Cyclistes et triathlètes, musclez vos performances !

Cyclistes et triathlètes, musclez vos performances !

La plupart des cyclistes désirent maximiser leurs performances. Pour cela, ils vont éventuellement chercher à améliorer leur alimentation et ils ont bien raison ! Cependant d’autres pistes sont aussi à explorer. Parmi celles-ci, certains vont miser sur le matériel (roues, cadre, transmission…) et ça coûte cher ! D’autres vont chercher à parfaire leur entraînement soit en améliorant la qualité des séances d’entraînement (mais c’est trop rare), soit en augmentant le nombre d’heures passées sur le vélo. Très peu vont s’orienter vers la musculation.

Parmi les arguments des cyclistes opposés à la musculation se trouvent le manque de spécificité (« pour progresser à vélo, il faut faire du vélo ! »), le manque de temps, le risque de prise de poids (« tout kilo supplémentaire même musculaire devra être transporté»).

Nous allons donc profiter d’une revue de littérature parue en 2013 (1) pour faire le point sur l’intérêt de la musculation pour le cycliste.

Effets sur les indicateurs de la performance

Les études comparant les effets de la musculation sur la consommation maximale d’oxygène (VO2max) ne mettent pas en évidence de différence entre un entraînement uniquement en endurance et un entraînement mixte (endurance et force). Même si l’entraînement en force ne permet pas d’augmentation de la VO2max, il n’engendre pas non plus de diminution.

En ce qui concerne, l’économie d’exercice (c'est-à-dire la consommation d’oxygène pour une intensité d’effort donnée), les effets d’un entraînement en force sont contrastés. Certaines études ne montrent pas de modification de l’économie d’exercice après entraînement en force et d’autres montrent une légère amélioration. Les études montrant une amélioration ont été faites selon des protocoles différents et inhabituels (le protocole habituel est un effort de 3 à 5 mn sous-maximal) ou chez des sportifs moins performants. Quoiqu’il en soit, l’entraînement en force n’a pas occasionné d’effets négatifs.

À propos du seuil lactique, les résultats sont encore une fois contrastés avec parfois des améliorations de la puissance au seuil et parfois une absence d’effet. Donc l’entraînement en force n’a pas réduit la puissance au seuil.

La puissance aérobie maximale (résultat d’une combinaison VO2max, économie d’exercice, qualités musculaires et capacité anaérobie) peut être améliorée par l’ajout de sessions d’entraînement en force à un entraînement en endurance classique. Cette puissance peut améliorer les performances en permettant de se sortir d’un groupe, d’accélérer lors d’un sprint, de faire un démarrage rapide… Cependant ce gain n’est observé que lorsque la force est travaillée avec des charges maximales et non lorsque l’entraînement repose sur de la plyométrie.

Effets sur la performance

Encore une fois les résultats sont contrastés. Cependant, lors des études au cours desquelles les cyclistes ont suivi des programmes d’entraînement avec charges maximales, les performances ont été améliorées (lors d’un contre la montre de 30 à 60 mn ou bien lors d’un sprint final de 5 mn après 3 h d’effort). A l’opposé, les cyclistes ayant suivis des programmes d’entraînement par plyométrie ou bien ceux qui ont suivi des protocoles trop courts n’ont pas vu d’amélioration de leurs performances.

Quels sont les mécanismes qui peuvent expliquer les effets bénéfiques d’un entraînement en force maximale ?

Plusieurs hypothèses sont évoquées pour expliquer ces effets bénéfiques de l’entrainement en force maximale chez le cycliste :

- Adaptation des fibres musculaires. Rappelons qu’il existe plusieurs types de fibres musculaires : les fibres  de type 1 (fibres lentes adaptées à l’effort aérobie), les fibres 2B (fibres rapides pour les efforts très brefs de moins de quelques secondes) et les fibres 2A (intermédiaires).

  • L’entraînement en force pourrait accroître la force et l’endurance des fibres de type 1 permettant de retarder l’intervention de fibres de type 2 plus fatigables.
  • L’entraînement pourrait permettre d’accroître le nombre de fibres 2A au détriment des fibres 2B, les fibres 2A étant moins fatigables que les fibres 2B tout en restant puissantes.

