Il existe un délai d’attente de 3 à 6 mois avant de subir une chirurgie bariatrique. Pourquoi ce délai ? Comment votre livre s’inscrit-il dans cette attente ?
Elodie Sentenac : Il y a un délai aussi long parce que les nombreux examens nécessaires à la prise en charge ne peuvent se faire le même jour. Mis bout à bout, il faut compter 2 jours complets. Et entre, il y a toujours de l’attente, surtout pour effectuer la fibroscopie. Pendant ce délai, les patients ont la possibilité de bien réfléchir, de bien peser le pour et le contre et de commencer à mettre en place des objectifs diététiques. Notre livre explique et insiste sur cette période de réflexion obligatoire. On peut dire d’ailleurs qu’il s’inscrit dans une démarche de travail sur soi et sur son comportement alimentaire. Les témoignages sont là pour aider à visualiser la vie après la chirurgie bariatrique.
Magali Walkowicz : Le bilan médical avant l’intervention doit être très précis afin de prévenir les complications médicales. En gros, il s’agit de « mettre sur une balance » les indications et les contre-indications. Du point de vue purement diététique, on va chercher à savoir s’il y a bien une hyperphagie, s’assurer que le comportement alimentaire ne souffre d’aucun trouble majeur et commencer à rééquilibrer l’alimentation pour apprivoiser le futur alimentaire. Si ce laps de temps est nécessaire à la réflexion du patient c’est parce que cela est avant tout une chirurgie et qu’elle est irréversible pour la sleeve et également pour certains by-pass. La culture alimentaire du patient, qui est profondément ancrée en lui, va être inexorablement ébranlée et il doit être sûr de l’accepter.
Quelle est la chirurgie la plus utilisée aujourd’hui ? Et celle dont vos clients sont les plus satisfaits ?
E. S. : Actuellement, c’est le by-pass qui est le plus réalisé. Cependant, la demande en sleeve gastrectomie est croissante. Globalement, les patients sont satisfaits de ces deux méthodes. L’anneau est de moins en moins réalisé car l’efficacité n’est pas escomptée et la majorité des patients sont opérés une deuxième fois quelques années après.
M. W. : Pourtant le by-pass est la méthode la plus agressive. L’estomac est court-circuité et les aliments passent directement de l’œsophage au jéjunum. Elle est donc à la fois restrictive et malabsorptive. Elle oblige ainsi à une complémentation vitaminique et les patients rapportent plus souvent des épisodes de dumping syndrom (ce qui empêche quelque part la consommation de sucre).
Ne devrait-on pas déjà adopter les 8 règles alimentaires que vous préconisez avant l’opération ?
E. S. : Tout à fait ! C’est ce que nous recommandons à nos patients : mettre en place le plus possible ces règles pour être plus serein après ! Plus on se prépare tôt à cette chirurgie, mieux elle se déroule. L’idéal est de se rencontrer plusieurs fois en préopératoire et que l’on fixe à chaque visite de nouveaux objectifs.
M. W. : Cela permet de tester sa capacité à accepter ces règles et si ce n’est pas le cas à prendre la décision de ne pas se faire opérer. Après l’opération beaucoup de choses vont changer : son corps, le regard sur son corps, le regard des autres sur soi… Autant ne pas tout cumuler et avoir déjà intégré la nouvelle culture alimentaire.
Qu’est-ce qui fait que la chirurgie peut être un échec ?
E. S. : Il peut y avoir une ou des complications liées à la chirurgie elle-même (reflux, dilatation) mais le plus souvent il s’agit d’une reprise partielle ou totale du poids à cause de problèmes alimentaires qui ressurgissent (grignotages, compulsions, difficultés à gérer les émotions).
M. W. : D’où l’intérêt de bien se préparer à l’intervention et de déceler et régler les troubles du comportement alimentaire avant de se faire opérer. Même sans grignoter, simplement ne pas consommer de repas équilibrés est aussi un problème. Les règles diététiques doivent être suivies au quotidien. L’opération agit sur la quantité, pas sur la qualité.
