Gérer le sommeil à l'approche d'une compétition

Gérer le sommeil à l'approche d'une compétition

Dernière nuit avant la compétition, vous vous couchez de bonne heure pour être frais. Mais la compétition approche et le stress se fait d eplus en plus présent. Le sommeil ne vient pas immédiatement. Vous tournez dans votre lit. L'angoisse de passer une nuit blanche monte au fur et à mesure que la nuit avance. Allez-vous réussir à dormir ? Quelles vont être vos performances sur la compétition si vous ne dormez pas ? Et le cercle vicieux est lancé, vous ruminez vos angoisses…

Ce sentiment de difficulté à trouver le sommeil lors de la nuit précédent une compétition est retrouvé dans plusieurs études. Une étude parue en 2014 (5) met en évidence une réduction de presque une heure du sommeil lors de cette dernière nuit avant une compétition chez des cyclistes. Lors d'une autre étude chez 632 sportifs allemands (3), 65.8% (surtout des pratiquants de sports individuels) déclarent avoir déjà eu des difficultés à dormir avant une compétition. Les causes évoquées par les sportifs dans cette étude sont principalement le stress de la compétition.

Un pourcentage similaire (64%) est retrouvé dans une étude (4) sur 283 sportifs australiens. Tout comme lors de l'étude précédente, le problème principal était les difficultés d'endormissement et la cause principale, le stress de la compétition.

Privation complète de sommeil

Quelques études sur les performances après privation complète de sommeil existent et ne mettent pas en évidence de baisse des performances pour les efforts anaérobies (haltérophilie (1) et effort anaérobie à vélo (11)) lorsque les privations de sommeil ne dépassent pas 24h. Après 36h de privation de sommeil, les performances sont diminuées.

En ce qui concerne les performances en endurance, elles sont diminuées après une nuit sans sommeil comme le montre une étude de 2009 (7). Lors de cette étude des coureurs ont parcouru un peu moins de distance sur un contre-la-montre de 30 min lorsqu'ils avaient été privés de sommeil durant une nuit complète. Les auteurs, ne notant pas de modifications des paramètres physiologiques, mettaient en cause une augmentation de la perception de l'effort après déficit complet de sommeil. Une autre étude (12) réalisée sur des sports d'équipe montrait que la privation de complète de sommeil pouvait altérer les performances lors de la répétition de sprints, diminuer les réserves glycogéniques musculaires, réduire la force maximale et augmenter la perception de l'effort.

Cependant, ces études sont bien loin de la réalité. En effet, on imagine mal un athlète se priver totalement de sommeil avant une compétition !

Privation partielle de sommeil

Quelques études se sont approchées des conditions plus habituelles de déficit partiel de sommeil comme on peut rencontrer la nuit précédant une compétition.

Lors d'une étude (8), une seule de nuit de restriction de sommeil ne provoquait pas d'altération de la force musculaire ou bien des performances en course à pied d'endurance.

Des nageurs privés de 2h30 de sommeil durant quatre nuits consécutives n'ont pas vus leur force, leur capacité respiratoire ni leurs performances en natation diminuer (10). Seule leur humeur s'est détériorée alors que la sensation de fatigue s'est accrue.

Lors de l'étude allemande déjà citée (3), la plupart des athlètes sujets à des troubles d'endormissement avant une compétition ne ressentaient pas d'altération de leurs performances après une nuit difficile. Cependant, quelques-uns voyaient leurs performances diminuées.

Effet d'un accroissement de la durée de sommeil

Une étude parue en 2011 (2) a analysé les performances de basketteurs après cinq à sept semaines où les sportifs ont vu leur sommeil majoré en suivant l'obligation de rester au moins 10h au lit. Cette majoration de la quantité de sommeil leur a permis d’améliorer leurs performances (shoots, sprints) mais aussi leur bien-être. La fatigue a, quant à elle, été diminuée.

Une autre étude de la même équipe (6) a mis en évidence une amélioration des performances (15 m sprint, temps de réaction) et de l'humeur dans les mêmes conditions mais chez des nageurs.

Est-ce transmissible à l'endurance ? Est-ce seulement une amélioration car on a simplement obligé des sportifs à répondre à un besoin physiologique ?

Et la sieste ?

Une étude (13) a montré qu'une sieste de 30 mn juste après le déjeuner permet d'améliorer les performances en sprint chez des athlètes partiellement privés de sommeil.

