Les troubles digestifs du sportif

Les troubles digestifs du sportif

Vous le savez, soit parce que vous en avez entendu parler, soit parce que vous avez été vous-même atteint, les troubles digestifs sont très fréquents notamment chez les sportifs d’endurance. Les sportifs les plus exposés sont les participants aux épreuves d’endurance et d’ultra-endurance : triathlons longues distances, ultratrails, marathon. En fonction du type d’épreuve, des symptômes retenus et de l’intensité de ces symptômes, la prévalence des troubles digestifs peut atteindre 30 à 90 % des athlètes !

Les plaintes digestives, aux conséquences mineures la plupart du temps, peuvent devenir parfois franchement handicapantes au point de gêner les performances voire même conduire à l’abandon. Elles peuvent aussi avoir des conséquences dramatiques malheureusement.
Les plaintes digestives des sportifs sont plus ou moins intenses et variées (vomissements, nausées, douleurs abdominales, diarrhées sanglantes ou non). Il peut y a voir des saignements digestifs microscopiques (ce qui est fréquent chez les coureurs) et exceptionnellement des hémorragies digestives massives.

Les conséquences de ces troubles digestifs sont souvent anodines mais elles représentent une des causes majeures d’abandons sur les épreuves d’ultra-endurance. C’est ce que confirme une étude parue en 2014 (1) faite sur plusieurs épreuves d’ultratrail longues (161 à 168 km) de 2013 :
-  Ultratrail du Mont-Blanc (UTMB pour les intimes et épreuve majeure de l’étude avec 2469 coureurs),
- Leadville trail 100 (Colorado, Etats-Unis)
- Western states 100-mile endurance run (Californie, Etats-Unis)
Parmi les 4110 coureurs présents au départ sur l’ensemble des trois courses, 52% (Leadville trail) à 72% (Western states endurance run) ont fini la course (68% pour l’UTMB). Sur les 2794 (69%) des athlètes ayant rempli le questionnaire d’avant course, 18.3% avaient échoué sur une épreuve identique lors de l’année précédente. Principales raisons invoquées : les nausées et/ou vomissements (16.5% des causes d’abandon), l’impossibilité de tenir les barrières horaires (23.1%) et l’apparition d’une blessure durant la course (16.5%).
Les auteurs de la revue de littérature envisagent une susceptibilité génétique de certains athlètes (il existerait des gènes qui prédisposent les individus aux troubles digestifs).

Quant aux causes de ces troubles digestifs, elles sont multiples et souvent associées. Les troubles digestifs peuvent être :

  • une conséquence directe de l’effort sur la fonction digestive (causes fonctionnelles), avec notamment une augmentation de la perméabilité intestinale (due à une moindre perfusion sanguine de l'instestin à cause de l'effort) et une altération de la mobilité digestive
  • le résultat d’un effet mécanique (causes mécaniques), à cause des chocs subis par le tractus digestif au cours de l’effort et de la posture durant l’effort
  • en lien avec l’alimentation (causes nutritionnelles),  par exemple à cause de l'ingestion importante de fibres ou de fructose et en particulier de grandes quantités de glucides  à l'effort.


Quelles solutions pour éviter les troubles digestifs ?

