Rappelez-vous ces courbatures qui accompagnent certains lendemains de course. Rappelez-vous votre démarche si raide, si maladroite, si douloureuse. Vous, dont la foulée était si fluide quelques jours auparavant, êtes maintenant incapable de marcher normalement. Les traces de votre dernière course sont là ! Malgré tous vos efforts pour cacher vos douleurs, il vous est impossible de passer inaperçu. Monter cinq marches d'escaliers est devenu un effort que vous appréhendez. Et vous n'imaginez pas les descendre sans vous accrocher à la rampe, ni grimacer. Combien de fois, au lendemain d'une course, ai-je laissé passer les gens devant moi dans les escaliers pour ne pas qu'ils me voient descendre chaque marche agrippé à la rambarde ?
Bon d'accord les courbatures ne sont systématiques mais ça nous arrive à tous (ou presque tous), nous les coureurs, les marathoniens, les traileurs, les triathlètes… "You are an ironman" disent-ils à l'arrivée d'un Ironman justement ! Oui, mais demain je serais réellement raide comme un homme de fer !
Bien sûr, l'entraînement est le meilleur moyen de prévenir les courbatures. La progressivité de l'entraînement vous permettra d'habituer vos muscles et simplifiera vos lendemains de course.
A quoi sont dues les courbatures ?
Les courbatures correspondent à des douleurs musculaires d'apparition retardée. Les anglophones parlent de "DOMS" pour "delayed onset muscle soreness". Les courbatures apparaissent pour des efforts musculaires inhabituels (plus longs ou plus intenses) notamment lorsque les muscles travaillent en excentrique (c'est-à-dire lorsque le muscle se contracte en s'étirant). Lors de la course à pied, les muscles des membres inférieurs sont particulièrement exposés à ce mode de contraction excentrique puisqu’ils amortissent le poids de corps à chaque foulée. Cela est encore plus vrai lorsque la course à pied se déroule en descente. Ces efforts inhabituels vont provoquer des microlésions musculaires qui vont à leur tour provoquer une inflammation. Ces courbatures apparaissent donc en 12 à 24 h pour disparaître en 3 à 5 jours.
Etant donné le caractère inflammatoire des courbatures, une alimentation riche en aliments anti-inflammatoires peut-elle être bénéfique au sportif et surtout peut-elle prévenir les courbatures ?
Alliés n°1 : les oméga-3
Les oméga-3 sont des acides gras sont les précurseurs d’une séries de molécules anti-inflammatoires contrairement aux oméga-6 qui, eux, sont les précurseurs de molécules pro-inflammatoires. EPA (acide eicosapentaénoïque) et DHA (acide docosahexaénoïque) sont les dérivés à longues chaînes de la famille oméga-3, ceux trouvés dans la chair des animaux riches en oméga-3 et sont les plus profitables de la série des oméga-3.
Dans une étude de 2014 (6), 30 jours de supplémentation en oméga-3 (2.7 g/j d'un mélange DHA + EPA) ont permis à des sujets sains de voir le pourcentage d'oméga-3 dans les membranes cellulaires augmenter. Les patients ayant augmenté leur pourcentage d'oméga-3 dans leurs membranes cellulaires ont ressenti moins de courbatures après réalisation d’un effort du membre supérieur. La CRP (marquer de l'inflammation) était, elle aussi, diminuée chez les patients ayant les membranes cellulaires les plus riches en oméga-3.
En 2009, une étude (8) chez des sujets n'ayant pas fait de sport depuis 60 jours supplémentés durant 30 jours avec 1.8 g/j d'oméga-3 (324 mg d'EPA et 216 mg de DHA) ont ressenti moins courbatures que ceux du groupe contrôle 48 h après un effort excentrique des membres inférieurs alors que durant les 24 premières heures après l'effort aucune différence n'était notable. De plus, lors de cette étude, les cuisses des patients supplémentés avaient dès la fin de l'effort des circonférences moindres probablement en rapport avec une inflammation plus discrète.
En 2011, Jouris et ses collègues (4) ont analysé chez onze adultes sains les effets d'une supplémentation de 3 g/j d'oméga-3 (2 g d'EPA + 1 g de DHA). Les sujets ont tout d'abord restreints leurs apports en oméga-3 pendant 14 jours avant d'être testés (effort du bras) une première fois. Puis, ils ont étés testés une deuxième fois mais après avoir étés supplémentés. Les sujets testés rapportaient moins de courbatures après supplémentation. Les chercheurs ont trouvé une augmentation du volume du bras testé après restriction en oméga-3. Cette augmentation du volume était moindre après supplémentation mais de façon non significative.
Au cours d'une étude de 2002 (7) des sujets supplémentés durant 30 jours avec 1.8 g/j d'oméga-3 (22% d'EPA et 15% de DHA mais aussi 11% d'acide oléique et des acides saturés dont 22% d'acide palmitique) n'ont pas fait état de moins de courbatures que leurs collègues du groupe contrôle. D'ailleurs, aucune différence n'a été observée en ce qui concerne les marqueurs de l'inflammation, les CK (marqueurs des dégâts musculaires) ou encore les marqueurs de stress oxydant testés.
En 2012, une dernière étude (3) a proposé de supplémenter des sujets avec 360 mg/j d'EPA puis de comparer après effort les marqueurs de l'inflammation, les douleurs ressenties et la force. Cette étude n'a pas mis en évidence de différence, excepté une majoration d'un marqueur de l'inflammation chez le groupe supplémenté.
