Le Dr Jason Fung a toujours aimé les énigmes. Il aime laisser son esprit s’en imprégner, les examinant sous tous les angles jusqu'à ce qu'il les résolve. Qu'il s'agisse du Sudoku – dont il dit être obsédé – ou d'une énigme physiologique comme l'obésité ou le diabète, son esprit s'empare d'un problème et ne lâche pas jusqu'à ce qu'il obtienne une explication logique à l'interaction de toutes les variables.
« Je suis toujours en train de regarder un problème en disant :" Ça n'a aucun sens ! "Et puis j'essaie de le regarder de manière logique et de rendre très évident tout ce qui est illogique. »
Aimer résoudre les casse-têtes lui a bien servi. Grâce à sa pensée iconoclaste, il a démonté au cours des dernières années différentes théories : le rôle des calories dans l'obésité, la résistance à l'insuline et il a montré que
le jeûne intermittent (JI) est un moyen sûr et efficace d'
inverser le diabète. C’est d’ailleurs
un expert mondial du jeûne intermittent.
« À l'exception de quelques bodybuilders, j'ai été le premier à vraiment commencer à parler de jeûne intermittent au sens clinique. La pensée médicale dominante était que vous ne deviez jamais faire jeûner une personne diabétique. J'ai dit, pourquoi pas ? Cela n'a aucun sens ! Si elles jeûnent, elles réduiront leur insuline, elles brûleront leurs propres sucres et accéderont à leurs réserves de graisses. J'ai donc commencé à utiliser cliniquement le JI, en surveillant les gens qui le faisaient, et leur état s'améliorerait beaucoup plus rapidement. »
Un voyage au pays de la médecine
Le voyage de Jason dans la médecine a commencé à Toronto, où il est né et a grandi. A l'école, il excellait en sciences et en mathématiques. «
Les cours de lettres ont toujours été ceux où j’obtenais les plus mauvaises notes, et je trouve ça très drôle parce que j'écris beaucoup aujourd’hui», dit Jason, 44 ans, qui ne se contente pas de bloguer tous les jours sur
Diet Doctor et sur son propre site Web mais qui a aussi publié le best-seller
Le guide complet du jeûne.
Avant d'entrer à l'université, il envisageait de se lancer dans l'ingénierie, mais il décida de faire des études de médecine, en commençant par la biochimie pendant deux ans puis en passant à la médecine à l'Université de Toronto. (Sa femme, cependant, est ingénieur.)
Il a choisi de se spécialiser en néphrologie – l'étude des maladies rénales et de leur traitement – parce que cette spécialité est plus orientée sur les mathématiques que les autres. « En néphrologie, vous faites face à plus d'équations que dans d'autres types de spécialités et j'aime vraiment ça. »
Entre 1999 et 2001, il a fait son internat de néphrologie à l'Université de Californie à Los Angeles, puis il est retourné à Toronto pour pratiquer. Là, la majorité de ses patients en insuffisance rénale – au moins 70% – souffrent de diabète et sont obèses. Pendant les sept premières années de pratique, il les a traités de manière conventionnelle, comme tous ses collègues : prêchant un régime pauvre en graisses et un contrôle strict de la glycémie tout en assurant une prise en charge médicale de leurs problèmes rénaux.
Repenser la médecine
Puis deux secousses autour de 2007-2008 ont fait trembler son monde médical. La première était une paire d'études bien conçues, dont une rapportée dans le
New England Journal of Medicine (NEJM) qui a examiné les régimes à faible teneur en glucides et riches en graisses (LCHF pour
Low Carb High Fat) pour la perte de poids par rapport aux régimes pauvre en graisses et méditerranéen.
Le régime LCHF a obtenu les meilleurs résultats. De plus, contrairement aux opinions dominantes, aucun problème rénal ne se posait chez les personnes suivant ce régime de
type Atkins.
« Ce fut une véritable surprise pour moi, de constater ces énormes avantages du LCHF. C'était l’exact opposé de ce que nous pensions et de ce qui nous avait été enseigné.»