  • Bien choisir ses aliments avant l’effort en limitant les fibres, en limitant les graisses juste avant une compétition (voire même les jours précédents pour les sportifs les plus fragiles).
  • Eviter les repas trop conséquents juste avant un effort ou même la veille d’une compétition.
  • Eviter la pasta-party la veille d’une compétition et la préférer l’avant-veille.
  • Respecter un intervalle de 2 à 3 h entre le dernier repas et l’effort.
  • Bien mâcher lors des repas mais aussi lors des efforts.
  • Boire durant l’effort. De l’eau ou une boisson de l’effort pour les courtes distances. Une boisson de l’effort pour les longues distances.
  • Bien choisir sa boisson de l’effort : isotonique, associant plusieurs sources de glucides (maltodextrine et fructose ou glucose et fructose ou maltodextrine, glucose et fructose), en évitant les trop grandes concentrations en fructose.
  • Accompagner d’eau les aliments solides ingérés durant  l’effort.
  • Réduire l’intensité de l’effort de façon temporaire (ou prolongée) en cas de troubles digestifs de façon à améliorer la perfusion digestive.
  • S’habituer à s’alimenter durant l’effort. Cela permet de diminuer le risque de troubles digestifs à l’effort, notamment en compétition.
  • Eviter l’ingestion de trop grandes quantités de glucides à l’effort.
  • Eviter les anti-inflammatoires et l’aspirine responsables de saignements, d’un accroissement de la perméabilité intestinale.
  • Maintenir une bonne perfusion digestive en s’hydratant suffisamment et éventuellement en augmentant la production d’oxyde nitrique (NO) (lire encadré).

Plus de NO, moins de troubles digestifs
L’oxyde nitrique (NO) favorise la vasodilatation intestinale permettant ainsi un meilleur débit sanguin intestinal (2). L’effet vasodilatateur du NO est augmenté par l’effort. Il existe plusieurs façons d’augmenter la production d’oxyde nitrique.
- Parmi ces moyens figurent des compléments alimentaires en cours d’évaluation comme la glutamine, la citrulline et l’arginine. L’arginine est convertie en NO dans l’intestin mais est mal tolérée à fortes doses alors que la citrulline (précurseur de l’arginine) est mieux tolérée. La glutamine peut être convertie dans l’intestin en citrulline.
- Une autre façon d’augmenter la production de NO consiste à consommer des nitrates et des nitrites, le nitrate étant converti dans la bouche en nitrite par les bactéries (il faut donc bien mâcher !). Le nitrate sera ensuite converti en NO par l’acidité gastrique (conversion majorée en présence de vitamine C et de polyphénols). Les jus de légumes sont des bonnes sources de nitrates et nitrites et en plus ils contiennent de la vitamine C et des polyphénols. En outre, les nitrates peuvent améliorer les performances en dilatant les vaisseaux musculaires et en augmentant donc l’efficacité musculaire. Cet effet des nitrates sur la performance a été confirmé lors d’une étude (3) où des cyclistes ont amélioré leurs performances lors d’un contre la montre de 10 km après avoir bu 1/2 litre de jus de betterave rouge tous les jours durant 6 jours. Les aliments riches en nitrates sont les betteraves rouges, la salade, les épinards, les endives, le céleri, le fenouil, les poireaux, le chou chinois…

Références

(1) Khodaee M, Spittler J, Basset P, Vanbaak K, Hill J, San Millán I, Hoffman M. Reasons for inability to complete ultramarathons: a multicenter study. Br J Sports Med. 2014 Apr;48(7):618-9.
(2) Kim van Wijck , Kaatje Lenaerts , Joep Grootjans , Karolina A. P. Wijnands , Martijn Poeze , Luc J. C. van Loon , Cornelis H. C. Dejong , Wim A. Buurman. Physiology and pathophysiology of splanchnic hypoperfusion and intestinal injury during exercise: strategies for evaluation and prevention. American Journal of Physiology - Gastrointestinal and Liver Physiology. 15 July 2012Vol. 303no. G155-G168.
(3) Cermak NM, Gibala MJ, van Loon LJ. Nitrate supplementation's improvement of 10-km time-trial performance in trained cyclists. Int J Sport Nutr Exerc Metab. 2012 Feb;22(1):64-71.

Auteur

Fabrice Kuhn

Médecin généraliste, médecin du sport

Fabrice Kuhn est médecin du sport, rédacteur pour "Jogging International", auteur et conférencier. Athlète accompli, il est finisher des championnats du monde Ironman à Hawaii et du marathon des sables. Enseignant au DU d’expertise en course à pied de l’université de Poitiers, il a également été le médecin de l’équipe de France d’haltérophilie.

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