Je vous ai déjà parlé du jeûne intermittent et du sport. Le ramadan est une pratique différente du jeûne intermittent dont je vous parle de temps en temps. La différence se fait par quatre contraintes supplémentaires pour votre pratique sportive :
- Les horaires imposés des repas ne permettant pas toujours de « coller » aux efforts
- La restriction hydrique et le risque de déshydratation complexifient la gestion de l’entrainement
- Le manque de sommeil et la fatigue qui résultent des horaires imposés pour les repas altèrent la capacité d’effort
- La date imposée, qui ne s’associe pas toujours bien avec les objectifs sportifs, oblige à des adaptations
Tout cela fait que la pratique sportive est réellement impactée par le ramadan. Les performances sportives sont souvent dégradées. La répartition des glucides sur deux repas parfois éloignés de l’entrainement et le fait de ne pas pouvoir s’alimenter durant l’effort s’il est fait durant la journée compliquent certaines séances. La restriction hydrique diurne et la déshydratation qui en résultent altère aussi les facultés d’entrainement.
Certes, le ramadan mène parfois à un shift métabolique comme on l’obtient avec l’entrainement à glycogène bas et à une perte de poids. L’organisme apprends, ainsi, à mieux utiliser les graisses. Mais cela ne permet pas de compenser la fatigue, la baisse éventuelle des réserves de glycogène musculaire et le manque d’hydratation.
Sachez que la pratique sportive n’est aucunement contre indiquée durant cette période. Au contraire elle peut aider à lutter contre certains effets néfastes du ramadan. Les sportifs tolèrent, en général, mieux le ramadan. Ils régulent mieux leur glycémie et ils se déshydratent moins. Leur organisme est déjà préparé au ramadan. Ils ont peu de risque de faire une hypoglycémie ou de se déshydrater franchement. L’entrainement régulier permet aussi de maintenir la masse musculaire alors que le jeûne pousse parfois l’organisme à trouver son énergie dans les protéines au risque de dégrader les muscles.
Alors, comment compenser cela ?
Entrainement
Plusieurs adaptations de votre entrainement sont possibles. Certains sportifs arrivent à maintenir la qualité, la durée et la fréquence des séances mais cela suppose de disposer de suffisamment de temps pour se reposer dans la journée afin de compenser le manque de sommeil. Toutefois, la plupart de sportifs ne peuvent pas le faire. Or, le manque de sommeil est un problème car il altère les qualités sportives et majore le risque de blessure. La sieste est un outil bien utile toute l’année mais encore plus profitable durant le mois de ramadan.
S’entrainer le matin ou le soir ?
Durant le ramadan, il est souvent de recommandé de privilégier l’entrainement le soir. Entre 17h et 18h, la température corporelle est plus élevée et le glycogène est plus facile à mobiliser. Cela permet des séances de meilleures qualités. D’ailleurs, la plupart des grandes épreuves sportives se déroulent en fin d’après-midi. Pensez aux finales du 100 m des jeux olympiques. De plus, la ration de récupération et son apport protéiques pourront être avaler rapidement après l’entrainement. Cela facilitera la récupération. Toutefois, cette séance sera débutée après une longue journée de jeûne. Cela pourrait limiter un peu les capacités à tenir la durée classique d’un entrainement.
Une autre solution consiste à s’entrainer le matin, deux à trois heures après le repas. C’est tout aussi acceptable. Cependant, il faudra tenir le reste de la journée sans boire et la récupération musculaire risque d’être limitée en l’absence de ration protéique de récupération. Dans cas-là, mieux vaut privilégier l’endurance. Toutefois, une solution alternative est de profiter de cette séance matinale pour faire une séance à haute intensité et de ne pas récupérer nutritionnellement afin de laisser perdurer les adaptations à l’endurance favorisée par la baisse du glycogène musculaire. C’est la méthode d’entrainement à récupération retardée que je vous décris dans « Ultraperformance ».
Quelle intensité d’effort ?
Les séances en endurance pure sont aisées dans ces conditions mais les séances à haute intensité permettent de progresser plus. Les séances à haute intensité seront plus difficiles à réaliser en raison de réserves de glycogène musculaire plus basse et de l’absence d’apport glucidique durant l’effort. L’idéal reste donc de conserver les deux types de séance. En outre, la musculation aide à préserver la masse musculaire mais doit être accompagnée d’une ration protéique (repas juste avant ou surtout repas juste après).