La deuxième « secousse » a pris la forme de deux grandes études distinctes, toutes deux publiées dans NEJM en 2008, sur l'impact du contrôle glycémique strict par le biais de médicaments contre le diabète de type 2, l'étude ACCORD et l'étude ADVANCE. Les deux études n'ont trouvé aucun avantage pour la santé des patients qui contrôlaient étroitement leur glycémie avec un traitement médicamenteux intensif. En fait, les patients du groupe de traitement intensif présentaient plus de complications de santé et plus de risque de décès !
« Selon la sagesse conventionnelle, si nous réduisions la glycémie en donnant beaucoup et beaucoup de médicaments, les patients seraient en meilleure santé. Ces deux études ont complètement prouvé que c’était faux !»
Ce qui a été le plus choquant pour Jason, cependant, c'est qu’après ces publications révolutionnaires, rien dans la pratique médicale n'a changé !
« Pour moi, c'était fou. Avec ces études, nous avions une réfutation complète de la façon dont nous traitons l'obésité et le diabète de type 2. Et rien ne s'est passé ! Personne ne s'est arrêté pour réfléchir à ce qui se passait. Pourquoi est-on arrivé à ces résultats ? Quel est le mécanisme qui les explique ? Comment pouvons-nous mieux traiter nos patients ? Les médecins semblaient juste vouloir continuer à faire ce qu'ils faisaient et prétendre que ces études n'avaient jamais eu lieu.» Cela n'avait aucun sens pour Jason !
C'est à ce moment-là qu'il décide d’examiner ces énigmes et de les résoudre tout seul. Il s’est penché de plus en plus profondément dans la littérature médicale, passant des heures, la nuit et le week-end à enquêter.
« J'ai commencé à regarder ce qui concernait l'obésité, et toutes les discussions sur les calories, les calories et encore les calories. Je me suis dit "allons regarder la littérature scientifique et voir s'il y a des preuves. Quelle est la physiologie derrière le surpoids ?" Et j'ai trouvé que dès que vous examinez l’obésité avec une nouvelle perspective, vous voyez que toute la théorie de l'équilibre énergétique et des calories ne vaut rien.»
Finalement, il a commencé à résoudre son casse-tête physiologique quand il a pu mettre en place un nouveau modèle cohérent sur l'insuline et la résistance à l'insuline et leurs liens avec l'obésité et le diabète.
« La seule chose qui compte est l'insuline. Les gens pensaient que les régimes riches en graisses causaient une résistance à l'insuline ou que l'obésité entraînait une résistance à l'insuline. Mais finalement j'ai pensé : "Bien sûr, c'est l'insuline elle-même qui provoque la résistance à l'insuline !" Ces deux maladies, l'obésité et le diabète de type 2, sont des maladies d’excès d'insuline.»
Diffuser ses connaissances
Vers 2011-12, Jason Fung a commencé à organiser une série de conférences, à la fois pour les collègues de son hôpital et pour les patients. « Quand vous essayez de comprendre quelque chose, vous devez vraiment le présenter ou essayer de l'enseigner. On apprend ainsi très vite où sont les pièces manquantes.»
Les réactions à ses présentations ont d'abord été mitigées. « Les diététiciens les ont détestées, mais les spécialistes en médecine interne les ont trouvées fascinantes. Quiconque travaille en médecine interne sait que l'administration d'insuline fait grossir. Nous l'avons tous vu. Pour le cortisol c’est la même chose : donnez-en, et les gens prennent du poids. En quoi n'est-ce pas évident ? J'ai donc articulé une nouvelle façon de voir les choses [un modèle hormonal de l'obésité et du diabète] que nous avons tous constaté en pratique et que nous savons être vrai.»
