Qu'est-ce qui vous a conduit à vous intéresser aux produits de la ruche ?
Tout simplement une rencontre. Après mon doctorat en nutrition humaine, j'ai travaillé dans divers domaines toujours rattachés au lien entre produits végétaux et santé. Et puis j'ai rencontré le fondateur de Pollenergie, ingénieur agronome de formation et apiculteur qui avait besoin de quelqu'un capable de mener à bien des recherches scientifiques sur les potentialités thérapeutiques de la propolis. Et rapidement je suis devenu un passionné des produits de la ruche, notamment au contact des chercheurs et apiculteurs passionnés que j'ai pu rencontrer à travers le monde. Les produits de la ruche sont utilisés de manière empirique pour soigner depuis des millénaires. Il faut valider ces utilisations sur le plan scientifique, et aussi vérifier que nos produits actuels, très différents de leurs ancêtres puisque l'environnement a beaucoup changé, sont toujours valables pour les mêmes indications.
Existe-t-il une indication où les produits de la ruche font mieux que des médicaments ou traitements naturels existants ?
C'est difficile de répondre à cette question, notamment parce que chaque produit de la ruche a des indications différentes. Sans conteste, la meilleure indication reste la cicatrisation des plaies par le miel. Il est d'ailleurs utilisé par de nombreux infirmiers et même dans des services hospitaliers (en cancérologie à Villejuif ou en chirurgie viscérale à St Brieuc). Tout simplement parce qu'il permet d'obtenir des résultats spectaculaires, égaux voire supérieurs à ceux des médicaments classiques avec un coût bien moindre.
La propolis, elle, est essentiellement connue comme un antiseptique naturel (antibactérien, antifongique et antiviral) même si la recherche avance dans d'autres domaines comme la protection des effets secondaires de chimiothérapie.
Et le pollen ?
Pour le pollen frais (à bien différencier du sec), les vertus dépendent beaucoup de la fleur dont il provient. Je le vois plutôt comme un super-aliment au sens où il contient à la fois des ferments lactiques, des vitamines et minéraux antioxydants et des protéines. C'est le seul aliment qui combine des éléments de la viande, des légumes et des yaourts à la fois. Il possède une densité nutritionnelle rare, qui l’apparente plus à un aliment fonctionnel.
La gelée royale est-elle une panacée ?
La gelée royale est comme la propolis un antiseptique naturel. Mais si je devais la caractériser je dirais que c'est un booster naturel. Vous vous rappelez ces anciennes voitures qui avaient besoin d'un starter pour démarrer ? Il fallait par la suite couper le starter pour éviter de caler. Et bien la gelée royale agit de manière assez similaire : prise pendant quelques jours elle active les métabolismes mais il faut arrêter après car le corps ne peut pas fonctionner comme une formule 1 toute l'année. Elle est particulièrement utile en période de grande fatigue ou de convalescence (notamment après un traumatisme osseux ou musculaire).
Par contre la gelée royale est le seul produit de la ruche à présenter une contre-indication forte : elle est déconseillée par précaution aux personnes ayant souffert ou dont un membre de la famille proche a souffert d'un cancer hormono-dépendant. Elle contient en effet des facteurs de croissance qui pourraient favoriser la prolifération des cellules cancéreuses.
Il y a eu beaucoup de bruit autour des miels de supermarché. Pouvez-vous nous expliquer le problème de ces miels ?
Tout vient du fait qu’en France la production de miel est largement inférieure à la consommation estimée à environ 40 000 tonnes. Or par exemple, les projections de récoltes de 2016 s’élèvent aux environs de 9000 tonnes. Il faudra donc importer les 31 000 t de différence. La rareté du miel français fera donc monter le prix d’achat. Or les supermarchés ont un impératif de prix bas. Ils importeront donc du miel de différentes zones du globe à des prix correspondants à leur marché mais qui n’est pas toujours compatible avec la qualité. Et comme la législation n'oblige qu'à donner l'origine du dernier conditionneur du miel, le consommateur n’est pas obligatoirement assuré de la traçabilité d’origine du produit. Acheter son miel directement à un apiculteur garantit à la fois un circuit court et une plus grande qualité de miel, notamment parce qu'il sera plus récent. Sinon il faut acheter son miel à des sociétés très spécialisées qui peuvent en garantir l'origine.
Y a-t-il un intérêt à acheter un miel solide plutôt que liquide ou l'inverse ?
Tout d'abord, il faut préciser que certains miels crémeux ont été travaillé pour obtenir cette texture. Mais oui, la texture du miel donne visuellement des informations sur ce qu'il contient. Plus un miel est liquide, comme le miel d'acacia, plus il contient de fructose. Cela le rend particulièrement indiqué pour les diabétiques car le fructose a peu d'impact sur la glycémie (dans le cadre d’une consommation normale). En revanche, un miel cristallisé est plus riche en glucose. Par ailleurs la couleur donne une indication sur la teneur en minéraux et en antioxydants : plus le miel est foncé et plus il en contient. A cet égard un miel de sapin (liquide) ou un miel de sarrasin est plus intéressant qu'un miel d'acacia.
Les solutions alcoolisées de propolis pure ont un goût fort que certaines personnes ont du mal à tolérer. Avez-vous une astuce pour l'adoucir ?
On n'utilise la solution alcoolique de propolis par la bouche que pour prévenir les infections de la sphère ORL. Pour les indications hépatiques ou gastriques, on prend des gélules qui ne poseront pas de problème de goût. Il faut savoir qu'au contact de l'eau l’extrait alcoolique de propolis forme un précipité qui entraîne la formation d'un biofilm très astringent. C'est ce qui est désagréable pour certaines personnes. Mon astuce consiste à mélanger la propolis dans un peu de miel pour évaporer un peu l'alcool puis de faire fondre tout doucement le mélange dans la bouche afin de limiter l'apparition du biofilm.
Est-il possible qu'un produit de la ruche aggrave les symptômes d'une rhinite allergique ?
Les rhinites allergiques sont souvent provoquées par des pollens anémophiles tandis que les pollens d’abeilles sont dits entomophiles. Il peut donc exister une allergie spécifique aux produits de la ruche mais pas selon les mêmes mécanismes. Ce sont le plus souvent des fractions protéiques venant des abeilles qui sont à l’origine de cette allergénicité. C'est pourquoi l'allergie aux produits de la ruche concerne essentiellement la gelée royale et le miel qui contiennent ces protéines et beaucoup moins le pollen.
Propos recueillis par Priscille Tremblais