Adaptation cellulaire : plus performant et en meilleure santé

Adaptation cellulaire : plus performant et en meilleure santé

S'exercer régulièrement réduit le risque de mortalité (toutes causes confondues) et ce dès le moindre effort (5). Je vous en ai parlé récemment. Cela ne devrait pas vous encourager à en faire le moins possible mais surtout à en faire au moins un peu. Cet effet protecteur croît avec la durée hebdomadaire d'effort mais aussi avec l'intensité des efforts (2, 5). Afin d'optimiser encore plus ces effets de l'entraînement, les scientifiques cherchent à identifier les principes à l'origine de ce phénomène. Autant vous le dire tout de suite, la dépense calorique n'en est pas la seule raison ! Il faut plutôt se concentrer sur les stress physiologiques engendrés par l'effort. Ce sont eux qui poussent l'organisme à s'adapter. Or, la plupart des adaptations à l'effort sont, aussi, celles qui améliorent notre santé.

 

Attention à l’excès !

Ces stress physiologiques nous sont bénéfiques tant qu'ils ne sont pas excessifs et ne dépassent pas nos facultés à nous y adapter. L'absence de stimulation (de stress) conduit à la désadaptation. Et la désadaptation détruit la santé. Un exemple simple de désadaptation est l'immobilisation plâtrée. Si vous vous brisez la jambe et passez un mois avec un plâtre vos muscles auront fondus. Votre jambe se sera désadaptée en l'absence de stimulation.

Nombre de maladies dites de civilisation sont la conséquence d'une désadaptation à l'effort. Comme je l'explique dans "Paléofit", notre activité et mode de vie ont changé énormément depuis la révolution du néolithique il y a environ 10 000 ans. Le changement a été encore plus radical lors des quelques dernières décennies. Notre génome, lui, n'a pas eu le temps d'évoluer à cette vitesse. Notre activité et notre mode de vie actuels (activité physique et alimentation notamment) ne sont totalement pas adaptés à notre génome. Il est bien plus facile de changer notre mode de vie que notre génome. C'est en se calquant sur nos ancêtres chasseurs-cueilleurs que j'ai construit "Paléofit". Pour respecter notre génome, il n'est pas nécessaire de produire exactement les mêmes efforts que les chasseurs-cueilleurs. Il suffit de rapprocher au mieux les gestes modernes des intensités d'efforts et des variétés d'efforts de nos ancêtres. D'ailleurs, les études scientifiques confirment le bénéfice santé et performance de s'inspirer des nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. L'avantage de mixer les types d'effort (force, vitesse, endurance) est de varier les stress physiologiques – dont nous venons de parler – pour élargir la palette de bénéfices.

Vous avez donc compris que pour progresser et pour se maintenir en bonne santé il faut "stresser" son organisme ni trop ni trop peu. Faire du sport c'est déclencher un signal adaptatif. Les mécanismes adaptatifs sont biochimiques. Les adaptations sont cellulaires et peuvent se faire de plusieurs façons. D'une part, le sport peut améliorer nos cellules, les rendre plus efficaces. C'est l'adaptation cellulaire. D'autre part, le sport peut sélectionner les cellules en préservant les cellules les plus efficaces et éliminant les cellules les moins fonctionnelles. C'est la sélection cellulaire. Voyons tout cela.

Adaptation cellulaire : rendre nos cellules plus efficaces

Dans "Ultra Performance", je vous expose quelques-uns de ces stress physiologiques exercés par l'entraînement. Ces stress, je les qualifie d'adaptatifs. Un stress adaptatif, c'est un stress physiologique mesuré qui pousse l'organisme à s'adapter et à devenir plus efficient. Cela peut être une modification transitoire de l'équilibre calcique intra-cellulaire. Cela peut, aussi, être une baisse des taux d'ATP (la molécule énergétique ultime) dans nos cellules. Cela peut également être un stress mécanique comme celui exercé sur les muscles lors des efforts de musculation. Cela peut être l'hypoxie utilisée lors des stages en altitude. Cela peut, encore, être le stress oxydant. Si un excès de stress oxydant produit des dégâts sur notre organisme, l'absence de stress oxydant limite, quant à elle, la progression sportive. Il a même été montré que donner des antioxydants à dose excessive chez des sportifs bloque leur progression (1).

Dans "Ultra Performance" je vous explique qu'il est possible de jouer sur ce phénomène de stress physiologique pour progresser encore plus. C'est le principe de l'entraînement à glycogène bas. La baisse du glycogène musculaire (stress physiologique) déclenche des cascades adaptatives favorables à l'endurance (et à la santé). Faire la même séance d'entraînement avec peu de glycogène musculaire (réserve de glucose dans le muscle) aura beaucoup plus d'impact positif que la faire avec les muscles plein de glycogène.

