Bain des bois, au secours de votre santé !

Bain des bois, au secours de votre santé !

En plus de la sédentarité, y compris du sportif assidu (j'en parle dans mon article précédent), le stress et l’inflammation sont deux facteurs de risque majeurs pour de multiples pathologies. Agir sur ces deux perturbateurs serait profitable pour notre santé. C’est ce que permettent les bains de forêt. Détails.

Les deux fléaux de notre époque : l’inflammation et le stress excessifs

Bien que nécessaire pour notre organisme (lutte contre les infections, contre les agressions, réparation de l'organisme…, l'inflammation peut, lorsqu’elle est excessive, majorer certaines maladies (cancers, maladies cardiovasculaires, maladies neurodégénératives…). La bonne nouvelle c’est que l'inflammation peut être modulée par notre alimentation mais aussi par la pratique sportive.

Si le stress est un élément qui a permis à l'homme et ses prédécesseurs de traverser les âges jusqu'à notre époque il peut aussi, en cas d'excès, devenir destructeur. Avant tout, le stress met en jeu le système sympathique nous permettant de réagir efficacement face à un danger. Les Anglophones parlent de « fight or flight ». Ainsi, en cas de stress se produisent de multiples réactions nous mettant en état d'alerte : sécrétion de catécholamines (adrénaline et noradrénaline notamment), accélération des battements cardiaques et de la fréquence respiratoire, mise au calme de la digestion se ralentit et le système musculaire se prépare à l'effort (mise à disposition des nutriments, dilatation capillaire…). Cependant, le stress devient trop souvent excessif multipliant alors le risque de certaines pathologies (dépression, maladies cardiovasculaires, surpoids, céphalées, anxiété…).

De multiples méthodes permettent de lutter contre le stress (relaxation, cohérence cardiaque, sport, médicaments…). Les Japonais en ont une particulièrement intéressante et tout à fait en accord avec l'esprit « Paléofit » : le « bain de forêt » aussi appelée « shinrin-yoku » en japonais, « forest bathing » ou « forest therapy » en anglais.

Cette escapade santé en nature fait l'objet d'une grande attention dans le monde la recherche (au Japon notamment) au point de voir les études se multiplier.  

Quels sont les bénéfices du « bain de forêt » ?

Les études scientifiques parues sur le shirin-yoku suggèrent de nombreux effets biologiques et physiologiques bénéfiques :

·         La pratique du bain de forêt pourrait diminuer le stress mesuré par le dosage du cortisol salivaire (baisse de 13.4% après simple observation d'une forêt et de 15.8% après marche en foret comparativement à même activité effectuée en ville) (9, 11). Adrénaline et noradrénaline, témoignant du stress également, pourraient être abaissées par ces bains de forêt (5).

·         La fréquence cardiaque pourrait être diminuée de 3.9 % après marche en forêt par rapport à après marche en ville. La simple observation d'une forêt pourrait favoriser une baisse de 6% de la fréquence cardiaque (11).

·         La tension artérielle pourrait baisser, elle aussi, dans de telles conditions (-1.07% après observation et -1.9% après marche) (9, 11).

·         L'équilibre système sympathique - système para sympathique pourrait lui aussi être modulé par les bains de forêt. Rappelons que le système sympathique met l'organisme en éveil (fight or flight) et le système parasympathique le calme (baisse de la fréquence cardiaque, de la fréquence respiratoire, stimulation de la digestion…). Un bon équilibre de ces systèmes est donc nécessaire. L'équilibre de ces systèmes mesuré par analyse de la variabilité de fréquence cardiaque montre une baisse de l'activité sympathique et une augmentation de l'activité parasympathique après observation d'une forêt et encore plus après marche en forêt (11).

·         Le système immunitaire pourrait être boosté notamment grâce à la majoration des cellules NK (Natural Killer) qui ont de propriétés antivirales et anticancer (3, 5, 6). Cet effet marqué dès le début (+56%) pourrait durer jusqu'à 1 mois (+23% à 1 mois) (3).