En conclusion

Si vous dormez mal la dernière nuit (mais seulement la dernière nuit) avant une compétition, vos performances ne risquent pas grand-chose. Ne vous stressez donc pas si vous avez du mal à trouver le sommeil (le stress à ce sujet vous ferait entrer dans un cercle vicieux en vous empêchant de vous endormir).

Le risque de baisse des performances est limité :

  • Si vous dormez au moins un peu lors de la nuit précédent une compétition (la privation complète de sommeil est tout de même exceptionnelle si vous allez au lit).
  • Si vous évitez de vous priver de sommeil (même partiellement) lors de plusieurs nuits d'affilée.
  • Si vous faites la sieste lors des derniers jours pour récupérer le manque de sommeil de votre vie quotidienne.

Vous pouvez même tenter de vous mettre en forme optimale en majorant votre sommeil, soit en vous obligeant à rester au lit plus longtemps que d'habitude, soit en faisant la sieste soit les deux.

La veille de la compétition :

  • Ne stressez pas si vous avez du mal à vous endormir.
  • Même si vous avez du mal à vous endormir, restez au lit, vous vous reposez quand même.
  • Faites la sieste si c'est possible.
  • Ne mangez pas trop tard.
  • Ne regardez pas la télévision ou un écran d'ordinateur (la lumière de ces écrans est perturbante pour le sommeil).
  • Relaxez-vous.

Références

(1) Blumert PA, Crum AJ, Ernsting M, et al. The acute effects of twenty-four hours of sleep loss on the performance of national-caliber male collegiate weightlifters. J Strength Cond Res. 2007;21(4):1146–1154.

(2) Cheri D. Mah, MS,Kenneth E. Mah, MD, MS,Eric J. Kezirian, MD, MPH, and William C. Dement, MD, PhD. The Effects of Sleep Extension on the Athletic Performance of Collegiate Basketball Players. Sleep. Jul 1, 2011; 34(7): 943–950.

(3) Erlacher D, Ehrlenspiel F, Adegbesan OA, El-Din HG. Sleep habits in German athletes before important competitions or games. J Sports Sci. 2011 May;29(8):859-66.

(4) Juliff LE, Halson SL, Peiffer JJ. Understanding sleep disturbance in athletes prior to important competitions. J Sci Med Sport. 2014 Feb 13. pii: S1440-2440(14)00035-8.

(5) Lastella M, Roach GD, Halson SL, Martin DT, West NP, Sargent C. Sleep/wake behaviour of endurance cyclists before and during competition. J Sports Sci. 2014 Aug 8:1-7.

(6) Mah C (eds) Extended sleep and the effects on mood and athletic performance in collegiate swimmers. Annual Meeting of the Associated Professional Sleep Societies; 9 Jun 2008.

(7) Oliver SJ, Costa RJ, Laing SJ, et al. One night of sleep deprivation decreases treadmill endurance performance. Eur J Appl Physiol. 2009;107(2):155–161.

(8) Reilly T, Deykin T. Effects of partial sleep loss on subjective states, psychomotor and physical performance tests. J Hum Mov Stud. 1983;9:157–170.

(9) Shona L. Halson. Sleep in Elite Athletes and Nutritional Interventions to Enhance Sleep. Sports Med. 2014; 44: 13–23.

(10) Sinnerton S, Reilly T. Effects of sleep loss and time of day in swimmers. In: Maclaren D, Reilly T, Lees A, editors. Biomechanics and medicine in swimming: swimming science IV. London: E and F.N Spon; 1992. pp. 399–405.

(11) Souissi N, Sesboüé B, Gauthier A, Larue J, Davenne D. Effects of one night's sleep deprivation on anaerobic performance the following day. Eur J Appl Physiol. 2003 May; 89(3-4):359-66.

(12) Skein M, Duffield R, Edge J, Short MJ, Mündel T. Intermittent-sprint performance and muscle glycogen after 30 h of sleep deprivation. Med Sci Sports Exerc. 2011 Jul; 43(7):1301-11.

(13) Waterhouse J, Atkinson G, Edwards B, Reilly T. The role of a short post-lunch nap in improving cognitive, motor, and sprint performance in participants with partial sleep deprivation. J Sports Sci. 2007 Dec; 25(14):1557-66.

 

Auteur

Fabrice Kuhn

Médecin généraliste, médecin du sport

Fabrice Kuhn est médecin du sport, rédacteur pour "Jogging International", auteur et conférencier. Athlète accompli, il est finisher des championnats du monde Ironman à Hawaii et du marathon des sables. Enseignant au DU d’expertise en course à pied de l’université de Poitiers, il a également été le médecin de l’équipe de France d’haltérophilie.

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