Les stress physiologiques, voilà une des raisons qui font que le sport nous maintient en bonne santé. L'impact biochimique du sport nous rend plus fort, plus endurant, plus rapide et en meilleure santé car nos cellules s'adaptent et deviennent plus efficaces (notamment via des adaptations enzymatiques).

 

Sélection cellulaire : préserver les cellules efficaces et éliminer les inefficientes

Si nos cellules s'adaptent et deviennent plus efficaces, il y a aussi une sélection des cellules qui se fait.

Sachez que dans nos organes cohabitent des cellules efficaces et des cellules sénescentes. Ces cellules sénescentes sont moins fonctionnelles. Étant moins fonctionnelles, elles limitent l'efficacité de l'organe auquel elles appartiennent. Les cellules sénescentes sont des cellules qui ont stoppé leur croissance cellulaire. Leur apparition est favorisée par le raccourcissement des télomères, l'inflammation (rôle de l'alimentation) et les dommages sur l'ADN. Elles sont une cause et témoin du vieillissement.

Il a été remarqué qu'après un effort de musculation le nombre de cellules sénescentes (vieillissantes et moins fonctionnelles) diminue au sein des capillaires musculaires, plus qu'après un entraînement en endurance. Il semble qu'après un effort de musculation les cellules sénescentes, les cellules les moins fonctionnelles, sont éliminées. Une unique séance de musculation réduirait le nombre de cellules sénescentes durant 48 h (4). Ce phénomène serait immunologique.

Vous savez, bien entendu, que les cellules et les organes de notre organisme sont (pour la plupart) en perpétuel remaniement. Les efforts intenses semblent influer sur le renouvellement cellulaire en favorisant l'élimination des cellules sénescentes. L'organisme ayant éliminé les cellules les moins efficaces va donc en produire des nouvelles, plus fonctionnelles. Il nous restera alors un pool de cellules plus fonctionnelles, plus efficaces expliquant que nous soyons plus performants et en meilleure santé. D'ailleurs, une étude a montré que la proportion de cellules sénescentes est moindre chez la personne active que chez le sédentaire (3).

Les jeunes (jusqu'a 25 ans) n'ont pas de cellules sénescentes dans leurs muscles (4). Seul les seniors en ont, d'où l'intérêt pour eux de faire des exercices intenses (musculation notamment) afin d'améliorer le ratio cellules performantes/cellules sénescentes.

Dans ce concept, l'effort (suffisamment intense) sert de signal pour éliminer les cellules les moins fonctionnelles (les cellules sénescentes). Chaque effort intense va donc permettre de diminuer le nombre de cellules peu fonctionnelles et les remplacer par des cellules plus fonctionnelles plus efficaces. L'organisme devient donc plus efficace (plus performant) et la santé (espérance de vie) en profite.

 

En conclusion

S'entraîner c'est influer sur les cellules pour rendre l'organisme plus efficace. Cela se fait à la fois en en améliorant le fonctionnement des cellules, en sélectionnant les meilleures cellules et en éliminant les cellules peu efficaces. C'est cela qui nous rend plus performant sportivement et en meilleur santé.

 

  1. Braakhuis AJ. Effect of vitamin C supplements on physical performance. Curr Sports Med Rep. 2012 Jul-Aug;11(4):180-4.
  2. Lahti J, Holstila A, Lahelma E, Rahkonen O. Leisure-time physical activity and all-cause mortality. PLoS One. 2014 Jul 2;9(7):e101548.
  3. Tsygankov D, Liu Y, Sanoff HK, Sharpless NE, Elston TC. A quantitative model for age-dependent expression of the p16INK4a tumor suppressor. Proc Natl Acad Sci U S A. 2009 Sep 29;106(39):16562-7.
  4. Yang C, Jiao Y, Wei B, Yang Z, Wu, Jensen, Jean WH, Huang CY, Kuo CH. Aged cells in human skeletal muscle after resistance exercise. Aging (Albany NY). 2018 Jun 27;10(6):1356-1365.
  5. Zhao M, Veeranki SP, Li S, Steffen LM, Xi B. Beneficial associations of low and large doses of leisure time physical activity with all-cause, cardiovascular disease and cancer mortality: a national cohort study of 88,140 US adults. Br J Sports Med. 2019 Mar 19.

 

Auteur

Fabrice Kuhn

Médecin généraliste, médecin du sport

Fabrice Kuhn est médecin du sport, rédacteur pour "Jogging International", auteur et conférencier. Athlète accompli, il est finisher des championnats du monde Ironman à Hawaii et du marathon des sables. Enseignant au DU d’expertise en course à pied de l’université de Poitiers, il a également été le médecin de l’équipe de France d’haltérophilie.

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