autres termes, un régime alimentaire alcalin pourrait-il, comme le font l'entraînement ou une supplémentation en bicarbonate de sodium, accroître les performances en améliorant la gestion de l'acidité?
Pour répondre à cette question, une équipe de chercheurs a recruté 10 hommes et femmes de 18 à 60 ans, sportifs (9 personnes) ou non (1 personne), mais exempts de risque de complications à l'effort. Ils les ont soumis à des tests d'effort après un régime alcalin et après un régime acide d'au moins 4 jours.
Le régime alcalin comportait beaucoup de fruits, des légumes et limitait viandes, poissons, œufs et céréales. L'absence de céréales risquant de limiter les apports en glucides, il a été conseillé aux participants de compenser cette absence par des aliments riches en glucides mais au PRAL négatif (patates douces, fruits secs).
Le régime acidifiant faisait la part belle aux viandes, céréales et fromages. Bien entendu, ce régime acidifiant était bien plus facile à promouvoir et nécessitait bien moins de conseils que le régime alcalinisant en raison de sa ressemblance avec le mode alimentaire de la plupart d'entre nous.
Afin de s'assurer de l'impact du régime sur l'équilibre acido-basique de l'organisme, les participants surveillaient tous les jours leur pH urinaire à l'aide de bandelettes urinaires. Un pH supérieur à 7 servait de témoin d'un régime suffisamment alcalin alors que pour confirmer le régime acidifiant une valeur inférieure à 6 était exigée.
Une analyse du régime habituel des participants constatait un PRAL quotidien de base à 8.6mEq/j. Le régime acidifiant menait, en moyenne, à un PRAL de 33mEq/j et le régime alcalinisant menait, quant à lui, à un PRAL moyen de -21mEq/j. Les deux régimes ne différaient pas en ce qui concerne les apports totaux en glucides, lipides et calories. L'apport glucidique total était à 5 g/kg/jour permettant ainsi d'éviter une déplétion glycogénique qui aurait pu altérer les performances.
Afin d'atteindre la zone de pH urinaire exigée les participants devaient suivre le régime en moyenne 4.3 jours lors du régime acidifiant alors que pour le régime alcalinisant 6.8 jours étaient nécessaires en moyenne.
Après chaque régime, deux tests étaient proposés : d'abord un test d'effort progressif, puis après 10 min de repos assis, un test de performance anaérobie à vitesse constante et déterminée en fonction du test précédent.
Le quotient respiratoire était mesuré à plusieurs intensités lors des épreuves. Rappelons que le quotient respiratoire reflète le ratio glucides/lipides utilisé lors d'un effort. Plus le quotient est élevé plus la part des glucides est importante et celle des lipides basse et vice-versa.
Il était alors constaté un quotient respiratoire significativement plus élevé à 100 % de VO2max lors du régime acidifiant. Aux intensités inférieures, le quotient respiratoire était également plus élevé après le régime acidifiant sans toutefois l'être de façon significative.
Ces variations de quotient respiratoire pourraient suggérer qu'un régime alcalinisant faciliterait l'utilisation des lipides à l'effort. Ce phénomène pourrait être la conséquence d'une modification de l'activité enzymatique par l'environnement acido-basique.
Lors de la deuxième épreuve, celle analysant les performances anaérobies, le temps jusqu'à épuisement était plus long de 21% après le régime alcalinisant. Les auteurs signalent, aussi, une tendance à corréler l'importance de la variation du PRAL avec celle du temps à épuisement sans que cela soit statistiquement significatif.
Les chercheurs concluent qu'un régime alcalinisant pourrait jouer un rôle ergogénique lors des performances anaérobies (les efforts courts et intenses).
Toutefois, il existe des biais possible. D'une part, l'index glycémique des repas n'était peut être pas similaire lors des deux régimes puisque le régime alcalinisant privilégiait légumes, fruits et patates douces dont l'index glycémique est plus bas que les céréales privilégiées lors du régime acidifiant.
Selon les chercheurs, un autre élément pourrait biaiser l'étude : la richesse en nitrates des légumes et fruits. Selon certaines études les nitrates pourraient influer favorablement les performances. Or, le régime alcalinisant faisait la part belle aux légumes et fruits qui sont riches en nitrates.
Quoi qu'il en soit, avec biais ou sans biais, les bénéfices suggérés par ce régime alcalinisant sont à mettre au compte des légumes, des fruits, des patates douces qui ont l'avantage d'être à la fois alcalinisants, à index glycémique faible, denses nutritionnellement et riches en antioxydants.
En conclusion
Un régime alcalinisant pourrait être particulièrement intéressant pour améliorer les performances lors des épreuves courtes (1 à 5 min) en tamponnant l'acidité. Mais il pourrait aussi être intéressant pour les épreuves plus longues en favorisant la consommation des lipides et en préservant au maximum le glycogène musculaire. Un autre effet bénéfique envisageable lors des épreuves d'endurance pourrait être une meilleure gestion de l'acidité lors de certaines phases comme les accélérations, les sprints ou encore les ascensions qui agrémentent parfois les épreuves longues.
Favoriser les aliments alcalinisants (fruits, légumes, patates douces), comme nous le recommandons dans "Nutrition de l'endurance", présente de nombreux avantages (richesse en minéraux, richesse en vitamines, richesse en antioxydants, index glycémiques bas, teneur en nitrates pour certains).
Attention toutefois, avec un régime alcalinisant privilégiant les légumes et fruits les apports glucidiques sont moins importants qu'avec des céréales. Veillez donc à l'approche d'une compétition à favoriser des aliments riches en glucides et malgré tout alcalinisants (fruits secs, patates douces, haricots rouges, jus de pomme….).
En outre, ce régime doit être maintenu durant quelques jours (4 à 7) pour s'assurer d'un équilibre favorable.
Espérons que d'autres chercheurs vont s'intéresser de près à ce sujet afin d'affiner les conclusions !
Caciano SL, Inman CL, Gockel-Blessing EE, Weiss EP. Effects of dietary Acid load on exercise metabolism and anaerobic exercise performance. J Sports Sci Med. 2015 Jun;14(2):364-71