Une légère déshydratation n'est pas mauvaise pour la performance !

Une légère déshydratation n'est pas mauvaise pour la performance !

Tour d'horizon des études

Une méta-analyse parue en 2013 a étudié l’impact d’une légère déshydratation sur les performances en endurance en différenciant deux types de protocoles (1). Le premier protocole se rapprochait des vraies conditions de course, il s’agissait de contre-la-montre. L’autre protocole était plus éloigné des conditions naturelles des compétitions : il s’agissait de maintenir le plus longtemps possible une intensité précise. Dans ces deux protocoles étaient comparées les performances en  endurance chez des sujets correctement hydratés et des sujets déshydratés par l’effort.
Les résultats de cette méta-analyse montrent que, dans des conditions proches de la réalité, une déshydratation consécutive à l’effort améliore les performances en endurance mais de façon non significative (+0.09%, p=0.9) alors qu’en cas de protocole plus éloigné de la réalité, la déshydratation diminue les performances de façon significative (1.91%, p<0.05).

Chez les cyclistes, on retrouve cette même tendance : on observe de meilleures performances en cas de déshydratation légère (en moyenne 2.2 % de perte de poids de corps) (0.06%, p=0.94) qu’en cas d’hydratation adéquate (perte de 0.44% de poids de corps en moyenne) (2).

En ce qui concerne le marathon, une étude publiée en 2010 (3) portant sur 643 marathoniens (finishers) a mis en évidence de meilleures performances chez les athlètes ayant perdu le plus de poids à la fin de l’épreuve signe de leur niveau de déshydratation (3.1% chez les marathoniens finissant en moins de 3 h, 2.5% chez ceux finissant entre 3 et 4 h et 1.8% chez ceux finissant au delà de 4 h.
Quant aux marathoniens « élites », une étude sur 13 marathons parue en 2012 (4) a estimé qu’ils perdaient en moyenne 8.8% (entre 6.6 et 11.7%) de leur poids de corps lors d’un marathon (temps moyen de course : 2h06mn31sec) et que le vainqueur du marathon de Dubaï 2009 (Haile Gebrsellasie) avait perdu 9.8% de son poids de corps lors de sa victoire.
Pour le semi- marathon, une étude de 2013 (5) ne retrouve pas de différence de performances entre des athlètes ayant suivi un protocole d’hydratation préétabli afin d’éviter la déshydratation (1.3 % de perte de poids au final) et des athlètes qui ont bu à leur soif qui arrivent déshydratés (3.1 % de perte de poids).
En triathlon Ironman, les triathlètes les plus rapides sont ceux qui ont perdu le plus de poids à l’arrivée (jusqu’à 6% en moyenne) d’après une étude menée en 2004 sur 800 triathlètes. D’autre part dans cette étude, un seul sportif  a été hospitalisé (pour hyperhydratation) et c’est celui qui a pris le plus de poids (3 kg) ce qui rappelle les dangers de l’excès de boisson durant une épreuve sportive.
Pour les épreuves d’ultra marathon, une étude parue en 2008 (7) portant sur 23 ultra runners montre que la perte de poids est associée de façon significative à la performance (meilleur temps) sur une épreuve de 24 h mais pas sur une épreuve de 12 h.

On peut conclure de cette rapide revue de la littérature scientifique qu’une légère déshydratation ne nuit pas aux performances en endurance dans de réelles conditions de course que ce soit à vélo, à pied ou lors d’un triathlon, lorsque le sportif peut adapter sa vitesse à ses sensations.

En pratique, que faire ?

Il ne s’agit pas de débuter la compétition déshydraté mais plutôt de ne pas chercher à trop s’hydrater durant la compétition. Il faut boire à sa soif, ni plus ni moins. Rappelons qu’une hyperhydratation, même légère, est dangereuse pour la santé (plus qu’une déshydratation). Les recommandations antérieures afin d’éviter toute déshydratation même légère seraient probablement la conséquence d’études trop éloignées de la réalité de la pratique sportive en compétition.
Au final, on pourrait édicter les recommandations suivantes :

  • S’entraîner bien hydraté.
  • Débuter une compétition bien hydraté pour finir légèrement déshydraté.
  • Durant une course, boire à sa soif en choisissant une boisson adaptée et non selon un protocole préétabli.
  • Éviter de prendre du poids lors d’une compétition.


Sources
(1) Goulet ED. Effect of exercise-induced dehydration on endurance performance: evaluating the impact of exercise protocols on outcomes using a meta-analytic procedure. Br J Sports Med. 2013 Jul;47(11):679-86.
(2) Goulet ED. Effect of exercise-induced dehydration on time-trial exercise performance: a meta-analysis. Br J Sports Med. 2011 Nov;45(14):1149-56.
(3) Zouhal H, Groussard C, Minter G, Vincent S, Cretual A, Gratas-Delamarche A, Delamarche P, Noakes TD. Inverse relationship between percentage body weight change and finishing time in 643 forty-two-kilometre marathon runners. Br J Sports Med. 2011 Nov;45(14):1101-5.
(4) Beis LY, Wright-Whyte M, Fudge B, Noakes T, Pitsiladis YP. Drinking behaviors of elite male runners during marathon competition. Clin J Sport Med. 2012 May;22(3):254-61.
(5) Dion T, Savoie FA, Asselin A, Gariepy C, Goulet ED. Half-marathon running performance is not improved by a rate of fluid intake above that dictated by thirst sensation in trained distance runners. Eur J Appl Physiol. 2013 Dec;113(12):3011-20.
(6) Sharwood KA, Collins M, Goedecke JH, Wilson G, Noakes TD. Weight changes, medical complications, and performance during an Ironman triathlon. Br J Sports Med. 2004 Dec;38(6):718-24.
(7) Kao WF, Shyu CL, Yang XW, Hsu TF, Chen JJ, Kao WC, Polun-Chang, Huang YJ, Kuo FC, Huang CI, Lee CH. Athletic performance and serial weight changes during 12- and 24-hour ultra-marathons. Clin J Sport Med. 2008 Mar;18(2):155-8.

Auteur

Fabrice Kuhn

Médecin généraliste, médecin du sport

Fabrice Kuhn est médecin du sport, rédacteur pour "Jogging International", auteur et conférencier. Athlète accompli, il est finisher des championnats du monde Ironman à Hawaii et du marathon des sables. Enseignant au DU d’expertise en course à pied de l’université de Poitiers, il a également été le médecin de l’équipe de France d’haltérophilie.

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