Vous le savez, et vous l'avez peut-être expérimenté, les troubles digestifs sont l'une des causes majeures d'abandon et de contre-performance lors d'une compétition d'endurance (trail, triathlon, marathon…). Il semblerait que les efforts de plus de 2h et d'une intensité supérieure à 60% de la VO2max soient les plus à risque (1).
Pour cette raison il n'est pas rare de voir des sportifs tenter de prévenir les troubles digestifs en course via différentes stratégies (réduction des apports en gluten ou en lactose par exemple). C'est aussi pour cette raison que dans "Nutrition de l'endurance" nous recommandons de ne pas participer à la pasta party si elle est la veille de la course et que nous recommandons aussi plutôt une "rice party" l'avant-veille de la course (sans abus !).
Dans plusieurs articles précédents je vous ai exposé différentes pistes comme de bien choisir ses aliments en course. Il est aussi possible d'entraîner son tube digestif (je vous en reparlerai). Une autre stratégie pourrait être de s'orienter vers un régime pauvre en FODMAP.
FODMAP mais qu'est ce ?
Les FODMAP (Fermentescibles – Oligosaccharides – Disaccharides – Monosaccharides – And (et) – Polyols) sont des glucides mal digérés par notre système digestif et qui arrivent quasi intacts dans notre intestin. Le microbiote intestinal en profite pour s'en nourrir.
· Oligosaccharides : fructanes et galacto-saccharides, présents surtout dans certains légumes (artichaut, asperge, betterave, choux, aubergine, ail, poireau, oignon, endive…), fruits (pomme pastèque, kaki…), céréales (blé, seigle…) et légumineuses (lentilles, pois chiches, haricot…).
· Disaccharides : lactose du lait et des produits laitiers (lait, yaourts, fromage frais…).
· Monosaccharides : fructose des fruits (pomme, mangue, pastèque …), du miel et des préparations alimentaires).
· Polyols : édulcorants et fruits (avocat, pomme, abricot, poire, pastèque...).
· Fermentescibles parce qu'arrivant presque intact dans l'intestin, ils y fermentent et majorent les gaz et fluides intestinaux avec comme conséquences des douleurs abdominales, flatulences, ballonnements et diarrhées.
L'intérêt du régime pauvre en FODMAP, développé dès 2005, réside dans son efficacité contre les symptômes du syndrome de l'intestin irritable et son utilité pour améliorer le confort digestif.
Ne trouvez-vous pas les symptômes digestifs provoqués par la fermentation de ces FODMAP exposés ci-dessus (flatulences, diarrhées, envie impérieuse d'aller à la selle, douleurs abdominales…) proches de ceux expérimentés en course ? Les FODMAP seraient-ils encore plus mal tolérés durant un effort sportif où l'efficacité et la fonction digestive sont naturellement amoindries ? Est-ce qu'un régime pauvre en FODMAP pourrait nous aider nous sportifs d'endurance, triathlètes, coureurs, marathoniens ou encore traileurs ?
Impact d'un régime pauvre en FODMAP chez le sportif
Pour le savoir une étude d'intervention a été publiée (2). Malheureusement, elle ne concernait qu'un unique sportif. Ce sportif, triathlète longue distance (Ironman) doté d'une VO2Max à 57ml/kg/mn et s'entraînant entre 10 et 15 h par semaine présentait des troubles digestifs récurrents surtout en course à pied. Malgré diverses expérimentations auto prescrites comme l'exclusion du gluten, des aliments épicés ou encore de la caféine il n'a pu trouver de solution. Vous reconnaissez-vous ? Je suis convaincu que certains d'entre vous se sont dit "c'est tout moi !".
Un régime pauvre FODMAP a donc été testé chez lui sans qu'il sache de quoi il s'agissait. Il lui avait été dit que lui seraient proposés des "glucides spéciaux" qui pourraient peut-être aggraver ses symptômes, les réduire ou n'avoir aucun impact. Il suivait son régime habituel durant une première semaine un régime pauvre FODMAP durant la semaine suivante. Il passait ainsi de 81 de FODMAP g/j (la première semaine) à 7.2g/j en moyenne (la deuxième semaine).
Son entraînement (similaire lors des deux semaines) était adapté de façon à produire un stress digestif suffisant notamment lors des trois derniers jours de chaque semaine où étaient alors mesurés les troubles digestifs perçus. Ces séances traumatiques sur le plan digestif consistaient en 70 min de course à pied le vendredi, 180 min de vélo et 65 mn de course à pied le samedi et 65 min de course à pied le dimanche.
Lors des tests quotidiens, il passait ainsi de troubles modérés à l'effort (côté 3-4 en moyenne sur une échelle de 0 à 9) à une absence totale de symptômes (0 sur la même échelle). Il constatait aussi une amélioration en dehors des efforts. A noter que les symptômes étaient surtout marqués lors des trois derniers jours de la semaine "normale", trois jours à haute intensité. Etonnamment, le dernier jour de la semaine "normale" il n'avait pas éprouvé de symptômes digestifs malgré l'intensité de la séance mais il avait modifié lui-même son petit déjeuner, ceci expliquant peut-être cela.
Cela est prometteur. Bien sûr, nous attendons que des autres études plus larges soient publiées sur ce sujet !
Cependant ce régime assez restrictif n'est pas aisé à mettre en place et pourrait avoir un impact difficile à mesurer sur le microbiote et peut être même négatif à long terme (3).
En pratique
Vous pouvez donc tester ce régime pauvre en FODMAP si vous expérimentez des troubles digestifs. Vous pouvez l'utiliser juste avant une compétition (lors des derniers jours et lors des derniers repas). Vous pouvez aussi l'utiliser en dernier repas avant les grosses séances ou les séances intenses, celles qui sont les plus inductrices de troubles digestifs. Vous pouvez aussi tester les aliments parmi ceux riches en FODMAP pour n'éliminer que ceux qui sont les plus ravageurs chez vous.
Les aliments riches en FODMAP sont nombreux et certains ont été cités précédemment.
Voici donc pour simplifier quelques aliments pauvres en FODMAP.
Viande, poisson, œuf : pas de soucis.
Légumes : aubergine, brocoli, céleri, chou chinois, chou de Bruxelles, concombre, épinards, haricots verts, salades vertes, radis, navet, tomate…
Fruits : avec modération, agrumes, baies, banane, ananas, melon, kiwi, raisin…
Légumineuses, céréales : patates douces (avec modération), pommes de terre, avoine, sarrasin, riz, quinoa…
Laitages : lait sans lactose, certains fromages (camembert, emmental, brie...)…
Autres : noix, amandes, boisson d'amande…
Idée de petit déjeuner : thé vert, galette de sarrasin, œuf, fruit frais, amandes.
Idée repas d'avant course : poulet, salade de concombre, riz basmati, courgettes pelées, ananas.
Références
(1) Costa RJS, Snipe RMJ, Kitic CM, Gibson PR. Systematic review: exercise-induced gastrointestinal syndrome-implications for health and intestinal disease. Aliment Pharmacol Ther. 2017 Aug;46(3):246-265.
(2) Lis D, Ahuja KD, Stellingwerff T, Kitic CM, Fell J. Case Study: Utilizing a Low FODMAP Diet to Combat Exercise-Induced Gastrointestinal Symptoms. Int J Sport Nutr Exerc Metab. 2016 Oct;26(5):481-487.
(3) Halmos EP, Christophersen CT, Bird AR, Shepherd SJ, Gibson PR, Muir JG.Diets that differ in their FODMAP content alter the colonic luminal microenvironment. Gut. 2015 Jan;64(1):93-100.