Les buveurs de vin ont une flore intestinale qui les rapproche des chasseurs-cueilleurs

Les buveurs de vin ont une flore intestinale qui les rapproche des chasseurs-cueilleurs

Quand vous dégustez un bon vin, vous ne vous posez pas la question de ses effets biologiques. Je suis comme vous. Même si, par déformation professionnelle, j’ai l’œil attiré par les travaux que les chercheurs consacrent au vin.

Par exemple, j’ai lu avec intérêt cette étude parue dans le Journal of the American College of Nutrition. (1) Des chercheurs espagnols ont analysé la flore intestinale de buveurs réguliers de vin rouge (très modérés : 100 ml/jour en moyenne) et l’ont comparée à la flore de non buveurs. Ils ont aussi analysé certains marqueurs de l’inflammation (protéine C-réactive ou CRP) et de l’oxydation (malondialdéhyde ou MDA).

Le résultat, c’est que les buveurs de vin rouge n’ont pas tout à fait la même flore intestinale que les abstinents. En particulier, ils ont moins de bifidobactéries et de lactobacilles, ces bactéries à Gram positif très répandues dans le tube digestif des Occidentaux et considérées comme favorables à la santé au point qu’on les trouve en majorité dans les suppléments de probiotiques. Ainsi, les bifidobactéries représentent 10% en moyenne des bactéries digestives d’un Américain. Mais voilà : le vin rouge est une source naturelle de flavonoides, lignanes, stilbènes (dans la peau et les pépins). Or ces polyphénols sont antibactériens et les bactéries à gram positif y sont très sensibles.

Là où ça devient intéressant, c’est que les bifidobactéries et les lactobacilles sont peu représentés dans la flore intestinale des chasseurs-cueilleurs qui suivent un régime alimentaire ancestral ou paléo. Par exemple, la flore des Hadzas de Tanzanie ne contient quasiment pas de bifidobactéries.

Les buveurs de vin ont aussi plus de protéobactéries que les non-buveurs. Il se trouve que ces protéobactéries sont elles aussi retrouvées en quantité dans l’intestin des chasseurs-cueilleurs. Ainsi, lorsqu’Elise Morton (université du Minnesota) a comparé le microbiome intestinal de pygmées chasseurs-cueilleurs et de Bantous du Cameroun, les protéobactéries étaient significativement mieux représentées chez les pygmées.

Donc par certains aspects, la flore des buveurs de vin rouge a des similitudes avec celle des chasseurs-cueilleurs.

Dans l’étude espagnole, les buveurs de vin ont non seulement un microbiome différent des autres, mais ils ont aussi un taux plus faible de malondialdéhyde (MDA), un marqueur du stress oxydant. Or, constat troublant, dans cette petite étude, plus il y a de lactobacilles dans l’intestin, plus le MDA est élevé.

Il est bien sûr bien trop tôt pour dire si certaines bactéries intestinales sont « préférables » à d’autres. La flore intestinale reflète non seulement notre mode alimentaire, mais plus globalement notre environnement. L’Américain Martin Blaser défend l’idée que notre microbiome intestinal a été mis à mal par l’abus d’antibiotiques et autres substances chimiques, et que des bactéries bénéfiques ont été éradiquées, ce qui pourrait expliquer en partie l’explosion des maladies dites de civilisation. Le vin (déjà associé à un risque cardiovasculaire plus faible), pourrait favoriser l’émergence de certaines de ces bactéries disparues.

Pour aller plus loin, nos livres sur le thème de l'alimentation paléo sont ici.

Source

(1) Cuervo A, Reyes-Gavilán CG, Ruas-Madiedo P, Lopez P, Suarez A, Gueimonde M, González S. Red wine consumption is associated with fecal microbiota and malondialdehyde in a human population. J Am Coll Nutr. 2015;34(2):135-41.

Auteur

Thierry Souccar

Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr

Thierry Souccar est journaliste scientifique, rédacteur en chef de LaNutrition.fr et du e-magazine Le Monde de la Nutrition. Il a écrit 20 livres de vulgarisation sur la nutrition et la santé publique dont plusieurs best-sellers.

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