Parmi ces études, celles dont la durée de supplémentation a été suffisamment longue (30 jours) ont observé plus de bénéfices que celles dont la durée a été trop courte (7 jours) ou dont la supplémentation était riche en acides gras saturés.
Alliée n°2 : la curcumine
La curcumine, tirée du curcuma, est une molécule ayant démontré in-vitro de puissantes propriétés anti-inflammatoires mais aussi antioxydantes. Rappelons que la curcumine est un puissant anti-inflammatoire grâce à son action inhibitrice de NF Kappa b qui est un activateur central de l'inflammation (5).
Lors d'une étude publiée en 2014 (2), des chercheurs ont testé une préparation commerciale de curcumine et de lécithine de soja (la lécithine de soja favorisant l'absorption de la curcumine) au cours d'une supplémentation sur 4 jours en débutant 48h avant une course en descente. Les coureurs ayant reçu la préparation commerciale rapportaient moins de courbatures des membres inférieurs que le groupe contrôle. Les marqueurs de l'inflammation et des dommages musculaires étaient moindres chez les coureurs supplémentés bien que non significativement. Seul un marqueur de l’inflammation (IL 8) était significativement différent dans un dosage précoce. A l'IRM, moins de coureurs supplémentés que de coureurs non supplémentés présentaient des signes de dégâts musculaires.
Pour expliquer l'effet de la curcumine sur les courbatures, une étude de 2007 sur des souris (1) montre que la curcumine limite la baisse de performance et diminue la présence des marqueurs de l'inflammation mais aussi des CK (marqueurs des dégâts musculaires) au sein des muscles après biopsie musculaire.
La curcumine peut donc aider à prévenir les courbatures. Pour cela, il faut s'en imprégner quelques jours avant la course et ne pas oublier que la curcumine est soluble dans les graisses et difficilement absorbable.
Allié n°3 : l'ail
Dernier des trois anti-inflammatoires naturels que nous allons voir, l'ail présente en outre des vertus antioxydantes.
Su et ses collègues ont testé, chez des sportifs bien entraînés, une supplémentation en allicine poursuivie durant 14 jours avant et 2 jours après (9). Les sportifs supplémentés ont eu des taux de marqueurs de l'inflammation et de marqueurs des dégâts musculaires moins élevés que leurs collègues du groupe contrôle. En ce qui concerne l'analyse plus suggestive des courbatures, les résultats montrent aussi un bénéfice de la supplémentation.
Rappelons que l'allicine est dérivée de l'alliine grâce à son exposition à l'air libre. N'oubliez donc pas de presser votre ail 30 minutes avant son utilisation.
En conclusion
Une alimentation riches en aliments aux propriétés anti-inflammatoires peut vous aider à prévenir les courbatures, ce qui est particulièrement intéressant en course à pied, que ce soit sur route comme au cours d'un marathon ou en chemin lors d'un trail. Voilà donc une raison de plus de faire figurer régulièrement dans votre assiette du poisson gras, de l'ail ou encore du curcuma tous présentant encore bien d'autres vertus.
Bon appétit et bonne course !
Sources
(1) Davis JM, Murphy EA, Carmichael MD, Zielinski MR, Groschwitz CM, Brown AS, Gangemi JD, Ghaffar A, Mayer EP. Curcumin effects on inflammation and performance recovery following eccentric exercise-induced muscle damage. Am J Physiol Regul Integr Comp Physiol. 2007 Jun;292(6):R2168-73.
(2) Drobnic F, Riera J, Appendino G, Togni S, Franceschi F, Valle X, Pons A, Tur J. Reduction of delayed onset muscle soreness by a novel curcumin delivery system (Meriva®): a randomised, placebo-controlled trial. J Int Soc Sports Nutr. 2014 Jun 18;11:31.
(3) Houghton D, Onambele GL.Can a standard dose of eicosapentaenoic acid (EPA) supplementation reduce the symptoms of delayed onset of muscle soreness? J Int Soc Sports Nutr. 2012 Jan 31;9(1):2.
(4) Jouris KB, McDaniel JL, Weiss EP. The Effect of Omega-3 Fatty Acid Supplementation on the Inflammatory Response to eccentric strength exercise. J Sports Sci Med. 2011 Sep 1;10(3):432-8.
(5) Lawrence T. The Nuclear Factor NF-κB Pathway in Inflammation. Cold Spring Harb Perspect Biol. Dec 2009; 1(6): a001651.
(6) Lembke P, Capodice J, Hebert K, Swenson T. Influence of omega-3 (n3) index on performance and wellbeing in young adults after heavy eccentric exercise. J Sports Sci Med. 2014 Jan 20;13(1):151-6
(7) Lenn J, Uhl T, Mattacola C, Boissonneault G, Yates J, Ibrahim W, Bruckner G. The effects of fish oil and isoflavones on delayed onset muscle soreness. Med Sci Sports Exerc. 2002 Oct;34(10):1605-13.
(8) Tartibian B1, Maleki BH, Abbasi A. The effects of ingestion of omega-3 fatty acids on perceived pain and external symptoms of delayed onset muscle soreness in untrained men. Clin J Sport Med. 2009 Mar;19(2):115-9.
(9) Su QS, Tian Y, Zhang JG, Zhang H. Effects of allicin supplementation on plasma markers of exercise-induced muscle damage, IL-6 and antioxidant capacity. Eur J Appl Physiol. 2008 Jun;103(3):275-83.