Evi Siougari vit dans le Péloponnèse où elle cultive des oliviers avec son mari, et enseigne la cuisine aux francophones. Elle partage sa passion pour l’alimentation méditerranéenne dans son nouveau livre : Îles grecques.
Pourquoi un livre consacré à la cuisine des îles grecques ? Y a-t-il des spécificités par rapport à la cuisine grecque "du continent" ?
Evi Siougari : Chaque cuisine est un concentré d’histoire et de vécu qui s’inspire des ressources du terroir et même du tempérament des personnes qui la créent. Les îles sont par définition des endroits à part, puisque la mer les relie et les isole à la fois du reste du monde. Les îles grecques sont pour la plupart arides et montagneuses, leurs habitants étaient donc obligés de tirer le meilleur des produits d’une terre souvent pauvre. En même temps, la mer est un immense espace de circulation d’idées et de personnes. Les insulaires grecs, grands marins et commerçants depuis l’Antiquité, se sont approprié les influences étrangères et les ont intégrées à leurs traditions culinaires.
C’est à cette gastronomie originale, à cette histoire millénaire, à ces gens si inventifs que j’ai voulu rendre hommage dans ce livre.
Ce qui distingue la cuisine des îles de celle du continent c’est bien sûr l’omniprésence de la mer, donc l’usage du poisson et des crustacés. Mais les produits de la mer sont combinés de façon très originale aux ressources offertes par la terre, au fromage, aux céréales ou aux légumes du potager. Je pense par exemple au mirmizéli, une salade savoureuse qui nous vient de Kalymnos et qui marie les anchois aux aubergines, au fromage de chèvre et au pain d’orge sec. Ou au poulpe grillé qui accompagne délicieusement la fava, légumineuse typique de Santorin.
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Pouvez-vous nous parler de vos activités professionnelles ?
En 2007, mon mari et moi avons décidé de nous installer en Grèce pour réaliser un projet qui nous tenait à cœur. Nous avons acheté une oliveraie dans le joli village de Méthoni dans le sud-ouest du Péloponnèse et y avons fondé notre domaine agricole, les Trois Tortues. Nous y produisons de l’huile d’olive bio mais aussi d’autres produits, tous conçus et réalisés par nos soins.
En parallèle, j’ai commencé à donner des cours de cuisine grecque à des personnes expatriées, installées à Athènes. C’était pour moi l’occasion d’approfondir mes connaissances, empiriques jusqu’alors, sur la cuisine traditionnelle mais aussi sur l’histoire, les coutumes et les particularités locales liées à chaque plat. Je présente mes réalisations culinaires et partage plusieurs recettes de spécialités grecques sur mon compte Instagram : cuisinegrecque_evi.
Avez-vous des recettes auxquelles vous êtes particulièrement attachée ?
Oui, forcément ! J’aime les recettes qui évoquent des moments de la vie réelle des gens. Comme par exemple la kakavia, soupe des pêcheurs de la mer Egée, qui ont inventé ce plat pour utiliser les petits poissons invendables. Le résultat est si savoureux, que ce plat a aujourd’hui sa place dans la carte des plus grands restaurants grecs.
J’aime aussi la pita aux herbes sauvages d’Ikaria, parce qu’elle me fait penser à ses insulaires qui parcouraient les montagnes escarpées de l’île pour chercher des plantes comestibles.
Une autre recette que j’affectionne c’est le sofigado de Lefkada, du bœuf mijoté au sirop concentré de raisin et aux coings ; c’est un plat raffiné qui marie des produits typiques du terroir des îles Ioniennes.
Enfin, je citerais le dakos, la tartine crétoise, un véritable concentré du régime crétois : céréales complètes, tomate, huile d’olive, herbes et fromage frais de brebis. Il est délicieux, facile à préparer, nourrissant et sain !
Pour aller plus loin : Îles grecques
Illustration : © Dionyssis Giakoumis