S'entraîner à pédaler en mode unijambiste pour progresser

S'entraîner à pédaler en mode unijambiste pour progresser

De nombreux paramètres interviennent et se cumulent pour atteindre la performance en cyclisme. Parmi ceux-ci, citons l'alimentation, les capacités cardio-respiratoires, des qualités musculaires et des qualités techniques. L'entraînement consiste alors à assembler au mieux les multiples pièces de ce puzzle afin de produire un résultat homogène.

 

L'entraînement à haute  intensité sous forme de fractionné permet d'améliorer grandement les qualités cardio-respiratoires (mais aussi musculaires). Cependant, la qualité et le bénéfice de cet entraînement peut rencontrer des limites. En effet, ce genre d'effort va dépendre des capacités centrales (cardiaques et pulmonaires), des capacités périphériques (musculaires et vasculaires) et psychologiques. L'un de ces paramètres peut se trouver un niveau en dessous de l'autre freinant ainsi l'exploitation des autres. Un exemple, il se peut que lorsque vous réalisiez du fractionné à vélo vos qualités cardio-respiratoires limitent votre effort sans approcher de vos limites périphériques (musculaires). Votre entraînement fractionné permettra alors d'améliorer vos capacités centrales mais le bénéfice musculaire sera moindre.

 

Quant aux qualités techniques, une méthode utilisée pour les améliorer est le pédalage unilatéral. Pédaler, ainsi, à une jambe va permettre d'apprendre à pédaler "rond" et à limiter les points morts. Votre pédalage deviendra peu à peu plus efficace.

 

Ne pourrions-nous pas utiliser cet exercice de pédalage unijambiste dans un autre but, celui d'améliorer les performances musculaires ? En effet, un effort réalisé sur une seule jambe diminuera la masse musculaire totale en action et, en conséquence, les besoins en oxygène. Les capacités cardio-respiratoires ne seraient, alors, plus un frein.

 

C'est la question que ce sont posé des chercheurs au travers d'une étude regroupant 9 cyclistes entraînés (59mL/kg/mn de VO2 max en moyenne et 302 km hebdomadaire en moyenne).

 

Les cyclistes suivaient deux périodes de 3 semaines d'intervention entrecoupées de 6 semaines d'entraînement habituel.

Durant l'une des périodes, ils réalisaient 6 séances de fractionné à une jambe (3 blocs de 4 min à vitesse maximale entrecoupés de 6 min de récupération active le tout sur une jambe avant de passer à l'autre jambe). Durant l'autre période, ils réalisaient 6 séances de fractionné à deux jambes (3 blocs de 4 min à vitesse maxi entrecoupés de 6 min de récupération active). Quelle que soit la période chaque jambe s'exerçait durant un temps similaire.

 

Lors des intervalles à haute intensité en mode unijambiste, la puissance développée atteignait  58.7% de celle développée lors des efforts à haute intensité à deux jambes. Ce qui conduisait à une quantité de travail total effectué par chaque jambe bien supérieure lors des entraînements unijambistes que lors des entraînements "normaux".

L'effort était perçu moins exigeant à une jambe (16 sur l'échelle RPE (échelle de 6 à 20) pour l'effort unilatéral contre 18 pour l'effort bilatéral). Les douleurs musculaires étaient similaires. La fréquence cardiaque moyenne était plus élevée lors du pédalage à deux jambes (91% de la fréquence cardiaque maximale) que lors du pédalage unilatéral (80% de la fréquence cardiaque maximale).

 

Afin d'analyser les modifications physiologiques, plusieurs tests de performance (avant et après chaque période de 3 semaines) et des biopsies musculaires étaient réalisées.

 

Les résultats étaient contrastés montrant, d'une part un bénéfice biochimique à cet entraînement unilatéral avec des modifications favorables à la performance et d'autre part une absence de bénéfice constaté lors des tests de performance.

 

En effet, plusieurs adaptations biochimiques constatées (majoration plus importante des taux de canaux transporteurs de glucose (GLUT 4) et majoration des capacités mitochondriales (les mitochondries sont les organites qui fabriquent l'énergie à partir du glucose et des lipides)) suggèrent un potentiel bénéfice sur les performances.

 

Malheureusement, la traduction sur les performances n'a pas été constatée puisque la puissance maximale aérobie ne différait pas de façon significative (malgré une tendance à être plus élevée après entrainement unilatéral qu'après entraînement classique). L'économie d'effort et l'efficacité de pédalage étaient comparables. Les temps sur contre-la-montre de 16,1 km étaient similaires.

 

Une intervention plus longue que ces deux semaines serait-elle plus profitable et amènerait-elle à des bénéfices constatables sur les performances ?

 

Deux problèmes peuvent résulter d'un tel entraînement. Le temps d'entraînement en fractionné peut être doublé. En effet, le temps de fractionné est identique à deux jambes que pour chaque jambe. Enfin, le travail des qualités centrales est moindre.

 

Toutefois, varier l'entraînement est une bonne idée et intégrer ce genre de séance peut donc être profitable pour le travail musculaire et technique et pour le moral.

 

Attention car pour compenser le fléchisseur de la hanche lors du travail à une jambe les cyclistes se voyaient ajouter un contrepoids sur la pédale libre. Attention encore, mieux vaut réaliser ce travail sur un home-trainer pour limiter le risque de chute lors des efforts très intenses. Dernier conseil : mieux vaut faire ça avec des pédales automatiques pour bien tirer sur les pédales.

 

Abbiss CR, Karagounis LG, Laursen PB, Peiffer JJ, Martin DT, Hawley JA, Fatehee NN, Martin JC. Single-leg cycle training is superior to double-leg cycling in improving the oxidative potential and metabolic profile of trained skeletal muscle. J Appl Physiol (1985). 2011 May;110(5):1248-55.

 

Auteur

Fabrice Kuhn

Médecin généraliste, médecin du sport

Fabrice Kuhn est médecin du sport, rédacteur pour "Jogging International", auteur et conférencier. Athlète accompli, il est finisher des championnats du monde Ironman à Hawaii et du marathon des sables. Enseignant au DU d’expertise en course à pied de l’université de Poitiers, il a également été le médecin de l’équipe de France d’haltérophilie.

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