·         La sécrétion de DHEA (une pro hormone antivieillissement) pourrait être accrue par les bains de forêt (7).

·         Les balades en forêt pourraient minorer l'inflammation chronique dont on connaît les effets dévastateurs (8). 

·         Même la glycémie chez le diabétique de type 2 (non insulinodépendant) verrait ses taux améliorés par de telles activités (10).

·         Le bien-être psychologique est bien évidement amélioré par ces escapades forestières. Ainsi, les symptômes du stress et de la dépression peuvent être atténués tandis que la vitalité peut être accrue (11). Ce ne serait pas sans bénéfice pour la qualité du sommeil.

·         Enfin, il se pourrait que cela agisse également en limitant les douleurs rhumatologiques (2)

Comment expliquer ces bienfaits ?

Autant de bénéfices physiologiques, biochimiques et psychologiques par une simple promenade dans les bois ? Cela paraît miraculeux ! Comment expliquer tous ces bénéfices ?

Tout d'abord n'oublions pas que nos ancêtres ont vécus dans un tel environnement durant des dizaines de milliers d'années. Nous y sommes donc adaptés (tout au moins notre organisme !) et cela pourrait expliquer notre sensibilité aux forêts.

Plutôt qu'un mécanisme unique expliquant les bienfaits des bains de forêt, il s'agit bien plus probablement d'une complémentarité de plusieurs éléments : 

·         Une méta-analyse suggère des mécanismes complexes puisque les bénéfices pourraient être reproduits évidement en se promenant dans les bois mais aussi grâce au toucher, à l'odorat et à l'écoute (9, 12). Les effets sont quasi comparables que l'on marche en forêt ou que l'on soit juste assis en forêt (11).

·         Un des mécanismes les plus étudiés est la présence de phytoncides. Ces phytoncides sont des huiles essentielles émises par les arbres pour se protéger et ont des propriétés bactéricides et fongicides (5, 12). Chez l'homme une relation directe a été retrouvée entre phytoncides et certains bénéfices remarqués lors des bains de forêt (diminution des catécholamines, accroissement du nombre de cellules NK et des protéines anticancer. Pour cela les chercheurs avaient « enfermé » des personnes dans un hôtel durant la nuit et avaient diffusé des phytoncides avant d'observer ces modifications biologiques (5). Ainsi, plusieurs huiles essentielles ont démontré des vertus de ce genre (cédrol, limonène, pinène…).

·         D'autre substances sont pressenties notamment les ions négatifs qui sont bien plus élevés dans les forêts (4 fois plus) que dans les milieux urbains (8) et dont le rôle antidépresseur a été suggéré (1).

·         Enfin, n'oublions qu'en plein air, l'exposition solaire vous aide à fabriquer de la vitamine D (c'est l'un des raisons pour lesquelles dans « Paléofit » je vous encourage à vous exercer dehors). N'oublions pas non plus que la pollution est moindre dans les forêts tout comme la pollution sonore. Tout autant de facteur pouvant améliorer notre santé.

Le bain de forêt en pratique

·         15 min seraient suffisantes pour produire des effets (3) qui, nous l'avons vu, peuvent durer plusieurs semaines (3). Cependant, bien des études utilisent des escapades de 2-3 h.

·         Bien que les effets soient quasi similaires si l'on marche ou si l'on reste assis en forêt je vous encourage vivement à marcher. Cela sera bien plus agréable et évitera trop de temps de sédentarité.

·         Trouvez un endroit calme. Prenez le temps de vous immerger dans la forêt. Respirez, touchez, écoutez, arrêtez-vous, marchez à votre rythme…

·         Pratiquez régulièrement pour maintenir les bénéfices.

·         Rappelez-vous que les lois n°6 et n°7 de "Paléofit" vous encouragent à vous exercer en extérieur.