Une alternative judicieuse est de s’entrainer durant le mois de ramadan comme lors d’un affutage. On conserve la qualité des séances (intensité) et leur fréquence mais on diminue leur durée de la séance et la durée des efforts à haute intensité. De cette façon, on préserve ses qualités sportives sans fabriquer trop de fatigue.
Alimentation
Habituellement, la ration protéique est idéalement répartie en trois ou quatre prises quotidiennes. Dans le contexte du ramadan, c’est compliqué à réaliser. Il est, donc, important de faire en sorte que le petit déjeuner contienne des protéines (œuf, viande, poisson, formage, protéines végétales…).
Les glucides à privilégier sont ceux à index glycémique bas (légumes, céréales complètes, riz basmati, légumineuses, fruits…) afin de limiter le risque d’hypoglycémie réactionnelle et de retour précoce de la faim.
Accompagner ces repas de bonnes graisses (huile d’olive, huile de colza, noix, noisettes, amandes…) permet de ralentir la vidange gastrique. Cela limite le risque d’hypoglycémie réactionnelle et de retour précoce de la faim.
Il est important d’éviter les produits sucrés pour éviter d’avoir faim trop rapidement. Il est important que chaque repas soit équilibré. Il est important de donner au petit déjeuner une réelle qualité et de ne pas se contenter d’une tartine de baguette avec de la confiture.
Hydratation
Le manque d’hydratation est un problème. Certes, je vous ai déjà expliqué qu’une déshydratation modérée (moins de 2-3%) durant une compétition, ne pose pas de soucis sur vos performances. Toutefois, une déshydratation permanente est plus problématique. Sachez que, bien souvent, la déshydratation n’est gênante que la première semaine du ramadan. Après cette première semaine, l’organisme (et surtout les reins) s’adaptent. Dès la fin de cette première semaine, la plupart de sportifs ne sont plus déshydratés.
Il est conseillé de boire 600 ml d’eau avec le repas du soir et 1 litre d’eau avec le repas du matin. Ces repas doivent être salés. Le sodium contenu dans le sel participe à l’hydratation. L’eau prise durant les repas (en présence de sodium et de glucides) sera mieux conservée et hydratera mieux. Souvenez-vous que chaque gramme de glycogène se stocke avec deux à trois grammes d’eau.
Il est conseillé d’éviter les pertes hydriques autres que celles accompagnant les séances d’entrainements. Pour cette raison, il est conseillé d’éviter la chaleur afin de ne pas transpirer.
Mieux dormir
La fatigue est la conséquence la plus problématique du ramadan.
Le problème des séances d’entrainement trop tardives est d’élever la température corporelle et de favoriser la sécrétion de catécholamines (adrénaline, dopamine). Ces deux phénomènes retardent l’endormissement.
En revanche, un repas principalement glucidique devrait permettre de favoriser la production de mélatonine qui, elle, favorise l’endormissement. Toutefois, dans le contexte de deux repas quotidiens, il est conseillé de ne pas délaisser la ration protique le soir. C’est un juste compromis qu’il faut trouver !
Les siestes sont à favoriser tant elles permettront de récupérer de la fatigue du ramadan. D’ailleurs elles sont à conseiller à tous même en dehors du ramadan.
Préparer le ramadan en amont
Toute l’année
L’entrainement toute l’année prépare l’organisme à mieux réguler la glycémie. L’entrainement toute l’année apprends à l’organisme à mieux utiliser les lipides (graisses) au quotidien et durant les séances sportives. L’entrainement toute l’année fait mieux transpirer et limite le risque de déshydratation.
Deux semaines avant le ramadan
C’est le moment de faire quelques journées de jeûne intermittent mais en buvant. Cela permettra d’habituer progressivement l’organisme à mieux utiliser les graisses et à la préparer à le faire tous les jours.
C’est, aussi, le moment de faire quelques siestes et de caler progressivement son sommeil sur les horaires du ramadan. Cela permettra d’avoir une transition moins abrupte et surtout de débuter le ramadan avec moins de fatigue.
Bibliographie
- Chaouachi A, Leiper JB, Chtourou H, Aziz AR, Chamari K. The effects of Ramadan intermittent fasting on athletic performance: recommendations for the maintenance of physical fitness. J Sports Sci. 2012;30 Suppl 1:S53-73.
- Shephard RJ. Ramadan and sport: minimizing effects upon the observant athlete. Sports Med. 2013 Dec;43(12):1217-41.
- Zouhal H, Saeidi A, Salhi A, Li H, Essop MF, Laher I, Rhibi F, Amani-Shalamzari S, Ben Abderrahman A. Exercise Training and Fasting: Current Insights. Open Access J Sports Med. 2020 Jan 21;11:1-28.