Jeûne intermittent et sport : pour quoi ? Comment ?

Jeûne intermittent et sport : pour quoi ? Comment ?

Le jeûne intermittent n’a rien de nouveau. Nos ancêtres chasseurs-cueilleurs pratiquaient le jeûne mais involontairement, par obligation. La vie ne leur garantissait pas d’avoir de quoi manger matin, midi et soir. Notre organisme est programmé pour s’y adapter depuis des millénaires. Même de longues périodes de jeûne peuvent être gérées par notre organisme. La modification du métabolisme qui s’oriente vers les lipides est une des adaptations au jeûne. La production de cétones est une autre de ces adaptions permettant de survivre dans ces conditions. Certaines religions ont ancré cette pratique dans leurs dogmes. C’est notamment le cas du ramadan.

Les effets du jeûne intermittent

Le jeûne intermittent non religieux mais à but « santé » se développe de plus en plus. Les bénéfices du jeûne intermittent contre certaines maladies sont de plus en plus clairs. Lutte contre le surpoids, contre le diabète, contre certains cancers, contre les maladies cardiovasculaires en sont des exemples.
L’une des méthodes de jeûne les plus accessibles et les plus fréquemment utilisées est le jeûne intermittent. Il suffit de ne manger que pendant une période retreinte dans la journée. Se laisser une fenêtre de 8 h durant laquelle l’alimentation est autorisée sans autre restriction et ne rien manger durant les 16 h restantes apporte un bénéfice. Parmi ces bénéfices, citons la baisse de l’insuline, la baisse de l’inflammation ou encore la stimulation de l’autophagie (nettoyage de nos cellules). Les solutions pour jeûner de cette façon sont multiples : ne pas prendre de petit déjeuner (c’est-à-dire ne manger qu’entre midi et 20 h) ou bien ne pas manger le soir (manger entre 8h et 16 h) en sont les exemples les plus simples. Notez que le jeûne peut être plus long.

Ramadan et sport

Jusqu’à récemment, aucune étude n’avait analysé l’impact du jeûne intermittent sur la pratique sportive. Certes, il y a eu des études sur le ramadan. Ainsi, une méta-analyse récente conclut à un impact négatif du ramadan sur la puissance maximale et la puissance moyenne lors d’un test d’effort ou sur la capacité à répéter des sprints. En revanche, aucun effet significatif n’a été remarqué sur les performances en endurance (mais les épreuves tests ne dépassaient pas les 5 km et on ne peut conclure sur des épreuves plus longues) ou sur la capacité à sauter. Notez cependant que le ramadan implique des habitudes qui vont au-delà du simple jeûne : boire est interdit durant le jour, le temps de prise alimentaire est plus ou moins court (dépendant de la période à laquelle le ramadan est fait) et le ramadan peut créer un manque de sommeil et une fatigue qui influenceront les performances.

 

Revenons au jeûne intermittent non religieux. Jusqu’à peu, aucune étude ne nous permettait d’analyser son impact sur les performances sportives. Et pourtant… jeûne intermittent et entraînement sportif partagent des effets. Les deux puisent dans les réserves de glycogène. Les deux partagent des effets biochimiques et métaboliques. C’est d’ailleurs l’effet recherché par l’entraînement à glycogène bas.

Musculation et jeûne intermittent

Initialement, trois études ont étés faites. Elles analysaient l’impact du jeûne et de l’entraînement en résistance. Ensemble les résultats suggèrent que l’ajout d’un jeûne intermittent à un entraînement en résistance (musculation) ne semble pas altérer la prise de masse musculaire mais tend à favoriser la perte de masse grasse et de poids. Certains paramètres de santé pourraient aussi être améliorés (inflammation, insulinémie, profil lipidique). L’utilisation des graisses pourrait être favorisée et l’endurance musculaire accrue. Une autre interprétation de ces résultats pourrait être que ceux qui font du jeûne intermittent devrait faire de la musculation afin de préserver leur musculature.

Endurance et jeûne intermittent

Concernant l’impact du jeûne intermittent sur les sports d’endurance, les études sont encore moins nombreuses et plus récentes. Une étude chez des coureurs ne remarque aucun impact significatif sur les facteurs santé (insulinémie, glycémie et triglycéridémie) ni sur les facteurs de performance (VO2max et économie d’effort). Une étude chez des cyclistes de haut niveau suggère une perte de masse grasse sans perte de masse musculaire avec comme conséquence une amélioration du rapport puissance/poids. Cette étude suggère, aussi, une amélioration de certains marqueurs de santé (inflammation).