- Accroissement de la force maximale notamment en raison d’un meilleur recrutement neuromusculaire. D’un côté cela améliore l’économie d’exercice. De l’autre côté cela peut permettre d'atteindre une même intensité d'exercice à un niveau de contraction moindre ce qui favorise la circulation sanguine intra-musculaire.

L’entraînement en force peut-il avoir des effets négatifs sur la performance ?

La prise de poids est le premier risque qui est envisagé par de nombreux sportifs car pensent-ils, tout poids excédentaire peut devenir un fardeau. Toutes les études s’accordent pour montrer l’absence de prise de poids après ajout de séances de musculation chez les sportifs d’endurance. En effet, l’entraînement en endurance favorise des modifications moléculaires qui vont supprimer la synthèse de protéines musculaires qui devrait suivre un entrainement en force.

Aucune baisse de la VO2max et aucune baisse du seuil lactique n’ont été observées. La capillarisation musculaire n’a pas subi de diminution.

En pratique que conseiller au cycliste ?

Le cycliste en recherche de performance (ou de bien-être) peut ajouter des séances de développement de la force maximale en plus de l’entraînement habituel ou en remplacement d’un peu d’entraînement habituel. Cependant, il ne doit pas abandonner l’entraînement en endurance afin de maintenir ses qualités (VO2max, seuil, économie d’exercice) et de réduire le risque de prendre trop de poids. Les exercices de musculation utilisés devront être proche du geste de pédalage (demi-squats par exemple (2)). Pour construire son entraînement de force, il faudra suivre 3 phases consécutives :

- Une phase d’apprentissage du geste technique et montée en charge progressive sur une durée de 2 à 3 semaines.

- Une phase de développement de la force maximale d’au moins 8 semaines et si possible 12 semaines. Cette phase aura lieu avant la période compétitive (l’hiver est tout à fait adapté à cela).

  • 2 à 3 séances par semaines.
  • 2 à 4 séries avec 2-3 mn de repos entre chaque série.
  • Charges proches du maximum : entre 4 RM et 10 RM (4 RM = poids maximal que l’on peut soulever 4 fois).

- Une phase de maintien de la force maximale durant la période compétitive : une séance par semaine.

En conclusion

L’ajout de séances de musculation afin de développer la force maximale chez le cycliste peut apporter des bénéfices sur la performance si l’entraînement en force est couplé à un entraînement en endurance. Pour les cyclistes amateurs, il faut savoir qu’un entraînement en force peut être utile notamment parce qu’il permet de lutter contre la fonte musculaire liée au vieillissement (sarcopénie).

Un programme bien construit sur plusieurs semaines est nécessaire et doit être réalisé après un apprentissage technique. La principale contrainte est l’utilisation de charges maximales et donc le recours quasi obligatoire à du matériel de musculation lourd (en salle par exemple).

Personnellement, pour l’avoir utilisé cette année, je confirme que cela peut améliorer les performances sans prise de poids et sans altération de la VO2max. En outre, il est parfois bien agréable de varier les types d’entraînement. Et il est bien agréable de faire une séance de musculation bien au chaud quand le temps est vraiment trop mauvais plutôt que de sortir le vélo ! D’ailleurs réaliser la phase de développement de la force l’hiver est tout à fait judicieux afin de tendre vers un peu plus de spécificité lorsque la belle saison approche (saison des compétitions et saison où le climat est plus agréable).

Références

(1) Rønnestad BR, Mujika I. Optimizing strength training for running and cycling endurance performance: A review. Scand J Med Sci Sports. 2013 Aug 5.

(2) Sunde A. Storen O. Bjerkaas M. Larsen MH. Helgerud J. Maximal strength training improves cyckling economy in competitive cyclists. J Strenght Cond Res. 2010 Aug; 24(8):2157-65.

Auteur

Fabrice Kuhn

Médecin généraliste, médecin du sport

Fabrice Kuhn est médecin du sport, rédacteur pour "Jogging International", auteur et conférencier. Athlète accompli, il est finisher des championnats du monde Ironman à Hawaii et du marathon des sables. Enseignant au DU d’expertise en course à pied de l’université de Poitiers, il a également été le médecin de l’équipe de France d’haltérophilie.

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