Dr Médart : « Le dépistage du diabète est très insuffisant »

Dr Médart : « Le dépistage du diabète est très insuffisant »

Jacques Médart est médecin nutritionniste praticien. Il est l’auteur du Manuel pratique de nutrition (De Boeck) et du Nouveau régime IG diabète.

Que recommandez-vous pour lutter contre le diabète ?

Outre de diminuer sa consommation d’acides gras saturés, je conseille de réduire la charge glycémique (CG) de son alimentation en diminuant la consommation de glucides à charge glycémique élevée, c'est-à-dire d’aliments « insulinogènes ». Il ne suffit pas de bannir les aliments à index glycémique (IG) élevé et d’abuser des aliments à IG moyen ou bas. Comparons les aliments à IG moyen ou bas à des fantassins et les aliments à IG élevés à des cavaliers. Ceux-ci attaqueraient notre glycémie, elle-même protégée pas l’insuline. Si je prends l’exemple du pain blanc : son IG est élevé mais si on en mange peu, ça représente l’attaque d’un ou deux cavaliers. L’organisme peut facilement y faire face. Pour ce qui est des glucides à IG moyen ou bas comme les pâtes, en manger de grandes quantités, ce n’est pas la solution. C’est comme une attaque massive de fantassins : il n’est finalement pas si facile d’y faire face. On doit trouver la juste mesure. Il est également nécessaire d’adapter la charge glycémique de son alimentation à son niveau d’activité physique.

Pourquoi ces notions d’indice et de charge glycémiques ne passent pas dans le grand public ?

Parce que les notions fausses de sucres lents et de sucres rapides sont encore véhiculées par les médecins et les industries agro-alimentaires. L’équation sucre lent = bon sucre = sucre sportif est encore trop souvent relayée auprès du grand public. On ne fait souvent pas de différence entre le pain blanc et le pain complet. Pourtant le pain blanc a une charge glycémique 2 fois plus élevée que le pain complet. Je dis souvent à mes patients : « vous n’êtes pas des coureurs professionnels ! » A mon avis, c’est le manque de formation des médecins en matière de nutrition qui est au cœur du problème.

Et concernant les rythmes alimentaires ?

Je conseille d’éviter de confondre collation bien structurée et grignotage. Dans les années 1940, on a instauré le verre de lait de 10 h dans les écoles. Puis ce verre de lait est devenu du lait chocolaté, puis un biscuit, puis une barre Mars puis des chips. Maintenant, on ne supporte plus de ne pas manger durant plus d’une heure. Si le matin on mange une tranche de pain complet avec des œufs et du jambon, ou n’importe quels aliments à charge glycémique basse, on a peu de risques d’être en hypoglycémie à 11 h. Ce sera en revanche le cas si l’on choisit de manger des céréales au miel et un jus d’orange. Il ne faut pas non plus grignoter le soir en regardant la télévision.

Le sport est-il important ?

L’activité physique régulière est fondamentale. Le bénéfice de l’exercice physique ne se compte pas qu’en termes de consommation de calories ou de perte de poids. La structure musculaire joue également un rôle. Pour bien comprendre, prenons l’exemple du pigeon qui a une chair rouge, et du poulet qui a une chair blanche. La chair rouge est caractéristique des animaux endurants, elle contient un pourcentage important de fibres musculaires rouges qui interviennent dans les efforts physiques soutenus. La chair des poulets est riche en fibres musculaires blanches caractéristiques des personnes peu actives, sédentaires. Les fibres rouges ne se développent qu’à travers un exercice physique régulier et elles permettent une pénétration intramusculaire du glucose plus facile que dans les fibres blanches. Si un muscle est riche en fibres blanches, il faudra beaucoup plus d’insuline pour y faire pénétrer le glucose : c’est un premier pas vers le diabète. L’exercice physique constitue un geste préventif très efficace contre le diabète. Je dis souvent à mes patients : « soyez pigeons et non poulet » ! Faites du sport pour changer la structure de vos muscles et les enrichir en fibres rouges..

Le dépistage a-t-il un rôle important à jouer pour prévenir le diabète ?

Son rôle est fondamental. Il y a une grande contradiction face à l’épidémie de diabète. D’un côté, les chiffres sont affolants : il y a 2 millions de diabétiques en France auxquels il faut ajouter 500 000 à 800 000 malades qui s’ignorent ; au niveau mondial, 190 millions de personnes sont affectées, chiffre qui devrait doubler d’ici à 2030. De l’autre côté : il y a très peu de dépistage. C’est absurde car plus on détecte tôt la maladie, si possible au stade pré-diabète, plus on peut rétablir la situation.
Par exemple, en Belgique et probablement aussi en France, les gynécologues surveillent de près la glycémie de leurs patientes enceintes afin d’éviter ou de traiter d’éventuels diabètes gestationnels. Cette maladie disparaît après l’accouchement mais l’épisode constitue un important facteur de risque ultérieur de diabète chez la femme. Pourtant, les gynécos ne transmettent pas l’info au médecin généraliste qui suivra ensuite la patiente, c’est très dommageable.

Dans quelles situations devrait-on se faire dépister ?

Il y a deux facteurs de risque fondamentaux de diabète : le surpoids et en particulier l’obésité androïde qui correspond à un tour de taille supérieur à 94 cm  chez l’homme et à 80 cm chez la femme. Si l’on a trop de graisse abdominale, que l’on ait ou non des antécédents familiaux, il faut au minimum faire un dosage de l’insuline et de sa glycémie à jeun. Donc le premier critère, c’est le surpoids, même si on a seulement de la graisse au niveau de l’abdomen.

Comment doit-on interpréter les résultats des analyses sanguines ?

Une glycémie dépassant 1 g par litre de sang est préoccupante même si on considère que l’on est diabétique avec une glycémie à jeun supérieure ou égale à 1,26 g/l. L’insuline à jeun doit, quant à elle, ne pas dépasser 15-20 micro-unités par ml de sang. Si une personne a une glycémie à jeun supérieure à 1g/l et une insulinémie supérieure à 15-20, alors on réalise un autre test appelé HGPO (hyperglycémie provoquée orale). Cet examen consiste à suivre l’évolution de la glycémie et de l’insulinémie durant deux après l’absorption de 50 ou 75 g de glucose, à raison d’une prise de sang toutes les demi-heures. Si les résultats montrent une sécrétion trop importante d’insuline, on peut dire que la personne souffre d’insulino-résistance et qu’elle est prédisposée au diabète. La bonne nouvelle c’est qu’à ce stade, il suffit souvent de perdre du poids pour annuler cette prédisposition.

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