 

 

(1) Goel N, Terman M, Terman JS, Macchi MM, Stewart JW. Controlled trial of bright light and negative air ions for chronic depression. Psychol Med. 2005 Jul;35(7):945-55.

(2) Kang B, Kim T, Kim MJ, Lee KH, Choi S, Lee DH, Kim HR, Jun B, Park SY, Lee SJ, Park S. Relief of Chronic Posterior Neck Pain Depending on the Type of Forest Therapy: Comparison of the Therapeutic Effect of Forest Bathing Alone Versus Forest Bathing With Exercise. Ann Rehabil Med. 2015 Dec;39(6):957-63.

(3) Li Q. Effect of forest bathing trips on human immune function. Environ Health Prev Med. 2010 Jan; 15(1): 9–17.

(4) Li Q, Kawada T. Possibility of clinical applications of forest medicine. Nihon Eiseigaku Zasshi. 2014;69(2):117-21.

(5) Li Q, Kobayashi M, Wakayama Y, Inagaki H, Katsumata M, Hirata Y, Hirata K, Shimizu T, Kawada T, Park BJ, Ohira T, Kagawa T, Miyazaki Y. Effect of phytoncide from trees on human natural killer cell function. Int J Immunopathol Pharmacol. 2009 Oct-Dec;22(4):951-9.

(6) Li Q, Morimoto K, Kobayashi M, Inagaki H, Katsumata M, Hirata Y, Hirata K, Suzuki H, Li YJ, Wakayama Y, Kawada T, Park BJ, Ohira T, Matsui N, Kagawa T, Miyazaki Y, Krensky AM. Visiting a forest, but not a city, increases human natural killer activity and expression of anti-cancer proteins. Int J Immunopathol Pharmacol. 2008 Jan-Mar;21(1):117-27.

(7) Li Q, Otsuka T, Kobayashi M, Wakayama Y, Inagaki H, Katsumata M, Hirata Y, Li Y, Hirata K, Shimizu T, Suzuki H, Kawada T, Kagawa T. Acute effects of walking in forest environments on cardiovascular and metabolic parameters. Eur J Appl Physiol. 2011 Nov;111(11):2845-53.

(8) Mao GX, Cao YB, Lan XG, He ZH, Chen ZM, Wang YZ, Hu XL, Lv YD, Wang GF, Yan J. Therapeutic effect of forest bathing on human hypertension in the elderly. J Cardiol. 2012 Dec;60(6):495-502.

(9) Miyazaki Y, Ikei H, Song C. Forest medicine research in Japan. Nihon Eiseigaku Zasshi. 2014;69(2):122-35.

(10) Ohtsuka Y, Yabunaka N, Takayama S. Shinrin-yoku (forest-air bathing and walking) effectively decreases blood glucose levels in diabetic patients. Int J Biometeorol. 1998 Feb;41(3):125-7.

(11) Park BJ, Tsunetsugu Y, Kasetani T, Kagawa T, Miyazaki Y. The physiological effects of Shinrin-yoku (taking in the forest atmosphere or forest bathing): evidence from field experiments in 24 forests across Japan. Environ Health Prev Med. 2010 Jan;15(1):18-26.

(12) Tsunetsugu Y, Park BJ, Miyazaki Y. Trends in research related to “Shinrin-yoku” (taking in the forest atmosphere or forest bathing) in Japan. Environ Health Prev Med. 2010 Jan; 15(1): 27–37.

Auteur

Fabrice Kuhn

Médecin généraliste, médecin du sport

Fabrice Kuhn est médecin du sport, rédacteur pour "Jogging International", auteur et conférencier. Athlète accompli, il est finisher des championnats du monde Ironman à Hawaii et du marathon des sables. Enseignant au DU d’expertise en course à pied de l’université de Poitiers, il a également été le médecin de l’équipe de France d’haltérophilie.

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