Au total

Ces cinq études nous apportent des informations mais restent trop peu nombreuses pour en tirer des certitudes. En revanche, elles semblent prometteuses. À l’heure actuelle, peu d’effets négatifs sont objectivables. Le jeûne intermittent pourrait avoir sa place dans une stratégie de périodisation nutritionnelle. Périodiser son entrainement est bénéfique pour les performances. Périodiser la nutrition l’est aussi.

Pour rappel la périodisation nutritionnelle pourrait alterner :

  • Des phases de jeûne intermittent (pour perdre un peu de masse grasse)
  • Des phases de cétose
  • Des phases d’entraînement à glycogène bas (pour améliorer les capacités à utiliser les graisses et les glucides, pour améliorer l’efficience métabolique) (voir « Ultraperformance »)
  • Des phases d’entraînement avec glucides (pour améliorer la qualité de certaines séances longues ou à haute intensité) et d’autres avec surcharge en glucides durant l’entraînement (pour entraîner le tube digestif)

Périodiser sa nutrition permettrait de stimuler au maximum les capacités à brûler du gras tout en préservant ou en améliorant les capacités à utiliser et tolérer les glucides. En fait, cela permet de maximiser la polyvalence et la flexibilité métabolique. C’est ce que recherchent la plupart des sportifs d’endurance.

Je recommande souvent (et j’applique) de commencer le jeûne par un effort. C’est une stratégie décrite dans « Ultraperformance » : la récupération retardée. L’entraînement, permettant de diminuer les réserves de glycogène musculaire et d’abaisser l’insulinémie, active ainsi des adaptations à l’effort profitables à la santé. Les mêmes adaptions sont déclenchées par le jeûne intermittent. C’est un peu comme si en débutant le jeûne par l’effort, vous accéléreriez les premières heures du jeûne. Ainsi vous pourriez entamer le jeûne comme si vous en étiez d’emblée à plusieurs heures sans manger. Malheureusement, je n’ai pas trouvé d’études à ce sujet. Cependant une étude suggère qu’il serait plus profitable de jeûner le soir plutôt que le matin.

En conclusion

Il est judicieux de programmer et périodiser son entraînement. Il est tout aussi judicieux de périodiser sa nutrition en fonction des séances prévues, de la période et de l’éloignement des compétitions. Le jeûne intermittent pourrait faire partie de cette stratégie de périodisation nutritionnelle.

 

 

Abaïdia AE, Daab W, Bouzid MA. Effects of Ramadan fasting on physical performance: a systematic review with meta-analysis. Sports Med. 2020;50(5):1009–26.

Brady AJ, Langton HM, Mulligan M, Egan B. Effects of Eight Weeks of 16: 8 Time-restricted Eating in Male Middle- and Long-Distance Runners. Med Sci Sports Exerc. 2020 Aug 11.

de Cabo R, Mattson MP. Effects of Intermittent Fasting on Health, Aging, and Disease. N Engl J Med. 2019 Dec 26;381(26):2541-2551.

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Moro T, Tinsley G, Bianco A, Marcolin G, Pacelli QF, Battaglia G, Palma A, Gentil P, Neri M, Paoli A. Effects of eight weeks of time-restricted feeding (16/8) on basal metabolism, maximal strength, body composition, inflammation, and cardiovascular risk factors in resistance-trained males. J Transl Med. 2016 Oct 13;14(1):290.

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Tinsley GM, Forsse JS, Butler NK, Paoli A, Bane AA, La Bounty PM, Morgan GB, Grandjean PW. Time-restricted feeding in young men performing resistance training: A randomized controlled trial. Eur J Sport Sci. 2017 Mar;17(2):200-207.

Tinsley GM, Moore ML, Graybeal AJ, Paoli A, Kim Y, Gonzales JU, Harry JR, VanDusseldorp TA, Kennedy DN, Cruz MR. Time-restricted feeding plus resistance training in active females: a randomized trial. Am J Clin Nutr. 2019 Sep 1;110(3):628-640. doi: 10.1093/ajcn/nqz126. PMID: 31268131; PMCID: PMC6735806.

 

 

Auteur

Fabrice Kuhn

Médecin généraliste, médecin du sport

Fabrice Kuhn est médecin du sport, rédacteur pour "Jogging International", auteur et conférencier. Athlète accompli, il est finisher des championnats du monde Ironman à Hawaii et du marathon des sables. Enseignant au DU d’expertise en course à pied de l’université de Poitiers, il a également été le médecin de l’équipe de France d’haltérophilie.

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