Une légère déshydratation n'altérerait pas les performances en endurance

Une légère déshydratation n'altérerait pas les performances en endurance

Vous avez toujours été, comme moi, bien averti qu’une déshydratation même légère peut altérer profondément les performances sportives. Vous avez probablement entendu ou lu cette théorie selon laquelle que 1% de déshydratation peut faire baisser les performances sportive de 10%. Et bien entendu, vous vous appliquez à bien rester hydraté, surtout lors des compétitions !

Il se trouve que depuis quelques années les preuves s’accumulent contre cette théorie de la déshydratation dévastatrice. Je vous en ai déjà parlé dans un article précédent. Je vous avais alors expliqué que des études récentes suggéraient l'absence d’altération des performances chez les athlètes d'endurance malgré une légère déshydratation (et parfois même jusqu’à 8% de déshydratation). Je vous avais aussi informé que certaines études ne montraient pas de risque de crampes malgré une certaine déshydratation. En outre, je vous ai déjà parlé des dangers d'une hyperhydratation (que l'on rencontre notamment chez des sportifs ayant appliqué avec zèle les consignes pour éviter une déshydratation).

Une nouvelle étude vient encore s'ajouter au faisceau d'arguments contredisant la théorie de la déshydratation dévastatrice.

Dans cette étude, 11 cyclistes ont participé à une expérimentation au cours de laquelle il leur a été demandé de pédaler à plusieurs reprises à 50% de leur puissance maximale durant 90 min avant d’enchaîner avec un contre-la-montre de 20 km en régulant eux-mêmes leur allure. Rappelez-vous encore l'article qui montrait une différence entre les performances réalisées à allure fixée par l'expérimentateur et celles réalisées en contre-la-montre à allure libre (plus proche de la réalité de la compétition).

Ces épreuves étaient réalisées sous une température de 35 °C et 10 % d’humidité. Les cyclistes reproduisaient quatre fois l’épreuve dans un ordre aléatoire : une fois déshydratés et sans pouvoir contrôler la soif, une fois déshydratés mais en luttant contre la soif, une fois euhydratés et sans pouvoir contrôler la soif et une fois euhydratés mais en luttant contre la soif. Pour manipuler l’hydratation les chercheurs utilisaient une perfusion dont le contenu était caché du cycliste et des expérimentateurs (excepté le technicien chargé de surveiller la perfusion). Pour combattre la sensation de soif, les sportifs avaient de l’eau à volonté mais en simple rinçage de bouche. Entre chaque test les cyclistes conservaient leur entraînement habituel.

La déshydratation était bien confirmée puisqu'à la fin de chaque épreuve menant à la déshydratation les cyclistes se trouvaient à 3.2% de déshydratation (en moyenne) contre 0.4% après les épreuves non déshydratantes. De plus, le rinçage de bouche permettait réellement aux sportifs de diminuer la sensation de soif comme le confirmaient les mesures.

Au cours des 90 min à allure faible, la fréquence cardiaque et la température corporelle ne différaient pas significativement d'un état à l'autre. Les 20 km de contre-la-montre faisaient, quant à eux, monter la fréquence cardiaque et la température corporelle plus intensément lors des épreuves réalisées en déshydratation. Aucun de ces paramètres n'était modifié par la sensation de soif.

Au final, les performances sur le contre-la-montre ne présentaient aucune différence significative lors des quatre séries de tests.

Les chercheurs concluent donc qu'une légère déshydratation (entre 2 et 3%) n'altère pas les performances en endurance. Enfin, ils précisent qu'aucun sportif n' a été obligé d'abandonner le protocole que ce soit en raison d'une fréquence cardiaque supérieure à 95 % de la fréquence cardiaque maximale (limite éthique) ou  en raison d'une hyperthermie supérieure à 40°C. En outre, durant toute la durée de l'expérimentation aucun sportif n'a présenté de trouble de santé.

En pratique, s'il est probablement utile de bien s'hydrater tout au long de l'année et durant les périodes d'entrainement, il ne serait pas indispensable de chercher à compenser toutes les pertes hydriques lors d'une épreuve en endurance et une légère déshydratation (2-3%) ne serait pas préjudiciable pour les performances. Les plans d'hydratation imposant de boire très régulièrement ne sont pas jusitfiés et boire à sa soif semble une meilleure solution. 

 

S. S. Cheung, G. W. McGarr, M. M. Mallette, P. J. Wallace, C. L. Watson, I. M. Kim andM. J. Greenway.  Separate and combined effects of dehydration and thirst sensation on exercise performance in the heat. Scand J Med Sci Sports. Article first published online: 6 MAY 2015

Auteur

Fabrice Kuhn

Médecin généraliste, médecin du sport

Fabrice Kuhn est médecin du sport, rédacteur pour "Jogging International", auteur et conférencier. Athlète accompli, il est finisher des championnats du monde Ironman à Hawaii et du marathon des sables. Enseignant au DU d’expertise en course à pied de l’université de Poitiers, il a également été le médecin de l’équipe de France d’haltérophilie.

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