Vous le savez, la chaleur complique les efforts sportifs. D'ailleurs, les performances en endurance sont altérées sous la chaleur. En outre, si les performances sportives sont en danger dans de telles conditions, la santé l'est aussi en raison du risque d'hyperthermie maligne d'effort et de déshydratation. En ce qui concerne l'hyperthermie, plusieurs facteurs de risque coexistent : conditions chaudes et humides, vêtements inappropriés, manque d'acclimatation à la chaleur, manque d’entraînement, haute intensité d'effort, surpoids…
Il faut savoir qu'à l'effort la température corporelle monte rapidement. En effet, seules 25% des calories produites à partir des glucides et des lipides sont réellement utilisées pour mobiliser les muscles alors que les 75% restant sont perdues et dispersées sous forme de chaleur. Ces calories dispersées élèvent rapidement la température corporelle. Heureusement, nous disposons d'un système d'évacuation de cette chaleur excédentaire efficace grâce à notre peau (transpiration notamment). Mais ce mécanisme est freiné lorsqu'il fait chaud et humide.
Cependant, cette dispersion calorique ne serait pas le seul mécanisme participant à l'élévation de la température corporelle à l'effort. En effet, plusieurs molécules sécrétées par l'organisme auraient un effet pyrogène (qui fait augmenter la chaleur). Parmi celles-ci se trouvent des molécules pro-inflammatoire comme IL6 (interleukine 6) et TNF-α. D'ailleurs, vous avez déjà constaté la fièvre qui accompagne la réaction inflammatoire que nous déclenchons en réponse à une infection. Or, un effort musculaire majore la sécrétion de ces molécules et cette majoration est décuplée lorsque l'effort entraîne des dégâts musculaires conséquents. Y aurait-il un rapport direct entre l'hyperthermie d'effort et effort musculaire ?
Les effets des dégâts musculaires sur la tolérance à la chaleur
Afin d'analyser ce phénomène des chercheurs se sont intéressés au cas de 13 sportifs (hommes) non acclimatés à la chaleur et non entraînés aux efforts excentriques dont on connaît la propension à provoquer des dégâts musculaires (course en descente comprise) (1).
Il s'agissait de comparer la tolérance à la chaleur après un effort entraidant des dégâts musculaires et après un effort moins traumatisant servant de contrôle.
Pour cela, ils ont réalisé des tests de stress thermique 30 min et 24 h après 1 h de course à pied sur tapis à une intensité de 65% de VO2max à -10 % d'inclinaison (condition favorisant les dégâts musculaires) et après 1 h de course à pied sur tapis à une intensité de 65% de VO2max à +1% (conditions de contrôle). Chaque sportif réalisait ces deux épreuves à 14 jours d'intervalle et dans un ordre aléatoire.
Chacun subissait donc 4 épreuves de stress thermique : 30 min (HS1) et 24 h (HS2) après un effort traumatisant et 30 min (HS1) et 24h (HS2) après un effort contrôle. Ces tests de stress thermique se déroulaient sous la forme d'une course sur tapis (inclinaison +1%) durant 40 min à une vitesse équivalent à 65% de VO2 max avec une température extérieure de 33°C et une humidité de 50%.
Plusieurs variables étaient alors analysées afin de comprendre la tolérance de l'organisme: température rectale, température cutanée, fréquence cardiaque, taux de transpiration et deux indices subjectifs (sensation de chaleur et RPE*).
Avant tout, le dosage d'enzymes musculaires (CK) plus élevées après l'effort à -10% d'inclinaison comparativement à celui réalisé à +1% confirmait bien le caractère traumatisant de cet effort en descente. D'ailleurs les sensations douloureuses après la course abondaient dans le même sens.
La température rectale, qui témoigne fidèlement de la température corporelle, était plus élevée à la fin de l'effort excentrique (course en descente) qu'à la fin de l'effort sur le plat. Alors qu'au moment de commencer le premier test de stress thermique (30 min après le premier effort) la différence était gommée permettant ainsi aux sportifs de débuter l'épreuve de stress thermique avec une température identique.
Lors du premier test de stress thermique la température rectale, initialement identique, s'élevait quelque soit l'effort réalisé auparavant mais l'élévation était plus marquée après l'effort excentrique (+0.5°C). Au cours du deuxième test (à 24 h), une différence moins marquée était constatée.
Aucun effet sur le volume plasmatique n'a été noté.