Un certain nombre de ses conférences ont été enregistrées en vidéo et mises en ligne. Et très lentement, Jason a gagné un public enthousiaste. Il a également commencé à traiter les patients selon ce nouveau modèle, en utilisant des régimes pauvres en glucides et le jeûne intermittent comme des moyens de réduire considérablement les niveaux d'insuline produits par le corps. Il a ouvert sa clinique IDM de Toronto. « Nous obtenions des résultats fantastiques. En trois mois, les patients n'avaient plus besoin de médicaments, même ceux qui avaient des injections de doses élevées d'insuline. Au début, mes collègues médicaux étaient sceptiques, mais quand ils ont vu mes résultats, ils m'ont tous suivis.»
Lors d'une présentation aux médecins vers 2014, un médecin faisant partie du public avait un membre de sa famille qui travaillait chez l’éditeur Greystone Books à Vancouver. Jason a bientôt reçu un appel à l'improviste. « L'éditeur a déclaré :" Ce truc est vraiment intéressant. Vous devriez écrire un livre."»
Jason avait presque terminé le manuscrit de Code obésité quand il a assisté au séminaire Low Carb au Cap en 2015, et rencontré le Dr Andreas Eenfeldt du site Diet Doctor et d'autres confrères de la communauté du low carb en plein essor. « Je commençais juste. Personne ne me connaissait encore. Nous avons tous commencé à nous trouver. Andreas m'a vraiment encouragé et nous avons parlé de façons de travailler ensemble. Je suis venu en Suède pour faire des vidéos avec lui. Il m'a convaincu de commencer à écrire régulièrement sur son site. »
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En tant que médecin occupé, comment trouve-t-il le temps d'écrire autant ? Simple : il prend son portable partout où il va. Lorsque ses deux fils, âgés de 11 et 14 ans, sont en train de faire du basketball ou du hockey, vous trouvez Jason dans les gradins avec son ordinateur portable ouvert et son téléphone comme point d'accès Internet. « Je n'aurais pas pu le faire il y a 20 ans, mais maintenant je prends mon portable partout et si j'ai 45 minutes, j'écris.»
Low carb
Et dans sa famille, le régime alimentaire est-il en permanence pauvre en glucides et riche en lipides ? « Ma femme et moi sommes définitivement en mode low carb. Ma femme est particulière car elle a toujours détesté les glucides. Elle déteste le riz, les nouilles, les pommes de terre. Cela fonctionne parfaitement du coup, parce que je ne pourrais jamais la forcer, ni mes enfants, à faire quoi que ce soit. »
Pour Jason, tout est une question d'équilibre. « Nous n'avons pas de diabète ou de résistance à l'insuline. Nous n'avons pas de poids à perdre, donc nous n'avons pas besoin d'être strict tout le temps. Nous sommes d’origine chinoise, alors nous sortons manger des nouilles avec les grands-parents de temps en temps. Et je ne vais pas aller à Naples et dire "non, je ne peux pas prendre une part de pizza." Cela n'a aucun sens ! Je vais le manger, prendre du poids, puis réduire les glucides et jeûner quand je rentre à la maison. »
Avec le recul, a-t-il jamais pensé qu'il serait un expert internationalement reconnu dans l'obésité, le diabète et la résistance à l'insuline ?
« Tout mon parcours a été incroyable. Je suis vraiment heureux et j'aime ce que je fais. J'écoute des podcasts sur ce qui vous rend heureux et ce ne sont pas des trucs comme les voitures et les objets. Il s'agit de faire partie de quelque chose de plus grand que soi, d'avoir un impact, de rendre le monde autour de soi meilleur. Et c'est ce que nous faisons avec mon équipe. »
Jason reçoit désormais souvent des courriels de personnes qui disent « J'ai lu votre livre ou j'ai regardé vos vidéos, j'ai suivi vos conseils et j'ai perdu 15 kg et je ne prends plus d’insuline. »
« Je pense que c'est tellement fantastique de recevoir ce type de témoignage. C'est énorme ! Cela me rend si heureux. Cela a probablement sauvé des vies. Et ça me donne envie de faire de plus en plus ça ! »
Traduction Thierry Souccar Editions, avec l’aimable autorisation de Diet Doctor. Tous droits réservés.