Quelle aide apportez-vous dans le cas d’un échec ? Dans vos consultations ou avec ce livre.
E. S. : Le livre va permettre un recadrage sur les notions diététiques obligatoires à remettre en place et à maintenir tout en apportant de l’information pratique grâce aux recettes. Il donne de manière précise le schéma alimentaire à suivre et l’illustre. Le petit plus en consultation est notre présence. Nous sommes là pour les rassurer, les écouter, les guider et les renvoyer vers d’autres professionnels si besoin. La prise en charge est très personnalisée.
M. W. : Lors de consultation, on diagnostique le problème. Si le problème touche à l’équilibre alimentaire, on rééduque le patient sur ce point. On repart à zéro, on souligne et on explique les erreurs. Si on sent qu’il a besoin d’être vraiment encadré, on peut au départ lui établir des menus, lui faire sa liste de courses et on le rencontre plusieurs fois, jusqu’à ce qu’il soit autonome. Si on décèle un trouble compulsif alimentaire, on apporte certes une réponse diététique mais on incite fortement le patient à consulter également un psychologue, voire un psychiatre. Il y a alors urgence car il y a un risque de décompensation psychique en plus.
Avez-vous traité des cas de personnes très carencées suite à une chirurgie bariatrique ? Les compléments alimentaires sont-ils un passage obligé ?
E. S. : Oui, cela arrive lorsque les patients ne se font pas suivre correctement. En pré-opératoire, lorsqu’on les prépare à de nouvelles habitudes alimentaires, ils ne sont pas toujours suffisamment attentifs. Ils écoutent mais n’entendent pas car ils ne sont pas encore dans la réalité post-opératoire. Une fois opérés, ils ne suivent pas les recommandations et n’éprouvent en plus pas le besoin de revenir en consultation. Il y a alors des anémies sévères, des dénutritions protéino-énergétiques, des asthénies… Il est très important d’avoir un suivi diététique régulier en post-opératoire.
M. W. : Lorsqu’il y a une anorexie qui s’installe par peur de regrossir ou par peur de manger (certains appréhendent d’avoir mal en mangeant et se contentent de très peu de nourriture), les carences peuvent être très graves. Idem quand les patients opérés d’un by-pass ne prennent pas leur supplémentation vitaminique obligatoire parce qu’ils se sont mis en tête que manger des aliments riches en vitamines et minéraux suffisait à s’en passer. Un autre risque est lorsque le patient ne mange pas équilibré. Je le répète encore une fois : l’opération agit sur la quantité pas la qualité. Si l’alimentation n’est constituée que de calories vides alors les carences seront vites présentes. Manger peu implique de manger très sainement. Les patients ont alors besoin d’ingérer une forte concentration de nutriments et vitamines pour « remonter la pente ». Seuls les compléments alimentaires peuvent les y aider. Notez qu’en plus les « vrais » aliments sont mangés en petite quantité.
Sur quels critères avez-vous élaboré vos recettes ?
E. S. : Les personnes opérées peuvent manger les mêmes plats qu’avant l’opération. À condition, bien sûr, que ce soit des recettes bien équilibrées. Nous avons donc misé sur des recettes originales. Le but étant de leur donner de nouvelles idées de menus. Nous avons aussi tenu compte de la facilité d’élaboration. Elles sont bien entendu très diététiques tout en étant savoureuses.
M. W. : Nous avons sélectionné des aliments de base ayant une forte densité nutritionnelle. Les associations ont été faites de manière à garantir un certain équilibre alimentaire, un faible apport calorique, un index glycémique le plus bas possible y compris pour les desserts et un rapport oméga 3/6 intéressant. Ainsi elles sont intéressantes à la fois pour participer à la perte de poids, pour répondre aux besoins de l’organisme, pour s’assurer une bonne santé cardiovasculaire et éviter les pics glycémiques d’après repas. Et toute la famille peut en profiter.