La fréquence cardiaque moyenne lors des épreuves de stress thermique (HS1 et HS2) était plus élevée après l'effort excentrique.
Les sensations subjectives d'intensité d'effort (RPE) et de chaleur témoignaient d'un effort perçu comme plus exigeant lors des épreuves de stress thermique réalisées après la course en descente.
Au niveau biologique, IL6 était plus élevé 30 min après la course en descente qu'après la course sur le plat et la température rectale était corrélée aux taux d'IL6 après le test de stress thermique réalisé 30 min après l'effort. Par contre 24 h après l'effort initial, l'élévation d'IL6 avait disparu.
Première conclusion : l'inflammation contribue à l'hyperthermie
Cette étude suggère donc que les molécules inflammatoires endogènes et leurs effets pyrogènes pourraient bien participer à l'élévation de la température corporelle lors d'un effort. Ainsi, maîtriser cette inflammation pourrait aider à limiter l'élévation de la température corporelle à l'effort et à limiter les risques qu'il en résulte (hyperthermie maligne, baisse des performances). Serait-il possible qu'une alimentation riche en molécules « anti-inflammatoires » (oméga-3, ail, curcuma….) aide à limiter l'élévation corporelle excessive ? D'ailleurs je vous avais déjà parlé dans un article précédent des bienfaits des aliments anti-inflammatoires sur la prévention des courbatures.
Attention toutefois à ne pas vous ruer sur les médicaments (anti-inflammatoires non stéroïdiens) dont les inconvénients seraient supérieurs aux avantages recherchés dans cette utilisation !
Deuxième conclusion: faites attention
Cette étude devrait pousser les sportifs réalisant des efforts longs excentriques et sous la chaleur (je pense à particulier à mes amis traileurs !) à tenir compte de ce phénomène en contrôlant l'intensité d'effort en descente, à penser à bien gérer la chaleur (vêtements, refroidissement par humidification…)…
Hyperthermie et plyométrie
Mais cette équipe de chercheurs ne s'est pas arrêtée là puisque vient de paraître une nouvelle étude (2) suivant exactement le même protocole à une différence près. Lors de cette étude plus récente les sportifs ayant réalisé la course en descente recommençaient la même épreuve en descente 14 jours plus tard au lieu de faire la course de contrôle sur le plat. Les sportifs ayant couru sur le plat recourraient sur le plat 14 jours plus tard et gardaient ainsi le rôle de groupe contrôle. 30 min après ces efforts les sportifs subissaient une épreuve de stress thermique. Le but de cette seconde étude était d'étudier l'impact de la répétition (entraînement) d'une contrainte excentrique sur la sécrétion de molécules pro-inflammatoires et les conséquences sur la tolérance à la chaleur.
Le bénéfice musculaire de l’entraînement était confirmé par l'absence de baisse la force des quadriceps 48 h après la deuxième épreuve alors que leur force était diminuée de 7.5 % 48 h après le premier test.
En ce qui concerne la tolérance à la chaleur, une moindre élévation de la température rectale était constatée lors des tests de stress thermique suivant la deuxième épreuve (-0.24°C) comparativement à ceux réalisés après la première épreuve. Le groupe contrôle, quant à lui, ne voyait pas de différence entre les deux épreuves.
La tolérance subjective de la chaleur était, elle aussi, améliorée après la deuxième épreuve.
L’entraînement excentrique (plyométrie) pourrait donc diminuer le risque d'hyperthermie et pourrait aussi impacter positivement les performances.
Les bénéfices de la musculation, et en particulier la plyométrie (sauts), pour le coureur de longues distances (et surtout le coureur de trail) ne se limiterait pas à favoriser l'économie de course, améliorer la VMA.
*RPE: rating of perceveid exertion, indice subjectif assez fiable permettant de quantifier l'intensité d'effort.
(1) Fortes MB, Di Felice U, Dolci A, Junglee NA, Crockford MJ, West L, Hillier-Smith R, Macdonald JH, Walsh NP. Muscle-damaging exercise increases heat strain during subsequent exercise heat stress. Med Sci Sports Exerc. 2013 Oct;45(10):1915-24.
(2) Dolci A, Fortes MB, Walker FS, Haq A, Riddle T, Walsh NP. Repeated muscle damage blunts the increase in heat strain during subsequent exercise heat stress. Eur J Appl Physiol. 2015 Mar 4.